Question de M. TODESCHINI Jean-Marc (Moselle - SOCR) publiée le 12/04/2018

M. Jean-Marc Todeschini attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale au sujet de la diversification de l'offre linguistique pour les élèves de classes élémentaires. Les élèves reçoivent un enseignement de langues étrangères à partir du CE1. À l'issue de l'enseignement primaire, tous les élèves doivent avoir atteint le niveau A1 du cadre européen commun de référence des langues dans l'une des huit langues retenues. Pour chaque académie, dans le cadre de ses attributions, la Commission sur l'enseignement des langues vivantes étrangères veille notamment à la diversification de l'offre linguistique. Néanmoins, force est de constater sur le terrain que de nombreux parents d'élèves s'émeuvent d'une situation réelle qui apparaît bien éloignée de la théorie.
Dès 2011, prenant l'exemple de la commune de Talange en Moselle, plusieurs questions parlementaires ont été adressées aux ministres concernés afin de constater que de nombreux élèves n'avaient pour seule langue proposée que l'italien. En 2018, sept années plus tard, les parents d'élèves de la commune constatent malheureusement que la situation n'a pas évolué. À Talange, l'absence de diversité linguistique reste la norme. Questionnés sur cette situation, les services de son ministère insistent sur leurs difficultés à mettre en adéquation les besoins et l'offre en matière d'enseignement des langues étrangères, compte tenu des contraintes techniques et financières auxquelles cette « gestion » est soumise.
Pourtant, toutes les études s'accordent à dire que les premières années d'enseignement sont décisives dans l'apprentissage d'une langue. S'ils sont conscients des difficultés réelles rencontrées par le monde enseignant en termes de moyens, la réponse du ministère de l'Éducation nationale n'est pas satisfaisante pour les parents car l'avenir des élèves ne saurait se trouver pris au piège des contingences matérielles ou financières.
Sans remettre en cause, ni la qualité des enseignements prodigués, ni le dévouement et le professionnalisme des enseignants, il lui demande une nouvelle fois de lui faire connaître les mesures qu'il entend prendre afin de permettre une offre linguistique diversifiée accessible à tous les élèves sur l'ensemble du territoire, notamment en ce qui concerne la Moselle pour l'allemand, langue du pays voisin et l'anglais, fortement plébiscité par les parents.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 04/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 03/07/2018

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'école élémentaire, les élèves reçoivent un enseignement de langues étrangères à partir du CE1. À l'issue de cet enseignement, tous les élèves doivent avoir atteint le niveau 1 du cadre européen commun de référence des langues dans l'une des huit langues retenues.

Pour chaque académie, dans le cadre de ses attributions, la commission sur l'enseignement des langues vivantes étrangères veille, notamment, à la diversification de l'offre linguistique. Toutefois, force est de constater sur le terrain que de nombreux parents d'élèves s'émeuvent d'une situation réelle qui apparaît bien éloignée de la théorie.

Dès 2011, j'avais interpellé le ministre de l'époque au sujet du manque de moyens accordés à la mise en place de l'apprentissage des langues au sein de l'école primaire.

J'avais cité l'exemple d'une commune que je connais bien, celle de Talange, en Moselle, en évoquant le cas d'une école dans laquelle seule la langue italienne était proposée aux élèves. Je reprenais alors le questionnement des parents quant au sens du choix de cette langue dans un territoire frontalier.

De son côté, le département de la Moselle, avec vos services, monsieur le ministre, développe un plan important d'apprentissage de la langue du pays voisin, c'est-à-dire l'allemand. Il semble en effet plus pertinent de proposer aussi dans ce territoire au moins l'allemand, voire l'anglais, qui est indispensable dans le monde connecté, ce qui permettrait aux élèves d'aborder ensuite l'allemand en deuxième langue.

Sept ans plus tard, interpellé à nouveau par des parents d'élèves de la même commune, je ne puis malheureusement que constater une aggravation de cette situation : à Talange, aujourd'hui, seul l'italien est proposé à tous les élèves. Le directeur académique reconnaît par courrier que l'adéquation entre les besoins et l'offre est difficile à réaliser, compte tenu des contraintes techniques et financières auxquelles cette gestion est soumise.

Pourtant, toutes les études s'accordent pour souligner que les premières années d'enseignement sont décisives dans l'apprentissage d'une langue.

Si nous sommes conscients des difficultés réelles rencontrées par le monde enseignant en termes de moyens, la réponse du ministère de l'éducation nationale ne peut pas être satisfaisante : l'avenir de nos enfants ne saurait se trouver pris au piège des seules contingences matérielles ou financières !

Sans remettre en cause la qualité des enseignements prodigués ni le dévouement et le professionnalisme des enseignants, je repose la question de la diversité linguistique offerte à nos élèves. Certes, monsieur le ministre, vous héritez de la situation, mais quelles mesures entendez-vous prendre pour que les élèves de Talange et de toutes les zones frontalières puissent accéder à une offre linguistique diversifiée dès le CE1 ?

