Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 11/10/2018

M. Jean Louis Masson attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le fait que le traité de Lisbonne prévoit qu'au sein du Parlement européen, le nombre de sièges attribués à chaque État est fixé de façon « dégressivement proportionnelle » par rapport à la population. Cette disposition a été ensuite appliquée de manière excessive par le Conseil européen du 28 juin 2013 puisque la répartition est beaucoup plus dégressive que proportionnelle. Ainsi, un électeur de Malte est douze fois mieux représenté dans le Parlement européen actuel qu'un électeur français ou allemand (les six députés maltais représentent chacun seulement 69 352 habitants alors que chacun des soixante-quatorze députés français représente 883 756 habitants). Outre ce constat, il y a aussi une violation flagrante du traité de Lisbonne, au détriment de la France. En effet, l'Allemagne étant plus peuplée que la France, son ratio d'habitants par siège devrait être plus élevé. Or c'est exactement le contraire qui se passe et la France est spoliée de plusieurs sièges. Le Conseil européen du 19 juin 2018 a pris acte de l'éventuel Brexit et a décidé une nouvelle répartition des sièges qui ne s'appliquera que si le Royaume-Uni quitte effectivement l'Union européenne. Cette nouvelle répartition est toujours aussi injuste à l'encontre des pays les plus peuplés. Par contre, elle remédie à la violation du traité de Lisbonne en ce qui concerne la France. Toutefois, le même Conseil européen a décidé que si le Brexit ne se concrétisait pas, la répartition des sièges entre les Etats resterait inchangée par rapport à la législature précédente. Dans cette hypothèse, la France continuerait à être victime d'une violation flagrante du traité de Lisbonne. La Constitution prévoyant que les traités internationaux doivent être respectés, il lui demande s'il serait alors encore légal d'organiser en France des élections européennes sur cette base.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 13/12/2018

La décision du Conseil européen du 28 juin 2018 fixant la composition du Parlement européen pour la législature 2019-2024 prévoit de redistribuer aux États membres vingt-sept des soixante-treize sièges libérés à la suite du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne afin de tenir compte de l'évolution démographique des États membres dans le respect du principe de proportionnalité dégressive, conformément à l'article 14, paragraphe 2, du Traité sur l'Union européenne. La France a obtenu cinq des vingt-sept sièges supplémentaires. Il est également prévu que la répartition des sièges sera à nouveau revue en amont des élections européennes de 2024. Cette redistribution des sièges au Parlement européen sera appliquée à la suite du retrait effectif du Royaume-Uni de l'Union européenne prévu le 30 mars 2019 à l'échéance de la période de deux ans ouverte par la notification britannique au titre de l'article 50 du Traité sur l'Union européenne. Cependant, le paragraphe 2 de l'article 3 de cette décision dispose d'une possibilité de report dans le temps de l'entrée en vigueur de cette composition révisée du Parlement européen dans l'hypothèse où le Royaume-Uni serait toujours un État membre de l'Union au début de la législature 2019-2024. En effet, cette disposition prévoit que « dans le cas où le Royaume-Uni serait toujours un État membre de l'Union au début de la législature 2019-2024, le nombre de représentants au Parlement européen par État membre qui prennent leurs fonctions est celui prévu à l'article 3 de la décision 2013/312/UE du Conseil européen (2) jusqu'à ce que le retrait du Royaume-Uni de l'Union produise ses effets juridiques ». En d'autres termes, le nouveau nombre de représentants par État membre prévu à l'article 3, paragraphe 1, de la décision du Conseil européen du 28 juin 2018 serait applicable ultérieurement, c'est à dire une fois que le retrait du Royaume-Uni aura produit ses effets juridiques. Les représentants au Parlement européen bénéficiant des sièges libérés à la suite du retrait du Royaume-Uni prendraient leurs fonctions à ce moment-là. Il apparaît toutefois hypothétique de considérer que le retrait du Royaume-Uni de l'Union pourrait ne pas avoir produit ses effets juridiques à la date des prochaines élections européennes, qui se tiendront du 23 au 26 mai 2019. En effet, le Royaume-Uni partage notre objectif de conclure un accord de retrait suffisamment tôt pour qu'il puisse entrer en vigueur au 30 mars 2019, ce qui permettrait au Royaume-Uni de bénéficier d'une période de transition du 30 mars 2019 au 31 décembre 2020. L'article 122 de l'accord de retrait tel qu'il a été en partie agréé le 19 mars par les négociateurs prévoit que les articles 20 (2) b et 22 TFUE, qui prévoient notamment le droit de vote et d'éligibilité des citoyens européens aux élections européennes, « ne seront pas applicables au Royaume-Uni pendant la période de transition ». Si aucun accord de retrait n'était conclu au 29 mars 2019, le Royaume-Uni ne serait plus un État membre de l'UE à partir du 30 mars 2019, et ses ressortissants ne pourraient plus participer aux élections européennes. Il convient de relever par ailleurs que la première ministre du Royaume-Uni a affirmé à de nombreuses reprises (notamment à Florence, en septembre 2017) que le Royaume-Uni ne prévoyait pas de participer aux prochaines élections européennes. Dans ce contexte, il apparaît peu probable que la répartition actuelle des sièges au Parlement européen entre les États membres s'applique à la prochaine législature du Parlement européen. Si cette hypothèse venait toutefois à se réaliser, la décision du Conseil européen sur la composition du Parlement européen parerait à cette éventualité grâce à la clause de report évoquée précédemment à l'article 3, paragraphe 2, de la décision du Conseil européen du 28 juin 2018. Enfin, s'agissant de l'éventualité d'un renoncement du Royaume-Uni à sa demande de retrait de l'Union européenne, il convient de rappeler que la question de la révocabilité de la décision du Royaume-Uni de se retirer de l'Union européenne fait actuellement l'objet d'une question préjudicielle transmise en octobre 2018 par la Cour de Session (Court of Session) de l'Écosse à la Cour de Justice de l'Union européenne. En tout état de cause, si le Royaume-Uni renonçait à sa demande de retrait, la décision du Conseil européen du 28 juin 2018 deviendrait caduque, obligeant ainsi ledit Conseil européen à adopter une nouvelle décision ayant pour objet de fixer la composition du Parlement européen pour la prochaine législature.

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