Question de Mme GRÉAUME Michelle (Nord - CRCE) publiée le 04/10/2018

Mme Michelle Gréaume attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les suppressions d'emplois dans le groupe Carrefour. Un vaste plan de restructuration et d'économies, a été mis en œuvre début 2018, axé notamment sur la fermeture du réseau de proximité formé par les ex magasins Dia et la suppression de 2 100 emplois.
Les promesses et les engagements n'avaient pas manqué à l'époque pour rassurer sur le sort des salariés. Engagements dans la recherche de repreneurs pour limiter de nombre de fermetures « sèches » de magasins. Engagements également en termes de reclassement au sein du groupe, d'aide à la formation censés limiter au maximum le nombre de licenciements.
Neuf mois plus tard le verdict est cruel : 273 magasins ont été fermés, 1 300 salariés ont reçu leur lettre de licenciement. Seuls 202 salariés ont trouvé un nouveau poste en interne. Des questions se posent et méritent d'être posées quant à la réalité des efforts fournis par le groupe Carrefour pour respecter ses propres engagements, que ce soit pour la reprise de magasins ou en matière de reclassement des salariés.
Il n'est d'ailleurs pas inutile de rappeler que le groupe Carrefour est, parmi les sociétés du CAC 40, un de ceux qui rémunère le plus ses actionnaires et qu'il a bénéficié de 2 milliards d'exonérations sociales en cinq ans.
Alors que le Gouvernement avait, de son côté, plusieurs fois fait état de sa vigilance sur la « qualité du dialogue social » on ne peut que s'étonner du silence « assourdissant » qui accompagne aujourd'hui ce plan de licenciements. En conséquence, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer et préciser les mesures et les actes concrets qui ont été pris par le Gouvernement pour contraindre le groupe Carrefour à respecter ses engagements et pour préserver les emplois.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics publiée le 21/11/2018

Réponse apportée en séance publique le 20/11/2018

Mme Michelle Gréaume. Au début de l'année 2018, le groupe Carrefour a engagé un plan de restructuration et d'économies, axé notamment sur la fermeture du réseau de proximité formé par les ex-magasins Dia et la suppression de 2 100 emplois.

Les promesses n'ont pas manqué : promesses quant à la recherche de repreneurs, afin de limiter le nombre de fermetures de magasins ; promesses de reclassements internes, d'aides à la formation, censés limiter au maximum le nombre de licenciements, le PDG du groupe s'engageant même à reclasser la moitié des salariés concernés.

Onze mois plus tard, le verdict est tombé, dans sa cruelle réalité : 243 magasins ont été fermés ; près de 1 500 salariés ont reçu leur lettre de licenciement. Un peu plus de 200 seulement ont trouvé un nouveau poste en interne. Ces chiffres justifient à eux seuls nos interrogations sur la sincérité et la réalité des efforts fournis par le groupe. Seuls 30 magasins ont été cédés à des repreneurs. Cela laisse à penser que des offres de reprise auraient été refusées au seul motif de ne pas favoriser la concurrence. Ainsi, 152 magasins auraient fait l'objet d'une offre sérieuse pourtant rejetée. Et que dire des offres de reclassement faites aux salariés ? Certaines à plusieurs centaines de kilomètres ; d'autres avec baisse de salaires ; d'autres encore sur des postes sans aucun lien avec la fonction exercée et sans proposition de formation, quand les postes en question n'étaient pas tout simplement déjà pourvus !

Le Gouvernement, à plusieurs reprises, a fait état de sa « vigilance sur la qualité du dialogue social ». Par conséquent, nous ne pouvons que nous étonner du silence assourdissant qui accompagne aujourd'hui ce qui constitue un des plus grands plans de licenciements en 2018. Car nous parlons d'un groupe qui a défrayé la chronique par l'ampleur des rémunérations attribuées à ses dirigeants, des dividendes versés aux actionnaires et des exonérations sociales dont il a bénéficié, soit 2 milliards d'euros en cinq ans.

Pouvez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d'État, les mesures qui ont été prises pour contraindre Carrefour à respecter ses engagements, c'est-à-dire pour garantir la qualité du dialogue social ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Madame la sénatrice Gréaume, face aux bouleversements du secteur de la distribution, le groupe Carrefour a décidé d'investir 2,8 milliards d'euros en cinq ans. Cela sera dédié à la transformation numérique et à la mise en place d'une nouvelle stratégie, liée au concept d'« omnicanal ».

Ce choix stratégique conduit à la mise en place de projets de réorganisation. Il faut le souligner, deux accords majoritaires ont été conclus avec les organisations syndicales de salariés le 25 avril 2018. Le premier concerne la restructuration des sièges et la suppression de 2 400 emplois, à travers la mise en place d'un plan de départs volontaires autonome ; la mobilité externe sera encouragée, de même que les départs liés à la création d'entreprise, ainsi que les départs en retraite anticipée pour les salariés susceptibles de faire valoir leurs droits à la retraite d'ici à la fin 2020. Le second accord entraîne la fermeture de 273 magasins de l'enseigne Dia – vous l'avez rappel頖 et la mise en location-gérance de 79 autres magasins, avec un total de 2 100 suppressions d'emplois en CDI dans les magasins et de 200 suppressions dans les sièges.

Outre l'alignement des mesures sociales des ex-magasins Dia avec les mesures du plan de départs volontaires des sièges, la direction de l'entreprise a pris des engagements en matière de reclassement interne, au travers de la mise en place d'actions de formation, d'une cellule d'accompagnement, ainsi que de diverses aides destinées à faciliter le reclassement des salariés, avec notamment des garanties sociales et des périodes d'adaptation.

Concernant le personnel des magasins fermés avec départ contraint, 156 dossiers ont été validés pour un reclassement interne au sein du groupe et 1 753 courriers ont été envoyés proposant deux offres de reclassement interne à chacun des salariés concernés par un départ contraint.

Dans le cadre de cette restructuration d'ampleur, l'État a effectivement affirmé à plusieurs reprises son attachement à un dialogue social de qualité, dialogue qui se tient avec les représentants du personnel. Il y veille très concrètement dans le cadre de la commission de suivi du plan de sauvegarde de l'emploi de Carrefour Proximité, à laquelle participent activement les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, la DIRECCTE.

Plus globalement, le Gouvernement a exigé du groupe Carrefour que cette restructuration s'opère de la manière la plus responsable possible. Il continuera d'être très vigilant quant aux conséquences sociales de ces mesures et à la bonne exécution du plan de sauvegarde de l'emploi, qui a été validé par un jugement du tribunal administratif de Caen le 8 novembre dernier.

À cette fin, les services du ministère du travail et les services du ministère de l'économie et des finances sont particulièrement attentifs à ce que la direction de l'entreprise respecte l'intégralité de ses engagements en matière de reclassement vis-à-vis des salariés et qu'elle mobilise tous les moyens que l'on peut attendre d'un groupe de cette envergure pour garantir le maintien ou l'accès à l'emploi des salariés concernés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour répondre à M. le secrétaire d'État, en vingt secondes.

Mme Michelle Gréaume. Vous ne m'enlèverez pas de l'idée que le Gouvernement fait preuve d'une grande passivité sur ce dossier. Ce n'est pas acceptable. J'ai évoqué le montant des exonérations dont a bénéficié Carrefour. Le Gouvernement, qui est si soucieux d'économie et de rigueur budgétaire, serait bien inspiré de demander des comptes sur l'utilisation de cet argent public versé à fonds perdu et d'exiger son remboursement. C'est la moindre des choses. Car, à l'évidence, cela a servi à tout sauf à préserver l'emploi.

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