Je précise, pour que les choses soient claires, que je n'ai rien contre l'italien, étant moi-même d'origine italienne – mon père est mort italien…

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale. Monsieur Todeschini, nous allons nous retrouver sur bien des points, à commencer par l'amour de l'Italie…

C'est un sujet dont je parlais tout récemment avec l'ambassadrice d'Italie, parce que nous avons, en effet, à fortifier la diversité linguistique, donc des langues comme l'italien. Le tout dans le cadre d'une stratégie générale des langues qui ne date pas d'hier – vous avez eu raison de le souligner. Depuis une vingtaine d'années, des progrès ont été accomplis en France dans ce domaine : la situation est ainsi plus satisfaisante aujourd'hui que par le passé, même si bien des voies d'amélioration demeurent.

L'académie de Nancy-Metz a été interrogée sur l'enseignement des langues vivantes étrangères dans le premier degré dans le département de la Moselle, dont la commune de Talange fait partie. Au cours de l'année 2017-2018, les élèves du CP au CM2 ont bénéficié d'un enseignement de l'anglais à 56 %, de l'allemand à 41 %, de l'italien à 2 % et du luxembourgeois à 0,55 %. Ce portrait fait donc apparaître une certaine diversité linguistique dans un département significatif comme la Moselle.

La situation des deux écoles de Talange, qui comptent 450 élèves, est historiquement imprégnée par la culture italienne, comme vous l'avez expliqué, à travers la population de migrants italiens. Cette influence continue de vivre à travers l'enseignement de l'italien. D'ailleurs, le festival du film italien de Villerupt est une référence dans son domaine.

Dans le cadre d'un accord avec les autorités consulaires italiennes, l'enseignement de l'italien dans les deux écoles de la commune, ainsi qu'à Metz et à Moyeuvre-Grande, est assuré par trois locuteurs natifs, financés par le consulat. L'inspectrice de l'éducation nationale chargée de la circonscription du premier degré dont dépend Talange atteste la qualité de l'enseignement dispensé.

L'apprentissage de l'italien permet d'élargir le répertoire linguistique des élèves et vise l'obtention du niveau A1 en italien en fin de CM2. L'inspectrice de l'éducation nationale chargée du dossier n'a fait part d'aucun retour négatif des familles au sujet de cet enseignement.

Dans le cadre de la poursuite de la scolarité, la continuité linguistique est assurée au collège de Talange, qui offre dès la sixième une classe bilangue anglais-italien et l'enseignement de l'italien en langue vivante 2.

La commission académique sur l'enseignement des langues vivantes étrangères, présidée par le recteur de l'académie, est chargée de veiller à la diversité de l'offre de langues, ainsi qu'à la cohérence et à la continuité des parcours. Cette commission établit chaque année un bilan de l'enseignement et peut proposer des aménagements à la carte académique des langues.

Il est possible d'envisager, tout en préservant l'identité culturelle historique de ces écoles, de proposer l'apprentissage d'autres langues vivantes, en fonction des ressources en enseignants disponibles. C'est ainsi que, s'il me paraît bon que l'italien continue d'être enseigné fortement dans cette académie, des évolutions pourront éventuellement intervenir au nom de la diversité des langues.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour répondre à M. le ministre.

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, je connais parfaitement la situation du département de la Moselle, en particulier du plateau lorrain, et la présence importante d'immigrés italiens de deuxième ou troisième génération.

L'italien comme langue de culture d'origine, les parents n'ont rien contre ! Mais, en l'occurrence, on impose cette langue à tous les jeunes. Ce que vous dit l'inspectrice de l'éducation nationale, qui est à Rombas et que je connais bien, est juste : sur l'enseignement et les enseignants italiens qui se succèdent, il n'y a pas rien à dire.

Je n'ai pas voulu aborder la question du consulat. C'est l'Italie, il est vrai, qui finance l'apprentissage de l'italien dans cette commune.

Reste que les parents s'inquiètent. Tous les matins, en effet, quelque 80 000 Mosellans franchissent la frontière pour travailler au Luxembourg ; dans le Grand Est, en comptant les trajets vers l'Allemagne, on dénombre 175 000 frontaliers. C'est pourquoi le département développe, en liaison avec vos services, un plan important en faveur de l'apprentissage de l'allemand.

Dans ce contexte, les parents ne peuvent pas comprendre que seul l'italien soit proposé, et, de fait, imposé. Je le répète, je n'ai rien contre cette langue. Simplement, je pense que, dans ces communes – il y en a où la présence d'immigrés italiens est encore plus forte qu'à Talange –, une diversité de possibilités pourrait être offerte. Cela s'est fait naguère, à une époque où l'allemand était enseigné par des professeurs de collège, mais ce n'est apparemment plus le cas.

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