Question de M. CANÉVET Michel (Finistère - UC) publiée le 13/09/2018

M. Michel Canevet attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la problématique des « déserts médicaux » et le numerus clausus.

Instauré en 1971 par la ministre de la santé, Simone Veil, le numerus clausus désigne chaque année le nombre d'étudiants qui poursuivent leurs études après la première année commune aux études de santé (PACES). Ce sont ainsi 8 205 places qui ont été ouvertes pour l'année 2019, pour environ 60 000 étudiants inscrits. Nombreux sont ceux qui souhaitent, pour certains, une suppression pure et simple de ce mécanisme, considéré comme injuste et inefficace, pour d'autres, sa modification, comme le Président de la République qui, en juillet 2017, voulait mettre en place « des réformes structurelles pour rouvrir les numerus clausus qui ont construit cette rareté du personnel médical sur les territoires ».
Cette question est d'autant plus sensible qu'aujourd'hui de nombreux territoires sont considérés comme des « déserts médicaux ».
Ainsi, le 12 juin 2018, l'agence régionale de santé a dévoilé la carte des « déserts médicaux » bretons qui compte désormais trente-deux « zones d'intervention prioritaire » - essentiellement dans le centre de la Bretagne et les Côtes-d'Armor - recouvrant 10 % de la population bretonne contre 5,5 % dans le précédent zonage. Soixante-dix territoires sont classés en « zone d'action complémentaire ». Finalement, 42 % des Bretons vivent dans des zones de tension d'accès aux soins.
Certes, la fin « rapide » des déserts médicaux ne dépend pas uniquement du numerus clausus, d'autant plus qu'il faut une dizaine d'années pour former un médecin. Il existe en effet d'autres raisons qui peuvent expliquer ce phénomène, comme le manque d'attractivité des territoires, l'adaptation à l'évolution des conditions de travail et la conciliation entre vies professionnelle et personnelle.
Pour autant, une augmentation de ce numerus clausus, accompagnée d'un meilleur accueil des étudiants, pourrait permettre de répondre à l'évolution de leur temps de travail et donc permettre leur installation dans les « déserts médicaux ».

Il lui demande donc, au regard de cette situation, d'examiner les évolutions possibles du numerus clausus.


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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé publiée le 24/10/2018

Réponse apportée en séance publique le 23/10/2018

M. Michel Canevet. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, j'ai souhaité appeler l'attention du Gouvernement sur la situation de la démographie médicale dans notre pays, singulièrement en Bretagne. L'Agence régionale de santé, l'ARS, de Bretagne a établi assez récemment une cartographie de la situation, d'où il ressort que de très nombreux territoires, de très nombreux bassins de vie en Bretagne sont particulièrement mal desservis. Certains sont même dépourvus de médecins, ce qui provoque l'angoisse de la population et pousse les élus à réfléchir à des solutions.

Parmi les propositions que j'avais formulées pour aboutir à une amélioration de la situation figurait la suppression du numerus clausus, car c'est effectivement le contingentement du nombre de médecins qui a abouti à une situation aussi dégradée sur certaines parties de notre territoire. Depuis que j'ai eu l'occasion de vous adresser ma question, j'ai, bien entendu, pris connaissance du plan Santé lancé par le Gouvernement, constatant avec satisfaction que le numerus clausus allait être réformé, voire supprimé en 2020. Je souhaite pour ma part qu'il puisse l'être le plus tôt possible, car il y a urgence à agir pour former de plus en plus de médecins.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Michel Canevet, je vous remercie de votre question, qui s'inscrit tout à fait dans le cadre du plan Ma santé 2022 présenté par le Président de la République le 18 septembre dernier.

En effet, l'adaptation des formations aux enjeux de la santé de demain a été identifiée comme un axe prioritaire de travail. Chacun le reconnaît dans cette enceinte, le numerus clausus, s'il est utilisé seul, est un outil inadapté pour assurer une couverture suffisante en professionnels de santé sur l'ensemble du territoire national.

Chacun a aussi pu en faire l'expérience, la sélection opérée via le numerus clausus sur des critères peu pertinents par rapport à l'exercice que l'on attend de la pratique médicale est un gâchis humain. En le supprimant à l'issue de la première année, la réforme que nous engageons est pragmatique. Elle permettra de recruter des étudiants de profils divers qui pourront s'orienter progressivement vers un métier au cours du premier cycle.

S'agissant de la deuxième partie de votre question portant sur l'accès aux soins, plusieurs leviers ont déjà été actionnés pour agir dès à présent.

La régulation des étudiants de troisième cycle s'adapte aux besoins démographiques des régions et à leurs capacités de formation. Ainsi, 474 postes d'interne ont été ouverts en Bretagne à l'issue des épreuves classantes nationales, les ECN, en 2018, soit 6 % de plus que l'an passé. C'est une augmentation supérieure à la moyenne nationale, qui est de 4 %.

Nous encourageons également la conclusion de contrats d'engagement de service public, ces bourses versées aux étudiants en médecine en contrepartie d'une installation dans un territoire manquant de professionnels. Environ 80 étudiants en médecine bretons ont signé un tel contrat depuis la mise en place du dispositif, dont 43 ces trois dernières années.

Enfin, je veux saluer le travail de l'agence régionale de santé de Bretagne, qui anime depuis 2013 une convention régionale pour favoriser l'installation des médecins, et soutient dans ce cadre des initiatives variées et parfois innovantes.

Je pense à l'opération généraliste dating, qui met en relation les futurs médecins généralistes et les professionnels de santé déjà installés, et qui a déjà débouché sur douze installations. Je pense aussi au développement de 90 maisons de santé pluriprofessionnelles situées, pour les trois quarts, dans des territoires en difficulté. Je pense enfin aux 35 projets de télémédecine opérationnels dans des domaines variés – plaies chroniques, dermatologie, gériatrie, psychiatrie, AVC, cardiologie, insuffisance rénale.

Monsieur le sénateur, vous l'aurez compris, nous sommes pleinement engagés aux côtés de tous les acteurs pour garantir le meilleur accès aux soins et offrir une meilleure formation aux étudiants qui se dirigent vers la médecine.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour répondre à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Il vous reste cinquante-quatre secondes, mon cher collègue.

M. Michel Canevet. Je remercie bien entendu Mme la secrétaire d'État de ces précisions extrêmement utiles et exhaustives sur les actions qui ont été conduites. Effectivement, l'ARS s'est déjà emparée de cette question, mais il importe de poursuivre les efforts, en particulier en ce qui concerne les maisons de santé. Celles-ci sont subordonnées à des conditions parfois un peu trop restrictives, ce qui empêche le financement d'un certain nombre de projets. Or il faut que l'ensemble des initiatives de terrain visant à pallier le manque de médecins puisse être accompagné.

Je veux aussi appeler l'attention du Gouvernement sur d'autres disciplines manquant de praticiens – orthophonistes, masseurs-kinésithérapeutes – qui doivent aussi être l'objet d'une action résolue.

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