Question de Mme ROSSIGNOL Laurence (Oise - SOCR) publiée le 23/01/2019

Question posée en séance publique le 22/01/2019

Mme Laurence Rossignol. Le Conseil constitutionnel examine aujourd'hui une question prioritaire de constitutionnalité dont l'objet est de faire abroger la loi de 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, particulièrement la pénalisation du client. Ce recours est fondé sur deux arguments : la liberté d'entreprendre et le droit à la vie privée.

Il faut avoir en tête que 80 % des personnes victimes de traite des êtres humains le sont à des fins d'exploitation sexuelle et que 80 % des prostituées de rue sont étrangères. Ces deux taux, lorsqu'on les rapproche, suffisent à casser le mythe romanesque de la prostituée au grand cœur, libre et heureuse.

Le business du sexe est l'un des principaux marchés mafieux. Il n'y a pas de prostitution, pas de proxénètes, sans clients. Selon la loi de 2016, tant que l'on pourra louer, acheter ou vendre le corps des autres, l'égalité entre les femmes et les hommes sera une illusion – je rappelle que 90 % des personnes prostituées sont des femmes – et la lutte contre les violences sexuelles sera vaine.

La seule liberté d'entreprendre qui est en cause, c'est celle des proxénètes et des réseaux. Le seul droit à la vie privée qui est en cause, c'est celui des clients, la prostitution étant un droit permanent à l'effraction dans le corps de l'autre, puisque, par définition, il n'y a pas d'intime pour les prostituées.

Selon un récent sondage, près des trois quarts des Français sont favorables à la loi de 2016 et pensent qu'on ne peut pas acheter le corps des autres, que la prostitution est une violence et que cette loi doit être confirmée.

Madame la secrétaire d'État, vous avez été très silencieuse sur ce sujet. Nous avons été nombreuses à nous exprimer – quasiment tous vos prédécesseurs l'ont fait – en faveur de la loi. Pouvez-vous nous assurer que le Gouvernement a soutenu cette loi lors de l'audience du Conseil constitutionnel, par la voix du secrétariat général du Gouvernement, et nous dire quels arguments ont été avancés ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mmes Françoise Laborde et Annick Billon applaudissent également.)

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations publiée le 23/01/2019

Réponse apportée en séance publique le 22/01/2019

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Madame la sénatrice Laurence Rossignol, je connais et je salue votre engagement sur ce sujet.

Comme vous l'avez rappelé, nous attendons la décision du Conseil constitutionnel. À cet égard, je tiens à vous rassurer : le Gouvernement a fermement défendu, lors de ses auditions, sur mandat du Premier ministre Édouard Philippe, la constitutionnalité de cette loi.

Par ailleurs, il s'engage contre le système prostitutionnel. Vous avez raison, nous ne le faisons pas forcément par des déclarations ou des discours sur le territoire national, mais il s'agit d'un axe majeur de la diplomatie féministe menée par la France, notamment dans le cadre de la présidence française du G7 cette année, après le Canada et avant les États-Unis. C'était l'objet de mes déplacements cette semaine.

Cela étant, je rappelle, concernant l'AFIS, l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle, que nous avons pris les décrets en novembre 2017, afin de mettre en œuvre, dans la continuité de l'action du précédent quinquennat, toutes les dispositions. Je rappelle également – je l'avais déjà dit dans cette enceinte – que j'ai doublé le montant de la subvention de l'association Mouvement du nid, qui soutient les personnes prostituées. Il est passé de 150 000 euros à 300 000 euros par an. En région, 95 000 euros ont été débloqués, c'est-à-dire que 100 % des demandes locales ont reçu une réponse positive.

En outre, l'égalité entre les femmes et les hommes sera l'une des grandes priorités du G7, dont la France assure la présidence. Dans ce cadre, le Président de la République a proposé à M. Grégoire Théry, que vous connaissez, du Mouvement du nid, et par ailleurs directeur exécutif de la coalition pour l'abolition de la prostitution, de rejoindre le Conseil consultatif sur l'égalité des sexes. Ce sera une manière pour lui et pour la France de continuer à défendre la position qui a été de longue date et qui demeure celle de notre pays. (M. Alain Richard applaudit.)

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