Question de M. BONHOMME François (Tarn-et-Garonne - Les Républicains-A) publiée le 21/03/2019

M. François Bonhomme interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la place accordée au vapotage dans les politiques publiques de lutte contre le tabagisme.

Il rappelle que le nombre de décès annuels attribuables au tabac en France est actuellement de 73 000, ce dernier constituant par là-même la première cause de mortalité évitable de notre pays.

Plan priorité prévention, programme national de lutte contre le tabagisme, plan national de mobilisation contre les addictions : d'aucuns ne pourraient reprocher au Gouvernement son désintérêt pour cette problématique de santé publique.

Ces chiffres doivent néanmoins inciter le Gouvernement, non seulement à se saisir de cette problématique, mais surtout à y apporter des réponses efficaces et proportionnées.

Il regrette à ce titre que les produits du vapotage, plus communément appelées « cigarettes électroniques », soient encore les grands absents des politiques de sortie de tabac.

En France, la cigarette électronique est aujourd'hui essentiellement utilisée par les fumeurs : 98 % des vapoteurs sont ainsi des fumeurs ou des ex-fumeurs. De tels chiffres viennent ainsi contrecarrer les hypothèses selon lesquelles le vapotage pourrait constituer une passerelle vers le tabagisme, hypothèses par ailleurs très largement infirmées par nombre d'études dont le sérieux n'est plus à prouver.

On estime le nombre d'ex-fumeurs ayant arrêté le tabac, au moins temporairement, grâce à la e-cigarette à environ 400 000 personnes. 82 % des fumeurs-vapoteurs sont d'accord avec l'affirmation selon laquelle la cigarette électronique leur a permis de réduire leur consommation de tabac. En outre, les fumeurs vapeurs sont 69 % à affirmer vouloir arrêter de fumer, contre 54 % des fumeurs non-vapoteurs. Les fumeurs-vapoteurs présentent donc une plus forte propension à déclarer vouloir arrêter de fumer que les simples fumeurs.

Si le vapotage constitue l'outil d'aide à l'arrêt du tabac le plus utilisé par les Français, la cigarette électronique est toutefois encore desservie par un problème de représentation.

La mauvaise image dont souffre la « vape » auprès du grand public en France détourne alors les fumeurs d'une alternative moins nocive pour leur santé. Il rappelle, à ce titre, que la cigarette électronique est au moins 95 % moins dangereuse que les cigarettes traditionnelles, et qu'elle présente un niveau de dangerosité pour la santé similaire à celui des substituts nicotiniques classiques.

À titre comparatif, en Grande-Bretagne, le ministère de la santé mène depuis longtemps une politique volontariste sur le sujet, recommandant vivement aux fumeurs de passer à la cigarette électronique. Plusieurs actions visant à dissiper les inquiétudes des fumeurs ont ainsi été mises en œuvre par la ministère.

La Grande-Bretagne affiche le plus faible niveau de prévalence tabagique en Europe : le nombre de fumeurs est ainsi passé de 19,3 % (18 ans et plus) en 2012 à 14,9 % en 2017.

A contrario, en France, la cigarette électronique n'est toujours pas intégrée dans les différents plans présentés par le Gouvernement, même dans une optique de réduction des risques pourtant utilisée pour les autres addictions telles que les drogues et salles de consommation à moindres risques.

Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser les raisons du Gouvernement de ne pas intégrer plus sérieusement cet outil de sevrage tabagique dans ses politiques publiques de lutte contre le tabagisme, alors même que son efficacité et son potentiel en termes de réduction du risque tabagique ont été maintes fois démontrés.

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 23/01/2020

Le Programme National de Lutte contre le Tabac 2018-2022 combine des actions sur le plan sanitaire, social et économique visant à une réduction drastique de la consommation de tabac. Les produits du vapotage sont pris en considération dans cette stratégie. L'axe 2 du programme national précité consiste à encourager et accompagner les fumeurs pour aller vers le sevrage. Des actions visant à améliorer l'accessibilité aux traitements validés et aux dispositifs de prise en charge sont mises en œuvre au niveau national et régional. Des actions visant à soutenir les professionnels de santé afin qu'ils accompagnent les fumeurs sont également déployées.  Tant la Haute autorité de santé que le Haut conseil de santé publique ont confirmé la pertinence d'envisager le recours aux produits du vapotage lorsque ces produits sont utilisés dans une perspective d'arrêt du tabac et sans consommation concomitante du tabac. Le vapotage a ainsi été inclus dans l'opération Mois sans tabac. Ne connaissant pas le risque de l'utilisation de ces produits à long terme, il est recommandé d'arrêter leur utilisation dès que possible. Le rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sur l'épidémie de tabagisme publié en juillet 2019 va dans le sens des avis exprimés par les deux instances d'expertise françaises : l'OMS affirme qu'il existe une probabilité de risques pour la santé liée à l'utilisation des produits du vapotage, bien que ces risques soient inférieurs à ceux des produits du tabac. Or, les données de consommation actuelles montrent qu'une majorité des utilisateurs des produits du vapotage continue à consommer du tabac. Selon les résultats du Baromètre de Santé publique France, en 2018, les vapoteurs quotidiens étaient 40,7% à fumer du tabac quotidiennement et 10,4 % occasionnellement, alors qu'il y a un consensus scientifique sur le fait que cette double consommation n'apporte pas de bénéfices pour la santé des fumeurs. Outre ces résultats pour l'instant non concluants sur leur rôle dans l'arrêt du tabac, il a également été constaté une hausse de l'utilisation des produits du vapotage chez les jeunes collégiens et lycéens en France (enquête Enclass 2018) : l'expérimentation est passée d'un tiers des jeunes sondés en 2015, à la moitié en 2018. Presque 10 % ont essayé le vapotage sans avoir expérimenté l'usage de tabac (contre 3,7 % en 2015) et 16 % affirment avoir utilisé ces produits dans le mois contre 10 % en 2015. Or, une exposition précoce à la nicotine peut avoir des effets à long terme sur le cerveau en développement des adolescents et des études montrent que le risque de fumer des cigarettes traditionnelles est multiplié par deux pour les jeunes non-fumeurs qui vapotent. Ces constats justifient le maintien du cadre français, et en particulier, l'interdiction de vente aux mineurs et les règles relatives à la publicité et la promotion du vapotage. Il est nécessaire de rappeler que le vapotage ne dispose pas, comme c'est le cas des traitements de substitution évalués, de preuves incontestables quant à leur efficacité comme outil d'aide à l'arrêt : une meilleure connaissance des éventuels effets indésirables à court, moyen et à long termes de ces produits est indispensable. Au titre de l'axe 4 du programme national de lutte contre le tabac, des projets de recherche dédiés ont été soutenus par le Fonds de prévention contre les addictions en 2018 et en 2019. Ils viendront compléter l'expertise scientifique sur ce sujet, nourrie par ailleurs par les travaux de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail qui doit permettre de mieux connaitre les produits commercialisés en France : l'agence est en effet, chargée d'analyser les milliers de déclarations concernant la composition des produits de vapotage contenant de la nicotine, notifiés par les fabricants.

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