Question de M. MARSEILLE Hervé (Hauts-de-Seine - UC) publiée le 17/10/2018

Question posée en séance publique le 16/10/2018

Nous nous associons pleinement, monsieur le président du Sénat, aux propos que vous venez d'adresser aux populations et aux communes durement touchées par les récentes inondations.

Beaucoup de familles ont été endeuillées ; certains ont perdu la vie, d'autres ont perdu ce qu'ils avaient construit au long de leur existence, leur maison, leurs biens, leurs souvenirs, leurs papiers, ce qui faisait leur quotidien. Nous exprimons notre compassion et apportons notre soutien à ces territoires et à ces familles.

Cette situation appelle deux observations de ma part.

Premièrement, au milieu de ces populations, il y a des élus, conseillers municipaux, adjoints et maires, qui, jour et nuit, sont avec celles et ceux qu'ils ont choisi de servir, souvent de manière bénévole, au détriment de leur vie personnelle et de leur vie de famille. Ils sont présents et doivent faire face à des situations graves, avec peu de moyens du fait de réformes successives, d'une réduction des budgets et d'une évaporation des compétences. On oublie que ces élus sont en outre souvent pénalement responsables : le maire est souvent personnellement mis en cause.

Ces élus demandent de la considération et la reconnaissance de leur implication au quotidien ; c'est bien le moins. Or, avec le #BalanceTonMaire, je crois que l'on a atteint les limites. Monsieur le Premier ministre, il faut vraiment que l'on revienne à un niveau de dialogue républicain qui permette au moins le respect mutuel.

Deuxièmement, j'observe que, à l'occasion de chacune de ces épreuves terribles, la même réponse est donnée : on va créer de nouveaux systèmes d'alerte. Mme Royal a mis en place le système d'alerte et d'information des populations, le SAIP, d'autres ont imaginé d'autres dispositifs, mais on voit bien que l'on n'avance pas…

Après Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Vaison-la-Romaine et bien d'autres catastrophes encore, comment envisagez-vous l'avenir ? Au moment où Météo France connaît d'importantes baisses de budget, comptez-vous mobiliser les moyens nécessaires pour que, à l'heure du numérique, l'on puisse enfin disposer de systèmes d'alerte permettant d'épargner des vies, d'éviter que de tels drames ne se réitèrent ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 17/10/2018

Réponse apportée en séance publique le 16/10/2018

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Marseille, dans la nuit de dimanche à lundi, un épisode climatique d'une incroyable intensité, jamais vue dans la région, a causé des dégâts humains et matériels absolument considérables. Son intensité a dépassé celle de l'épisode le plus dramatique resté dans la mémoire collective, qui remonte à 1891. Nous sommes donc au-delà d'un événement centennal.

En me rendant hier sur les lieux avec des élus du territoire, députés et sénateurs, j'ai pu constater la détresse de ceux qui ont tout perdu, l'incroyable dignité de ceux qui, bien qu'accablés par le désastre, restent droits, l'exceptionnelle mobilisation des forces de secours – policiers, gendarmes, militaires de la sécurité civile, sapeurs-pompiers, bénévoles de la Croix-Rouge –, des élus locaux et de tous ceux qui ont souhaité apporter leur soutien à des compatriotes, à des concitoyens confrontés à un drame. Ils ont été remarquables. En parcourant, hier, les rues dévastées de Villegailhenc ou de Trèbes, je n'ai entendu aucune mise en cause.

Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, la considération due aux élus qui s'engagent, tous les jours, aux côtés de leurs concitoyens. Je connais votre passé de maire, vous connaissez le mien : je partage en tous points l'appel à la reconnaissance que vous avez formulé.

Vous savez qu'il appartient souvent aux maires, parmi tous les élus, d'être les porteurs des très mauvaises nouvelles.

M. Jean-Paul Émorine. C'est sûr.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Hier, j'ai rencontré le maire de Trèbes, qui a vécu, il y a quelques mois, l'événement dramatique dont tout le monde se souvient, avec le décès du colonel Beltrame. Il m'a dit avoir plusieurs décès à annoncer. Il en avait le ventre retourné, mais il restait droit et il faisait son travail. Je le dis devant le Sénat réuni : j'ai beaucoup de respect pour le maire de Trèbes, comme pour tous les autres maires qui ont été confrontés à des difficultés redoutables. (Applaudissements sur toutes les travées.)

Ensuite, vous avez évoqué la question délicate de la circulation de l'information et de la vigilance. Je ne prétends pas y apporter une réponse définitive. Il faudra, avec beaucoup d'humilité, continuer à apprendre des événements qui se sont produits pour améliorer, encore et encore, notre niveau de réactivité et notre capacité à affronter des phénomènes difficiles à appréhender.

En l'occurrence, les prévisions météorologiques donnaient à penser – je ne mets en cause personne en disant cela – que le phénomène climatique serait intense, certes, mais passager. C'est la raison pour laquelle le classement en vigilance orange avait été décidé.

Or, durant la nuit de dimanche à lundi, entre 2 et 4 heures du matin, il est apparu que ce phénomène, qui devait transiter au-dessus de l'Aude, est devenu stationnaire, avant de se déclencher avec une intensité jamais vue. Le préfet de l'Aude a activé, très tôt dans la nuit, le centre opérationnel départemental et le classement en vigilance rouge a été décidé. Mais, nous le savons tous, faire circuler une information dans de bonnes conditions à 3 heures du matin est tout sauf facile.

Nous pouvons féliciter les secours, bien sûr, mais nous devons encore faire des progrès, car nous ne saurions nous satisfaire d'un tel bilan.

Le dernier grand épisode climatique de cet ordre qu'a connu ce département remonte à 1999. La pluie était tombée pendant quarante-huit heures et l'on avait déploré vingt-six décès – je parle sous le contrôle des sénateurs qui, si j'ose dire, se souviennent dans leur chair de ce drame.

À la suite de cet épisode, des décisions ont été prises ; des travaux ont été financés ; deux plans ont été mis en œuvre, le premier mobilisant 80 millions d'euros, le second de 20 millions à 30 millions d'euros ; des transformations de l'urbanisme ont été envisagées ; des digues ont été construites.

Tout indique –en tout cas, c'est ce que m'ont dit les élus locaux – que notre niveau de réponse s'est amélioré depuis 1999 et que, sans les décisions prises depuis lors, le bilan aurait été bien plus terrible encore.

On peut bien sûr s'interroger sur les moyens d'améliorer encore notre réponse collective, mais, en matière de mobilisation pour la sécurité civile, l'Aude est souvent présentée comme un département pilote, parce que le risque y est élevé. Vous pouvez compter sur le Gouvernement pour veiller à améliorer encore notre niveau de réponse ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

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