Question de M. MARIE Didier (Seine-Maritime - SOCR) publiée le 11/10/2018

M. Didier Marie attire l'attention de Mme la ministre, auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes au sujet du devenir des ports seino-marins.
Dans le cadre de la préparation du Brexit et dans l'hypothèse d'un Brexit « dur », la Commission européenne prévoit de redessiner les routes maritimes européennes afin de créer de nouvelles liaisons maritimes entre l'Irlande et le continent européen. Elle a adopté une proposition de règlement qui vise à adapter le corridor maritime mer du Nord-Méditerranée en reliant l'Irlande aux ports néerlandais et belges de Rotterdam, Zeebrugge et Anvers. Ce projet omet totalement les ports français, pourtant plus proches, d'une grande efficacité et en capacité d'accueillir les flux irlandais : le port du Havre traite 23 conteneurs à l'heure, contre 16 au port de Rotterdam. Sans tenir compte de la géographie et du savoir-faire des ports maritimes français, la Commission a invoqué la plus grande simplicité d'une solution belgo-néerlandaise, des services maritimes internationaux réguliers existant déjà, ainsi que des craintes de « congestion » douanière. Or, la Commission européenne se doit de fournir un cadre propice à la libre concurrence et à un accès équitable aux différents marchés. Les flux commerciaux entre l'Irlande et l'Europe continentale représentent actuellement plus de 80 milliards d'euros. En privilégiant ces ports, la Commission européenne risque de priver nos infrastructures de fonds européens importants pour leur développement, alors même que les ports du Bénélux ont déjà bénéficié largement des aides de l'Europe. Il y a dix ans, le port de Rotterdam a en effet bénéficié de 900 millions d'euros de fonds européens, quand les ports français devaient se répartir 174 millions d'euros.
Le Gouvernement a annoncé avoir défendu l'inscription de l'ensemble des ports français concernés dans ces nouveaux tracés et les négociations seraient en bonne voie pour ceux de Calais et Dunkerque, qu'en est-il pour les ports de l'HAROPA, groupement d'intérêt économique des ports du Havre, de Rouen et de Paris, et du port de Dieppe ? Ces ports ont en effet avec l'Angleterre un lien fret fort qui risque d'être mis à mal par le Brexit à venir. Une reconnexion de ces ports au nouveau corridor mer du Nord-Méditerranée apparaît clairement nécessaire.
D'autre part, dans l'hypothèse d'un retrait sans accord du Royaume-Uni de l'Union européenne, un projet de loi d'habilitation visant à autoriser le Gouvernement à adopter par ordonnances les mesures nécessaires est en cours. Dans ce cadre, il aimerait attirer l'attention du Gouvernement sur plusieurs problématiques directement liées à la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Il souhaiterait savoir ce que prévoit le Gouvernement pour armer les services administratifs pour leur permettre d'être en mesure de contrôler les flux en provenance de Grande-Bretagne en termes de douane et de contrôles phytosanitaires. Compte-tenu des modifications de trafic, des aménagements portuaires vont par ailleurs s'avérer nécessaires. Les flux de marchandises en provenance de Grande-Bretagne et ceux en provenance d'Irlande vont en effet devoir se séparer. Il lui demande quels moyens le Gouvernement a-t-il prévu d'investir pour accompagner les ports dans ces aménagements. Il lui demande enfin quelle stratégie le Gouvernement envisage-t-il de mettre en place, avec les ports concernés et les armateurs, pour capter une part significative du trafic entre l'Irlande et le continent européen.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire publiée le 24/10/2018

Réponse apportée en séance publique le 23/10/2018

M. Didier Marie. Madame la secrétaire d'État, dans le cadre de la préparation du Brexit, la Commission européenne prévoit de redessiner les routes maritimes européennes, afin de créer de nouvelles liaisons entre l'Irlande et le continent européen et d'éviter ainsi l'isolement de l'île. La Commission a adopté le 1er août une proposition de règlement visant à adapter le corridor maritime mer du Nord-Méditerranée en reliant l'Irlande aux ports néerlandais et belges de Rotterdam, d'Anvers et de Zeebrugge.

Ce projet omet totalement les ports français, pourtant plus proches et en capacité d'accueillir les flux irlandais ; leur efficacité est même parfois supérieure à celle des ports du Benelux. Le port du Havre traite ainsi vingt-trois conteneurs à l'heure, quand celui de Rotterdam n'en traite que seize.

Sans tenir compte de la géographie et du savoir-faire des ports maritimes français, la Commission a invoqué la plus grande simplicité d'une solution belgo-néerlandaise, des services maritimes internationaux réguliers existant déjà entre Dublin et Cork vers Rotterdam, Anvers et Zeebrugge, ainsi que des craintes de congestion douanière.

