Question de M. REICHARDT André (Bas-Rhin - Les Républicains) publiée le 06/02/2019

Question posée en séance publique le 05/02/2019

M. André Reichardt. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, s'il veut bien me répondre.

Monsieur le Premier ministre, les conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ont voté hier la même délibération, demandant la création d'une nouvelle collectivité territoriale : la « collectivité européenne d'Alsace ».

C'est un nouveau chapitre qui s'ouvre, celui de l'entrée dans un processus législatif qui pourrait conduire, je l'espère, à la renaissance de la région Alsace. Ce sont aussi des nouvelles questions qui se posent : quelles compétences seront en définitive dévolues à cette collectivité ?

En effet, dans l'état actuel de nos connaissances, le projet de loi qui doit en préciser les termes reste largement insatisfaisant. Non seulement il ne décline pas entièrement les compétences figurant dans la déclaration de Matignon du mois d'octobre dernier, mais il ne dit rien de celles qui pourraient être transférées de la région Grand Est.

Je voudrais rappeler, ici, que 84 %, puis 83 % des Alsaciens ont indiqué, dans deux sondages successifs, vouloir retrouver une collectivité régionale alsacienne de plein exercice. Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, nous éclairer ?

Cependant, mes chers collègues, le choix des Alsaciens illustre une question plus générale, que les maires ont posée de façon récurrente au Président de la République. Ces derniers en ont assez de la recentralisation rampante ; ils en ont assez des contraintes ; ils veulent plus de liberté, de souplesse ; ils souhaitent que les périmètres des collectivités ne soient plus déconnectés des réalités économiques, sociales et culturelles des territoires. La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe, ne satisfait personne !

Porté par ce flot de contestations, le Président de la République a infléchi son discours et s'est dit « prêt à rouvrir la loi NOTRe ». Bien que celles-ci soient floues, il ouvre tout de même des perspectives !

La démocratie participative peut parfois être une réponse, mais, dans ce domaine de la réforme territoriale, on doit pouvoir faire confiance à la démocratie représentative.


Mme Sophie Primas. Très bien !


M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !


M. André Reichardt. Sur ces travées, à plusieurs reprises, nous avons alerté sur la grogne des maires. Le Sénat, chambre des territoires par excellence, a des propositions.


M. le président. Il faut vraiment conclure !


M. André Reichardt. Êtes-vous disposé, monsieur le Premier ministre, à y prêter réellement intérêt et à engager avec notre assemblée l'acte III de la décentralisation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 06/02/2019

Réponse apportée en séance publique le 05/02/2019

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur une question particulière, portant sur le processus engagé dans les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin pour la constitution d'une nouvelle collectivité territoriale. Vous l'élargissez, ensuite, pour évoquer les limites du dispositif issu de la loi NOTRe et les correctifs qui pourraient y être apportés. Ce faisant, vous vous faites l'avocat de la démocratie représentative et de la nécessaire écoute des élus.

S'il y a un sujet sur lequel cette préoccupation est partagée avec le Gouvernement, monsieur le sénateur, c'est bien la question de l'Alsace !

Que s'est-il passé ? Nous avons entendu l'expression qui a été celle des parlementaires, des élus locaux, mais aussi, singulièrement, des présidents des conseils départementaux…

M. Jean-Marie Bockel. C'est vrai !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … à propos de l'insatisfaction découlant de l'organisation telle qu'elle résultait de décisions ayant d'ailleurs été prises bien avant la nomination de ce gouvernement.

Ayant entendu ces interrogations, ayant d'emblée fixé une limite, formulée par le Président de la République durant la campagne présidentielle, de non-remise en cause des périmètres régionaux tels qu'ils avaient été décidés, nous avons essayé de travailler, dans la plus grande intelligence possible,…

M. Jean-Marie Bockel. Effectivement !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … avec les élus locaux et les parlementaires.

C'est d'ailleurs parce que nous avons réussi à travailler dans ces bonnes conditions…

M. Jean-Marie Bockel. C'est vrai !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … – je voudrais saluer, à cette occasion, le remarquable travail effectué par Jacqueline Gourault –…

M. Jean-Marie Bockel. Effectivement !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … que nous sommes parvenus à une déclaration commune avec le président du conseil régional, avec les deux présidents des conseils départementaux, avec de très nombreux parlementaires.

Cette déclaration commune, signée à Matignon, a engagé le processus qui a donné lieu, hier, au vote précité. Disons un mot sur les conditions de ce dernier : sur les 80 conseillers que représentent les deux conseils départementaux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin regroupés, on a dénombré 74 votes positifs.

On peut donc dire, me semble-t-il – et je suis certain que vous allez vous en réjouir, monsieur le sénateur –, que nous avons su, en cette matière, écouter, discuter, et que nous avons permis à des collectivités territoriales de s'entendre.

Ce processus va maintenant se poursuivre là où il doit se poursuivre, c'est-à-dire au sein du Parlement. Celui-ci aura l'occasion de se prononcer sur un très bel exemple de coopération intelligente entre les élus locaux, les parlementaires et le Gouvernement.

Je ne prétends pas que tout est réglé par cette déclaration commune. Certains – peut-être est-ce votre cas ? –, vous l'avez dit vous-même, monsieur le sénateur, veulent aller plus loin, d'autres veulent aller beaucoup moins loin. Mais je pense que nous avons progressé, et ce en écoutant et en inscrivant dans le dispositif juridique quelque chose qui peut faire consensus.

M. Jean-Marie Bockel. Très bien !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Partant de cette méthode, qui n'est pas propre à l'Alsace, car nous l'avons reproduite dans d'autres territoires, vous estimez qu'il convient de modifier ce que l'on appelle parfois les « inconvénients » de la loi NOTRe, parfois ses « irritants ».

Il en existe, on le sait bien, et vous les avez souvent dénoncés sur ces travées, mesdames, messieurs les sénateurs, comme moi-même, d'ailleurs, je les ai dénoncés, n'ayant jamais été un grand admirateur de l'ensemble des dispositions de cette loi.

Mais je sais aussi, pour l'avoir vécu en tant que chef de gouvernement, que, s'il est simple de dénoncer les irritants de la loi NOTRe, il est un peu plus compliqué de les corriger. En effet, des équilibres se sont dessinés et des intérêts contradictoires s'expriment parfois entre collectivités territoriales. Lorsqu'on modifie les habitudes acquises, on aboutit dans certains territoires à un très bon résultat ; dans d'autres, on défait des dispositifs qui ont commencé à se construire et fonctionnent bien. C'est la réalité, vous le savez, c'est la complexité de la vie politique et administrative française, notamment dans sa composante territoriale.

J'attire donc votre attention, monsieur Reichardt, sur ce fait : oui, nous devons corriger les fameux irritants de la loi NOTRe, améliorer les dispositions de cette loi, mais nous devons le faire en ayant soin de ne pas satisfaire un appétit de « match retour », au détriment de ce qui aurait pu se construire dans de bonnes conditions dans certains territoires.

C'est un équilibre délicat, qui exigera beaucoup de finesse et de travail. Je suis certain que le Sénat et le Gouvernement travailleront dans d'excellentes conditions, ensemble, sur le sujet. (M. Arnaud de Belenet ainsi que des sénateurs du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen applaudissent.)

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