Question de M. RETAILLEAU Bruno (Vendée - Les Républicains) publiée le 20/02/2019

Question posée en séance publique le 19/02/2019

M. Bruno Retailleau. « Il faut toujours dire ce que l'on voit : surtout il faut toujours […] voir ce que l'on voit. » Ces mots de Péguy, dont Alain Finkielkraut avait fait une exigence intellectuelle, sa devise, en quelque sorte, ont pris depuis samedi une résonance particulière. Ce déferlement de haine, ces propos, ces images virales insupportables nous obligent, précisément, à voir, outre la montée inquiétante des actes antisémites dans notre pays, le surgissement d'un nouvel antisémitisme qui, comme l'ancien, s'en prend à nos compatriotes au nom d'une idéologie différente de celle des années trente, mais tout aussi dangereuse.


Mme Esther Benbassa. C'est la même !


M. Bruno Retailleau. Curieusement, ce nouvel antisémitisme…


Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Il n'est pas nouveau !


M. Bruno Retailleau. … a trop longtemps été nié, minimisé, relativisé pour de mauvaises raisons, elles aussi bien souvent idéologiques. Rappelons-le avec fermeté, mes chers collègues : un antisémite est un antisémite, qu'il soit fasciste ou « frérot salafiste » ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

Ce soir, bien sûr, nous marcherons, monsieur le Premier ministre, mais pas les yeux bandés ! Oui à l'union sacrée, mais pas au prix de la lucidité. Il faut avoir le courage de dire haut et fort qu'il existe un lien entre islamisme et antisémitisme, mais nous ne croyons pas que vous pourrez couper ce lien idéologique en remettant en cause le lien civique déjà fragilisé que constitue la laïcité. Monsieur le Premier ministre, pensez-vous que modifier la loi de 1905 soit le bon remède ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 20/02/2019

Réponse apportée en séance publique le 19/02/2019

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Votre propos comporte de nombreux aspects, monsieur le président Retailleau.

Je m'associe bien évidemment à votre dénonciation des actes antisémites et de l'agression dont a été victime Alain Finkielkraut, qui a consacré à Péguy un livre, Le Mécontemporain. Nous avons assisté avec consternation et colère, peut-être même avec une forme de rage, à cette mise en cause crue, assumée, brutale d'un homme qui incarne, avec d'autres, la figure de l'intellectuel engagé dans le débat républicain.

Vous dénoncez l'antisémitisme ; moi aussi. Mais, comme je l'indiquais précédemment, s'il est indispensable de le faire, cela n'est pas suffisant. Il faut avoir, comme vous nous y avez invités, la lucidité de reconnaître que l'antisémitisme est, à bien des égards, profondément enraciné dans la société et l'histoire françaises. Ce n'est pas que la France soit antisémite –aux moments les plus sombres, il s'est toujours trouvé des femmes et des hommes, parfois des institutions, pour défendre la conception que nous nous faisons de notre pays –, mais il faut bien admettre que, depuis bien longtemps dans notre histoire, diverses formes d'antisémitisme coexistent, se développant ou s'atténuant tour à tour.

Vous évoquez le développement d'un antisémitisme qui serait issu d'une radicalisation de l'islam ou des théories salafistes pouvant parfois prévaloir dans certains lieux et certains esprits. Un tel antisémitisme existe. Monsieur le président Retailleau, nous ne devons rien cacher ni ignorer du phénomène de l'antisémitisme en France. L'antisémitisme n'est l'apanage d'aucune formation politique et il a été, malheureusement, largement partagé à différentes périodes de l'histoire.

Nous savons que le combat contre l'antisémitisme est redoutablement difficile. Il faut l'aborder avec une détermination presque sauvage, dirai-je, mais aussi avec la lucidité de ceux qui savent qu'il dure depuis longtemps. Faire preuve d'un peu d'humilité face à la difficulté – je parle pour moi comme pour tous ceux qui sont ambitieux dans ce domaine – peut permettre de ne pas nous payer simplement de mots.

Oui, nous devons livrer ce combat en disant où est l'ennemi. Oui, nous devons livrer ce combat en faisant le pari de l'intelligence, de l'éducation, de la formation. Oui, nous devons compléter nos dispositifs juridiques quand ils doivent l'être et inciter la justice, autant que cela se peut dans un régime promouvant la séparation des pouvoirs, à se montrer sévère envers les auteurs de tels actes.

De ce point de vue, monsieur Retailleau, je n'ai aucune hésitation. J'ai appelé à l'union sacrée sans hypocrisie, sans exclusive, sans incohérence. Peut-être avez-vous été frappé, comme je l'ai été, par le fait que certains ont dit, après l'agression dont a été victime Alain Finkielkraut : « Je la dénonce, mais… » Pour moi, il n'y a pas de « mais » ! Quand on combat l'antisémitisme, on le combat totalement, sans réserve ! Telle est mon intention ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

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