Question de M. TOURENNE Jean-Louis (Ille-et-Vilaine - SOCR) publiée le 27/09/2018

M. Jean-Louis Tourenne attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les conditions de prescription de la dépakine notamment au travers de l'information des professionnels de santé et pour le public.

En effet, d'une part le rapport d'audit demandé par le directeur de l'assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) sur l'état de la connaissance des professionnels dans les hôpitaux parisiens indiquait en février 2017 que : « Le défaut majeur d'information des médecins de l'AP-HP sur les nouvelles conditions de prescription du valproate résulte de dysfonctionnements multiples intervenus à tous les niveaux. À l'AP-HP, […] la multiplicité des acteurs en charge réglementairement du sujet du médicament et de la sécurisation du circuit et des soins a révélé ici une incapacité d'assurer une maîtrise rapide et efficace d'un tel sujet sans une réelle coordination opérationnelle ».

De plus, le rapport de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) du 20 octobre 2017 démontre aussi des faits importants : « Entre avril et juillet 2017, les conditions de prescription et de délivrance (présentation d'un formulaire d'accord de soin et d'une ordonnance d'un spécialiste datant de moins d'un an) étaient respectées pour seulement 47 % des délivrances de valproate chez des filles ou femmes en âge de procréer ».

Il souhaite donc obtenir un point complet sur la situation et les mesures envisagées afin que d'autres difficultés et des scandales soient évités. Il demande particulièrement s'il serait dès lors possible d'envisager une campagne d'information sur les dangers des médicaments antiépileptiques et thymorégulateurs pendant la grossesse.
De plus, il espère qu'il sera possible de lui répondre sur les modalités d'indemnisation des victimes qu'elles soient directes ou indirectes (c'est-à-dire les enfants et petits-enfants des femmes ayant suivi un tel traitement pendant leur grossesse).

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé publiée le 24/10/2018

Réponse apportée en séance publique le 23/10/2018

M. Jean-Louis Tourenne. Madame la secrétaire d'État, depuis de nombreuses années, près de cinquante ans, la dépakine et les anticonvulsivants contenant du valproate de sodium sont considérés comme médicaments tératogènes responsables pour les enfants de troubles neurocomportementaux, voire de malformations physiques. Ce n'est que depuis 2015 que l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé enjoint aux praticiens de ne plus prescrire de valproate aux femmes en âge de procréer. Pourtant, des constats récents laissent entendre que seuls 46 % des praticiens suivent les procédures, rendues obligatoires, d'information et de recueil des accords.

Par ailleurs, une étude récente réalisée par cette même agence montre que les enfants de parents traités par le valproate courent quatre à cinq fois plus de risques de présenter des troubles neurologiques et comportementaux que les autres enfants. Elle estime entre 13 200 et 26 500 le nombre d'enfants victimes dont les mères sont des patientes épileptiques, et entre 3 200 et 3 900 le nombre d'enfants de patients bipolaires victimes. Elle considère en outre que, depuis l'interdiction totale aux praticiens, le nombre de femmes en âge de procréer traitées par le valproate a diminué de 15 %. C'est dire l'efficacité de l'intervention des pouvoirs publics, mais 56 % d'entre elles continuent à être victimes de la méconnaissance des praticiens.

Il convient de noter que ce n'est que le 12 juin dernier, après cinquante ans de profits, que Sanofi a éveillé l'attention des praticiens et interdit l'usage du valproate chez les sujets concernés.

Aussi le caractère gravissime de la situation impose-t-il de la part du Gouvernement, madame la secrétaire d'État, un certain nombre de mesures radicales. D'abord, il faut procéder à l'information la plus large, afin que nul n'y échappe, de la population féminine en âge de procréer, de même qu'à la sensibilisation des hommes sur les conséquences liées à l'appauvrissement du sperme.

Ensuite, vous devez sensibiliser tous les praticiens sur les risques qu'ils font courir lorsqu'ils prescrivent le valproate, tout en prévoyant, le cas échéant, des sanctions s'ils n'en tiennent pas compte.

En outre devrait être menée une étude épidémiologique approfondie sur les effets éventuels sur les petits enfants de patientes traitées, c'est-à-dire la troisième génération, afin de déterminer un dispositif de prévention.

Enfin, il convient d'engager l'indemnisation des victimes en obtenant de l'entreprise Sanofi qu'elle apporte une contribution pour compenser les frais induits et les contraintes particulières. Il faut savoir que Sanofi, dont la responsabilité est entière, vient de distribuer 6,6 milliards d'euros de dividendes !

Êtes-vous prête, madame la secrétaire d'État, à vous engager dans ces actions volontaristes pour que ce scandale sanitaire cesse enfin ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Jean Louis Tourenne, je vous remercie de votre question, qui me permet de revenir sur les conditions de prescription de la dépakine et sur l'information des professionnels de santé et du public.

Tout d'abord, je tiens à souligner que le nombre de femmes en âge de procréer exposées à l'acide valproïque a diminué de 45 % entre 2013 et 2017.

Cette baisse a été obtenue grâce aux mesures de réduction de l'exposition mises en œuvre par le ministère chargé de la santé et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, ainsi qu'à la mobilisation de tous les acteurs, notamment des associations, dont chacun, ici, peut saluer l'action au quotidien.

Aucun anti-épileptique ne doit être prescrit sans être accompagné d'une information transparente. Les femmes traitées par un anti-épileptique quel qu'il soit, notamment celles qui sont en âge de procréer ou qui font preuve d'un désir de grossesse, doivent consulter leur médecin avant toute décision thérapeutique.

S'agissant des actions conduites par le Gouvernement plus généralement en matière d'information des patients, la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, a reçu début septembre le rapport de la mission Information et médicament, mise en place le 1er décembre 2017. À cette occasion, elle a pu réaffirmer sa volonté d'améliorer la qualité et l'efficacité de l'information sur le médicament. Nous allons installer une source unique d'information publique sur le médicament, en nous appuyant sur le site sante.fr, et en y intégrant la base de données publique des médicaments.

Il nous faut aussi optimiser et faciliter la coordination des soins entre les prescripteurs et les pharmaciens d'officine. À ce titre, le dossier médical partagé généralisé par l'assurance maladie dans quelques jours sera un outil d'information essentiel.

Enfin, s'agissant du suivi et de l'indemnisation des enfants exposés et des victimes du valproate de sodium, nous souhaitons que soit mis en place un dispositif de suivi de la prise en charge des enfants exposés in utero, afin que soit organisée une filière de soins permettant de simplifier leur parcours et d'assurer des soins adaptés à chacune des situations.

Le dispositif d'indemnisation est ouvert à toute personne s'estimant victime d'un préjudice en raison d'une ou de plusieurs malformations ou de troubles du neuro-développement imputables à la prescription, avant le 31 décembre 2015, de valproate de sodium ou de l'un de ses dérivés.

Le comité d'indemnisation, au vu de l'avis du collège d'experts, se prononce alors sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue des dommages, ainsi que sur la responsabilité.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la secrétaire d'État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. C'est dans ce cadre que la responsabilité respective de l'exploitant du médicament, des prescripteurs et, enfin, de l'État, au titre de ses pouvoirs de sécurité sanitaire, peut alors être recherchée.

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