Question de Mme BLONDIN Maryvonne (Finistère - SOCR) publiée le 29/11/2018

Mme Maryvonne Blondin interpelle Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, sur la nécessité de prévoir pour les victimes de violences sexuelles la possibilité de réaliser des prélèvements au sein des unités médico-judiciaires (UMJ) sans dépôt de plainte préalable.
Les UMJ sont des lieux où le médical collabore avec l'autorité judiciaire. Elles ont un rôle d'analyse et de prise en charge des victimes, en vue de déterminer et chiffrer les conséquences physiques et psychologiques liées aux infractions subies au regard de l'incapacité temporaire de travail (ITT), ce qui permet d'analyser les faits comme criminels ou délictuels par exemple. Actuellement, pour pouvoir se rendre dans une unité médico-judiciaire, la règle suppose qu'une plainte soit déposée et que le procureur ait émis une réquisition. Or certaines victimes, sans avoir porté plainte, se présentent directement dans une UMJ ou dans un établissement hospitalier à la suite d'une agression, en vue d'un examen médical et de la réalisation de prélèvements. Certains établissements tels que la cellule d'accueil d'urgences des victimes d'agressions (CAUVA) de Bordeaux accueillent ces victimes sans exiger le dépôt de plainte et il faut s'en féliciter.
Lorsque aucune procédure judiciaire n'est en cours, ces examens ne sont pas pris en charge au titre des frais de justice. Certaines victimes peuvent même être renvoyées chez elles, les services de santé refusant d'effectuer les prélèvements au motif qu'ils ne donneront lieu à aucune contrepartie financière.
À Paris, on estime qu'entre soixante-dix et quatre-vingt victimes de viol se présentent chaque année directement aux UMJ ou à l'AP-HP pour un examen médical et pour la réalisation de prélèvements, sans avoir préalablement déposé plainte.
Des réflexions sur la mise en place d'une procédure pour permettre la réalisation de ces examens et prélèvements indépendamment du dépôt de plainte sont actuellement en cours au sein du parquet de Paris et il faut saluer cette initiative.
Alors que dans son discours du 25 novembre 2017, le président de la République s'était engagé à prévoir la mise en place, dans les unités médico-judiciaires, d'un système de recueil de preuves indépendant du dépôt de plainte, elle lui demande donc si des avancées sont prévues dans ce domaine sur l'ensemble du territoire.

- page 5966

Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 04/07/2019

En 2017, l'observatoire national des violences faites aux femmes a relevé que sur les plus de 300 000 femmes déclarant avoir été victimes de violences physiques ou sexuelles par leur conjoint, moins d'un cinquième déclarait avoir déposé plainte. À la demande du ministre de la santé, un groupe de travail interministériel a été mis en place fin 2016 consacré au recueil de preuves en l'absence de plainte. Les travaux de ce groupe de travail ont été relancés à la suite du discours prononcé le 25 novembre 2017 par le Président de la République à l'occasion de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Il a en effet annoncé que « puisque beaucoup se joue dans les établissements de santé, nous mettrons en place dans les UMJ un système de recueil de preuves sans dépôt de plainte, afin de faciliter les démarches des victimes. Et cette facilité est essentielle, parce que le dépôt de plainte est une démarche compliquée, il faut néanmoins déployer de nouvelles façons d'aider les victimes à défendre leur cause ». Ce groupe de travail s'est réuni à sept reprises. Il a entendu plusieurs personnalités qualifiées (médecins légistes, magistrats, représentants du Conseil national de l'ordre des médecins et de l'Agence française de lutte contre le dopage) et effectués plusieurs visites sur site (Hôtel Dieu, IRCGN). Les retours d'expérience de plusieurs structures hospitalières (Unités Médico-Légales notamment de Tours et Bondy) accueillant des victimes de violences sexuelles ou physiques sans réquisition judiciaire montrent toute la pertinence du projet. Ces structures ont développé leurs propres protocoles, souvent similaires à ceux suivis dans le cadre d'une procédure judiciaire. À l'issue de ces rencontres, il est apparu que ce projet suscitait un vif intérêt, tant des praticiens médicaux, que des autorités judiciaires et qu'il pouvait s'avérer viable dès lors que certaines conditions seraient remplies. En effet, toutes les UMJ ne sont pas en capacité d'augmenter leur capacité d'accueil à effectif et à moyen constant. Dans son rapport n° 2017-001 R sur « la prise en charge à l'hôpital des femmes victimes de violences : éléments en vue d'une modélisation », l'inspection générale des affaires sociales envisageait cette prise en charge hors unités médico-judiciaires mais en lien étroit avec ces dernières afin de garantir la qualité des orientations des patientes et de permettre le cas échéant un dépôt de plainte. La question des modalités de conservation de ces scellés, notamment en termes de stockage, et leur durée de conservation, constitue une problématique importante pour les structures hospitalières. Enfin, la problématique du financement de cet accueil hors parcours judiciaire, actuellement inexistant, représente un enjeu nécessitant de s'interroger sur la nature de la mission (prise en charge dans un parcours de soins, accompagnement de victime…) afin d'identifier le programme budgétaire qui la supportera et l'allocation de moyens supplémentaires. Les inspections générales de l'Administration, de la Justice et des Affaires Sociales, viennent d'être saisies en vue de l'accompagnement de la mise en place d'une expérimentation. Le rapport des inspections est attendu avant la fin de l'année.

- page 3542

Page mise à jour le