Or elle se doit de fournir un cadre propice à la libre concurrence et un accès équitable aux différents marchés. Les flux commerciaux entre l'Irlande et l'Europe continentale représentent actuellement plus de 80 milliards d'euros. En privilégiant les ports de Rotterdam, d'Anvers et de Zeebrugge, la Commission européenne risque de priver nos ports de trafics importants, mais aussi de fonds européens essentiels à leur développement.

Le Gouvernement a annoncé le 2 octobre dernier avoir défendu l'inscription de l'ensemble des ports français concernés dans ces nouveaux tracés. Les négociations seraient en bonne voie pour ceux de Calais et de Dunkerque. Qu'en est-il, madame la secrétaire d'État, pour les ports du Havre, de Rouen et de Dieppe ?

Le port du Havre est relié à Portsmouth par une ligne de ferry exploitée par la compagnie Brittany Ferries. Le port de Dieppe est relié à New Haven grâce à trois rotations quotidiennes, effectuées par la compagnie DFDS Seaways. Cette dernière ligne de ferry est fortement soutenue par le conseil départemental de Seine-Maritime dans le cadre d'une délégation de service public. C'est pourquoi une reconnexion de ces ports au nouveau corridor mer du Nord-Méditerranée est impérative.

Par ailleurs, à l'instar de la Commission européenne, le gouvernement français a commencé à envisager l'hypothèse d'un retrait sans accord du Royaume-Uni de l'Union européenne. C'est dans cette optique qu'a été présenté en conseil des ministres, le 3 octobre dernier, un projet de loi d'habilitation visant à autoriser le Gouvernement à adopter par ordonnances les mesures nécessaires, lequel sera examiné au Sénat le 6 novembre prochain. Près de 200 mesures sont d'ores et déjà identifiées.

Je souhaiterais savoir, madame la secrétaire d'État, ce que prévoit le Gouvernement pour armer les services administratifs au Havre et à Dieppe en cas de Brexit « dur » et ainsi leur permettre d'être en mesure de contrôler les flux en provenance de Grande-Bretagne en termes de douane et de contrôles phytosanitaires.

Compte tenu des modifications de trafic, des aménagements portuaires vont par ailleurs être nécessaires.

Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue !

M. Didier Marie. Les flux de marchandises en provenance de Grande-Bretagne et ceux qui proviennent d'Irlande vont en effet devoir être séparés. Quels moyens le Gouvernement a-t-il prévu d'investir pour accompagner les ports dans ces aménagements ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur, le maintien de la fluidité du trafic transmanche est évidemment une priorité. Il importe de permettre aux ports à la fois de faire face aux difficultés liées au Brexit et de pleinement saisir l'opportunité d'une redirection des flux de marchandises irlandais.

En conséquence, la France s'est opposée au projet de modification de tracé du corridor maritime mer du Nord-Méditerranée proposé par la Commission le 1er août, précisément parce que ce projet ne faisait pas explicitement référence aux ports français, alors même qu'ils ont, par leur expertise et leur positionnement géographique, un rôle fondamental à jouer.

À l'issue d'échanges intensifs avec la Commission européenne, nous espérons qu'un lien explicite entre l'Irlande et deux ports français appartenant au corridor mer du Nord-Méditerranée – Calais et Dunkerque – pourra être rapidement rétabli.

Nous plaidons également auprès de la Commission pour que les autres ports français, qui n'appartiennent pas à ce corridor, puissent aussi bénéficier à la fois de fonds européens leur permettant de faire face au Brexit et de meilleures opportunités. Le Gouvernement, sous l'égide de Nathalie Loiseau, continue de travailler avec la Commission pour que cette extension soit possible rapidement, sans attendre 2023.

Le Gouvernement prévoit par ailleurs des mesures pour faire face à un renforcement des contrôles, tel le recrutement de 700 douaniers d'ici à 2020 – 250 recrutements ont été effectués cette année, 350 sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2019. De même, nous envisageons le recrutement dans le projet de loi de finances de 40 personnels du ministère de l'agriculture en 2019.

Par ailleurs, le projet de loi d'habilitation vise, à son article 3, à nous permettre de réaliser dans les meilleurs délais les aménagements nécessaires en cas de rétablissement des contrôles. La nature exacte de ces aménagements – locaux, parkings et zones d'attente sécurisés – reste à déterminer et dépendra de la conclusion d'un accord de retrait ou pas, et, en cas d'accord, du type de contrôles qui seront nécessaires.

Un échange est en cours avec chacun des ports concernés, en liaison avec les autorités locales et l'État. Le Premier ministre a nommé un coordonnateur interministériel national, M. Vincent de Pourquery de Boisserin, dont le rôle est d'être au contact de tous les acteurs – administrations centrales, préfectures, collectivités territoriales, structures portuaires – et de les aider à définir leurs besoins.

Enfin, nous plaidons à Bruxelles, comme d'autres États membres, en faveur de la mise en place d'un « fonds Brexit » pour venir en aide aux territoires les plus touchés par ces surcoûts.

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