Question de M. JOMIER Bernard (Paris - SOCR-A) publiée le 20/04/2018

Question posée en séance publique le 19/04/2018

M. Bernard Jomier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ils étaient quelques centaines, et ils sont maintenant près de 2000 à s'entasser au bord d'un canal dans les rues de Paris. Ce sont des migrants : ce sont des hommes, des femmes et, parfois, des enfants. Nous pouvons tous partager le constat qu'ils fuient une violence : la violence de la guerre pour certains ; la violence de la pauvreté pour d'autres. Ils fuient la violence d'une vie qu'ils jugent sans avenir.

Monsieur le ministre d'État, ministre de l'intérieur, notre politique migratoire ne peut pas s'exonérer du respect des droits fondamentaux. Ces personnes doivent être mises à l'abri.

Les élus du territoire, le maire d'arrondissement, la maire de Paris vous ont interpellé et vous ont adressé des propositions. Le Défenseur des droits s'est rendu sur place et a constaté des conditions de vie qu'il qualifie d'indignes. L'archevêque de Paris, Mgr Aupetit, est allé à la rencontre des migrants et a appelé à faire mieux ; il a parlé de « fraternité ».

Quand allez-vous répondre autrement que par le silence à ces différentes interpellations ? Veuillez s'il vous plaît nous dire ce que vous comptez faire pour mettre fin à la situation de ce campement indigne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – MM. Didier Rambaud et Joël Labbé applaudissent également.)


M. Rachid Temal. Bravo !


M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.


M. David Assouline. Ce n'est pas Griveaux qui répond ? Ça aurait été bien, pourtant…

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement publiée le 20/04/2018

Réponse apportée en séance publique le 19/04/2018

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Jomier, vous avez parlé d'« humanité ». Vous avez raison ; c'est également en ces termes que la question doit se poser.

Il est nécessaire de faire face à la situation. Certes, celle-ci est provisoire. Mais elle est extrêmement délicate pour les conditions de vie des femmes et des hommes – ce sont essentiellement des hommes sur cette zone –, ainsi que pour les riverains, les usagers et les habitants du quartier. Le centre d'accueil Dubois, qui visait à réguler le flux de demandeurs d'asile en attente d'hébergement, est fermé depuis le 31 mars 2018, dans l'attente de la mise en place d'un nouveau dispositif composé de plusieurs centres d'accueil et d'examen des situations, ou CAES, en Île-de-France.

L'objectif est d'orienter l'ensemble des personnes concernées vers ces centres d'accueil. Mais, vous l'avez dit, la période de transition est délicate. Il faut faire en sorte de pouvoir apporter le plus rapidement possible une réponse aux personnes, en fonction soit de leur profil pour les héberger soit des procédures dont elles relèvent pour les orienter vers les dispositifs adéquats.

Nous avons collectivement – il ne s'agit pas d'opposer l'État aux collectivités locales, en particulier à la Mairie de Paris – déployé des efforts très importants…

Mme Éliane Assassi. Lesquels ?

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. … pour prendre en charge les nombreuses arrivées de migrants à Paris.

Des maraudes ont été organisées pour orienter 2 200 personnes vers les CAES depuis le début 2018. Ont été mis en place à Paris, depuis la fin du mois de mars, trois structures d'accueil de jour prioritairement dédiées à des hommes majeurs.

Cela doit permettre l'accueil inconditionnel, ainsi que l'information, l'orientation et la réorientation lorsque cela est nécessaire. Des navettes sont mises en place pour accompagner ces orientations ou réorientations chaque semaine si besoin est.

Il faut éviter toute naïveté – votre question n'en a pas fait preuve, monsieur le sénateur – à propos du campement de la Villette. Celui-ci est pour une large part occupé par des personnes qui refusent les mises à l'abri parce qu'elles veulent se soustraire à l'examen des situations administratives. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme Esther Benbassa. C'est faux !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. C'est la réalité !

M. David Assouline. Venez le visiter avec moi !

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. Dans le cas contraire, les personnes concernées pourraient utiliser les capacités d'orientation et d'accueil à leur disposition. Il y a même des minibus pour leur permettre de se déplacer. (Mme Esther Benbassa s'exclame.)

M. le président. Il faut conclure.

M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. Vous le savez, il y a aujourd'hui des filières qui organisent des départs vers le Pas-de-Calais à partir de cette zone.

Si la Mairie de Paris souhaite l'évacuation, elle peut parfaitement la demander au juge. Et si le juge se prononce en ce sens, le Gouvernement mobilisera tous les moyens à sa disposition pour faire exécuter la décision de justice. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – Mme Esther Benbassa proteste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour la réplique.

M. Bernard Jomier. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, mais une évacuation n'est pas une réponse durable ; vous le savez !

Je crains que le défaut d'anticipation – vous avez rappelé que le centre de la Chapelle avait fermé au mois de mars, faute d'anticipation – ne masque des difficultés dans vos choix et un manque de clarté.

Mme Éliane Assassi. Un manque de volonté surtout !

M. Bernard Jomier. Je ne suis pas surpris qu'un tel manque de clarté sème le trouble jusqu'au cœur de la majorité parlementaire.

Vous proclamez des principes d'humanité et de fermeté. Or ce que nous voyons notamment avec le campement de la Villette, c'est qu'il y a en réalité l'indignité et le désordre !

Votre loi n'atteint pas le point d'équilibre. Elle ne répond pas aux exigences, qu'il s'agisse de respect des droits fondamentaux ou du principe selon lequel, en République, le Parlement définit dans la clarté la politique migratoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Joël Labbé applaudit également.)

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