Question de M. PERRIN Cédric (Territoire de Belfort - Les Républicains) publiée le 20/09/2018

M. Cédric Perrin interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur le rapport de la mission volontariat sapeurs-pompiers qui lui a été remis le mercredi 23 mai 2018 et qui suscite l'inquiétude des concernés.

Les sapeurs-pompiers déplorent que ce rapport n'affirme pas le caractère volontaire de leur engagement. Ils sont d'autant plus inquiets que le Gouvernement semble envisager la transposition de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail qui, pourtant, ne reconnaît pas l'engagement citoyen.

Cette transposition aurait pour conséquence grave d'assimiler le sapeur-pompier volontaire à un travailleur. Son application remettrait donc en cause la pérennité de notre système de secours en raison des spécificités et contraintes inhérentes au statut de salarié (durée du temps de travail plafonnée, obligation de repos quotidien...).

C'est pourquoi il lui demande quelles traductions concrètes sont envisagées pour préserver le volontariat du sapeur-pompier et s'il entend plaider auprès des instances européennes en faveur d'une directive spécifique aux forces de sécurité nationale. Cette initiative apparaît urgente pour conforter notre modèle et renforcer l'engagement des sapeurs-pompiers.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur publiée le 24/10/2018

Réponse apportée en séance publique le 23/10/2018

M. Cédric Perrin. Ma question s'adresse effectivement au ministre de l'intérieur…

Monsieur le secrétaire d'État, le 29 septembre dernier, à Bourg-en-Bresse, un engagement de Gérard Collomb était salué par les applaudissements nourris des sapeurs-pompiers réunis pour leur congrès annuel. Le ministre de l'intérieur d'alors venait de confirmer le changement urgent de la directive de 2003, dite DETT. Il voulait « assurer la pérennité du statut de sapeur-pompier volontaire ».

Quelques jours plus tôt, mes collègues Catherine Troendlé et Olivier Cigolotti adressaient au président de la Commission européenne une motion appelant à préserver l'engagement volontaire des sapeurs-pompiers et à rejeter par conséquent la reconnaissance des volontaires en tant que « travailleurs » au sens de cette fameuse directive.

Nous sommes 252 sénateurs à avoir cosigné cette motion. L'ampleur de la mobilisation témoigne de la gravité des risques courus. Assimiler le sapeur-pompier volontaire à un travailleur, c'est remettre en cause la pérennité de notre système de secours dans son ensemble.

C'est pourquoi je vous demande quelles solutions concrètes le Gouvernement entend mettre en œuvre pour traduire la promesse du précédent ministre de l'intérieur et préserver ainsi le volontariat du sapeur-pompier.

Conformément à la demande formulée par notre assemblée, le nouveau ministre de l'intérieur plaidera-t-il auprès des instances européennes en faveur d'une directive spécifique aux forces de sécurité et de secours d'urgence ? Où en êtes-vous des négociations ? Quel calendrier est prévu ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Cédric Perrin, la sécurité civile française repose sur un modèle qui montre chaque jour sa pertinence et sa robustesse, je vous remercie de l'avoir rappelé. Par son organisation et son implantation territoriale cohérente, notre modèle permet aussi bien de faire face aux accidents du quotidien que d'affronter les crises exceptionnelles. Ce modèle, garant de la pérennité de la mission des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, doit être conforté.

Dans son arrêt du 21 février 2018, la Cour de justice de l'Union européenne souligne que les États membres ne peuvent déroger, à l'égard de certaines catégories de sapeurs-pompiers recrutés par les services publics d'incendie, aux obligations découlant de la directive du 4 novembre 2003. Pour rappel, cette dernière concerne certains aspects de l'aménagement du temps de travail et des périodes de repos.

La CJUE ajoute que le temps de garde qu'un travailleur est contraint de passer à domicile avec l'obligation de répondre aux appels de son employeur dans un délai de huit minutes doit être considéré comme du temps de travail. Elle rappelle que le facteur déterminant pour la qualification de temps de travail, au sens de la directive, est le fait que le travailleur est contraint d'être physiquement présent sur le lieu déterminé par l'employeur et de s'y tenir à la disposition de ce dernier.

Je suis très attentif aux conséquences potentielles de l'application en France de cette jurisprudence, s'agissant notamment du risque de désorganisation et du surcoût potentiel induit pour les services d'incendie et de secours. C'est pourquoi l'étude des impacts réels pour les services d'incendie et de secours est en cours par les services compétents du ministère de l'intérieur, en lien avec le secrétariat général aux affaires européennes.

Le rapport de la mission Volontariat, remis le 23 mai dernier, suggère d'exempter le volontariat de toute application de la directive du 4 novembre 2003.

En effet, je ne peux accepter une remise en cause de notre modèle, qui repose sur l'engagement de femmes et d'hommes, sapeurs-pompiers volontaires. Afin de pérenniser et de sécuriser juridiquement les principes à la base de l'organisation nationale du volontariat, nous allons dans les prochaines semaines proposer une initiative européenne de nature à garantir que les volontaires puissent continuer à concilier librement leur engagement et leur activité professionnelle.

C'est avec détermination que le Président de la République et le Gouvernement continueront à valoriser notre modèle de sécurité civile et, avec lui, le volontariat, et à en faire une vitrine et une référence dans les coopérations européenne et internationale conduites par la France.

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Perrin, pour répondre à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, en une minute et dix secondes.

M. Cédric Perrin. Monsieur le secrétaire d'État, votre réponse me satisfait évidemment. Je crois que nous devons tous aller dans le même sens. L'application de cette directive serait absolument catastrophique pour notre système de sécurité civile dans son ensemble.

Aujourd'hui, le courage et le dévouement des pompiers volontaires sur l'ensemble du territoire national font de ce modèle de sécurité un modèle exemplaire. Vous avez évoqué la difficulté à recruter des volontaires ; c'est en effet un sujet majeur que l'on rencontre dans la plupart des centres de secours aujourd'hui.

Il faut également évoquer le volet financier. Il a à un moment donné été question, si la directive devait être appliquée, de devoir recruter plus de 20 000 pompiers professionnels. Ce serait absolument impossible à mettre en œuvre pour les collectivités qui, depuis 1996, je crois, sont dépendantes des conseils départementaux en matière de service départemental d'incendie et de secours.

C'est la raison pour laquelle j'insiste avec force. Monsieur le secrétaire d'État, j'ai bien compris votre engagement et votre volonté de faire en sorte que cette directive ne soit pas appliquée aux sapeurs-pompiers volontaires. Cela me semble un point absolument essentiel pour que les secours continuent de connaître un aussi bon maillage sur l'ensemble de notre territoire.

Je vous remercie de votre réponse.

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