Question de M. CAZABONNE Alain (Gironde - UC) publiée le 19/12/2018

Question posée en séance publique le 18/12/2018

M. Alain Cazabonne. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur, et concerne le malaise de nos forces de sécurité intérieure.

Je suis conscient, monsieur le ministre, que vous ne portez pas seul la responsabilité de cette situation. Je suis conscient que ce phénomène perdure depuis de nombreuses années. Ce malaise, nous l'avions dénoncé dès le mois de juillet dernier : c'était d'ailleurs la conclusion de la commission d'enquête sénatoriale dont j'étais l'un des vice-présidents.

Nous écrivions alors que les policiers et les gendarmes étaient au bord de la rupture. Une telle rupture se comprend tant les conditions de travail sont difficiles : locaux parfois insalubres, manque d'effectifs, véhicules et matériels souvent plus que vétustes, insécurité grandissante, notamment à cause des risques d'attentat.

Vous devez le savoir, monsieur le ministre, cette rupture se traduit par un taux de suicide supérieur de 36 % à celui du reste de la population française.

Cette rupture trouve son origine dans les millions d'heures supplémentaires non payées à ces mêmes femmes et hommes auxquels nous demandons d'assurer notre sécurité intérieure aujourd'hui. Ces 20 millions d'heures non versées en 2017 peuvent représenter jusqu'à sept ans de récupération pour un policier…

Aujourd'hui, le malaise est accentué par l'extraordinaire travail qui a été demandé à nos forces de l'ordre ces dernières semaines. Il devient urgent de répondre à ces justes revendications.

Au-delà de la prime, annoncée comme exceptionnelle, quelles mesures comptez-vous prendre pour répondre au malaise de nos forces de l'ordre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 19/12/2018

Réponse apportée en séance publique le 18/12/2018

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Cazabonne, nous avons déjà eu des échanges similaires devant la commission des lois puis, ici, dans cet hémicycle. Nous étions d'accord sur le constat : il faut donner des moyens supplémentaires à nos forces de sécurité pour tenir compte, non seulement de l'évolution du risque terroriste, mais aussi de ces nouvelles formes d'occupation du domaine public qui ont justifié la mobilisation à un très haut niveau de nos policiers et de nos gendarmes ces dernières semaines.

Il nous faut effectivement rattraper un retard : il faut donner davantage de moyens aux hommes et aux femmes qui constituent nos forces de sécurité : davantage de moyens immobiliers, davantage de véhicules, davantage de moyens en termes d'équipements, avec de vraies différences selon les unités, les groupes et les armes. Il est effectivement nécessaire que nous puissions accompagner ce mouvement.

C'est la raison pour laquelle le budget de mon ministère est en augmentation de plus de 1 milliard d'euros sur deux exercices. Cela suffit-il à répondre à toutes les questions ? La réponse est non. Il nous faut évidemment maintenir l'effort et le cibler, aussi.

Pour ce faire, il faut d'abord achever la mise en œuvre du protocole social qui a été négocié sous l'autorité de Bernard Cazeneuve il y a quelques années. Il faut encore poursuivre cet effort.

Et puis, il y a des chantiers qu'il faut oser ouvrir, notamment celui des heures supplémentaires, vous l'avez évoqué. À cause de ce cumul d'heures supplémentaires, l'État a aujourd'hui une dette de près de 275 millions d'euros vis-à-vis de ses forces de sécurité.

Certes, ces heures ne sont pas perdues. Certains personnels les utilisent pour partir en préretraite, jusqu'à sept ans plus tôt que prévu – le chiffre que vous avez mentionné est exact –, statut qui leur permet de rester salariés par le ministère.

Cela étant, la situation n'est objectivement pas acceptable. Laurent Nunez et moi-même rencontrons les organisations syndicales dans deux heures. Je souhaite que nous nous attelions très vite, dès le premier trimestre de l'année prochaine, à travailler sur un protocole d'accord pour sortir de cette logique infernale des heures supplémentaires que nous ne pouvons pas payer.

Il est nécessaire que nous trouvions les moyens de sortir de cette situation. Il est nécessaire que nous recherchions des solutions, avec les organisations syndicales, qu'il s'agisse du paiement des heures, de leur récupération ou de la contribution à un compte épargne-temps. Je souhaite que tout soit mis sur la table, parce que nos forces de sécurité ont effectivement besoin de sérénité et que nous devons être collectivement les garants de cette sérénité. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, pour la réplique.

M. Alain Cazabonne. Monsieur le ministre, je ne peux qu'approuver votre démarche et l'intention que vous manifestez.

J'ai retenu que la France commencerait à prélever une taxe sur les géants du numérique, les fameux « GAFA » – Google, Apple, Facebook et Amazon –, à partir du 1er janvier prochain, et ce sans attendre que la mesure soit adoptée au sein de l'Union européenne, comme l'avait annoncé le ministre de l'économie et des finances. J'ai surtout retenu que cette nouvelle taxe devrait permettre de faire rentrer près de 500 millions d'euros dans les caisses de l'État.

Il ne s'agit que d'une suggestion, mais ne serait-il pas judicieux qu'une part du produit de cette nouvelle taxe puisse commencer à payer une fraction de ces heures supplémentaires dues non seulement aux forces de sécurité, mais également aux personnels de santé ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

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