Question de Mme DARCOS Laure (Essonne - Les Républicains) publiée le 14/06/2018

Mme Laure Darcos appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la situation économique de la filière oléagineuse française. Le groupe Total a été récemment autorisé à modifier l'exploitation de son usine de bioraffinerie de la Mède dans les Bouches-du-Rhône afin d'y produire des biocarburants à partir d'huile de palme importée pour un volume initial de 300 000 tonnes. Cette décision va conduire à la déstabilisation de la filière oléagineuse française et impacter considérablement l'économie agricole francilienne. L'Île-de-France représente en effet une part importante de la production française de colza, culture qui génère des revenus pour plus d'un producteur sur deux dans la région. L'équilibre économique des unités de trituration situées en France pourrait être fragilisé à court terme. En outre, des conséquences graves sont également à prévoir pour les exploitations d'élevage, fortement utilisatrices de coproduits issus de la trituration des graines oléagineuses, tels que les tourteaux de colza, dont le manque de disponibilité pourrait entraîner une augmentation des prix de l'alimentation animale. Alors que la France peut se prévaloir d'une production de colza de qualité, tracée et sans organisme génétiquement modifié (OGM), elle lui demande s'il est bien nécessaire de recourir à l'huile de palme importée, produite dans des conditions difficilement acceptables au regard des intérêts des populations locales et des objectifs de protection de la biodiversité, et souhaite qu'il lui précise les mesures qu'il compte prendre pour assurer la pérennité de la filière oléagineuse française permettant de préserver le tissu économique local.

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Réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire publiée le 02/08/2018

La transformation de la raffinerie de Total située à La Mède en bioraffinerie, décidée en 2016 et autorisée le 16 mai dernier par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, s'inscrit dans le cadre de la réorganisation du secteur du raffinage. Elle permet, d'une part, de maintenir 250 emplois sur le site industriel de La Mède et, d'autre part, de produire des produits spécifiques, des huiles végétales hydrotraitées (HVO), qui sont jusqu'à présent produites à l'étranger à partir d'huile de palme puis importées en France. L'usage des matières premières utilisées pour produire ces biocarburants, et notamment l'huile de palme, sera strictement encadré. À ce jour, les filières d'approvisionnement de cette installation ne sont pas entièrement arrêtées. Outre les huiles végétales brutes, trois autres types de ressources sont ciblées : les huiles de cuisson usagées, les graisses animales et les résidus acides issus du raffinage des huiles alimentaires. Le Gouvernement a imposé, à cet égard, qu'une part minimale de 25 % de l'approvisionnement provienne de cette économie circulaire. Il s'agit d'un effort considérable pour structurer les filières françaises. Le Gouvernement a également demandé à l'entreprise Total de faire en sorte de limiter, autant que possible, l'approvisionnement en huiles végétales brutes (palme, colza, soja) à des quantités inférieures aux 450 000 tonnes par an autorisées pour l'usine. Il a ainsi été obtenu de l'entreprise une limitation volontaire de sa consommation d'huile de palme à 300 000 tonnes, soit moins de 50 % des matières premières utilisées à la Mède. Concernant la part qui proviendra d'huiles végétales brutes, le Gouvernement a rappelé à Total le caractère obligatoire de la réglementation communautaire relative à la durabilité des biocarburants. Le respect de ces critères, qui sont très stricts, est scrupuleusement contrôlé par les autorités françaises compétentes en la matière, et sera publié chaque année. Ainsi, l'autorisation de la bioraffinerie de La Mède va permettre de remplacer des HVO importées, produites avec 100 % d'huile de palme, par des HVO produites en France avec 50 % d'huile de palme. En outre, le Gouvernement s'est engagé à tout mettre en œuvre pour, d'une part, diminuer l'emploi de matières premières à usage énergétique entrant en concurrence avec l'usage alimentaire et, d'autre part, réviser les critères de durabilité concernant les matières premières à fort impact sur l'utilisation des sols à des fins alimentaires. Par ailleurs, et comme annoncé dans le Plan climat le 6 juillet 2017, le Gouvernement a rappelé sa volonté de ne voir que de l'huile de palme durable utilisée en France. Le Gouvernement a porté ces positions lors des négociations européennes sur la directive énergies renouvelables qui ont abouti à un plafonnement puis à une élimination progressive des matières premières à fort impact ILUC (impact du changement indirect de l'utilisation des terres sur les émissions de gaz à effet de serre) d'ici 2030. Le Gouvernement a également demandé à la Commission européenne de lancer rapidement les travaux pour élaborer une stratégie sur la déforestation importée et, en parallèle, le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, a engagé une politique ambitieuse dans ce domaine. En effet, l'axe 15 du Plan climat prévoit de mettre fin à l'importation, en France, de produits contribuant à la déforestation, et de publier, en 2018, une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. Cette stratégie, soumise à la consultation publique du 3 au 24 juillet 2018, vise à lutter contre la perte nette de forêt, et en particulier de forêts tropicales. Plusieurs mesures seront prises, notamment pour le secteur privé qui devra intégrer des critères de durabilité dans ses plans de filière.

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