Question de M. JOLY Patrice (Nièvre - SOCR) publiée le 28/03/2019

M. Patrice Joly attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les graves problèmes de résistance aux antibiotiques que la population connaît depuis plusieurs années. Les autorités sanitaires nationales et internationales alertent les pouvoirs publics depuis plusieurs années sur le développement de l'antibiorésistance et sur les impasses thérapeutiques qu'elle engendre.
Aujourd'hui, en dépit de la campagne de prévention, les antibiotiques pour les médecines vétérinaire et humaine occupent toujours une place prépondérante dans la lutte contre les maladies infectieuses. Il semblerait que des traitements alternatifs puissent être envisagés notamment avec la phagothérapie. En effet, plusieurs études ont déjà fait état de l'efficacité d'une telle technique au stade préclinique. Actuellement, les patients français n'ont pour l'instant pas accès à cette possibilité de traitement. Certains malades chez qui les traitements antibiotiques ne fonctionnent plus se tournent vers la Géorgie où des médecins continuent de pratiquer la phagothérapie.
Il souhaite ainsi l'interroger sur l'évolution de la recherche liée à la phagothérapie, sur la place qu'elle pourrait occuper dans cette feuille de route gouvernementale comme thérapie alternative aux antibiotiques, ainsi que sur les moyens qui y seraient alloués.

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 30/05/2019

La phagothérapie, inventée à Paris il y a cent ans, consiste à l'utilisation thérapeutique de virus spécifiques (les bactériophages ou phages) afin de traiter des infections bactériennes. Dans un contexte où l'antibiorésistance des bactéries aux antibiotiques est un problème aigu et représente une menace croissante mondiale de santé publique, la phagothérapie représente une solution qui retrouve une actualité face à ce défi de santé. La phagothérapie peut constituer une réponse, lorsque le traitement n'est pas urgent, à des situations d'impasses thérapeutiques compte tenu de la multi résistance bactérienne. Toutefois, il n'existe pas, actuellement, d'autorisation de mise sur le marché (AMM) pour des bactériophages, notamment par manque de données cliniques. Depuis 2016, près d'une quinzaine de patients en France ont bénéficié d'administration compassionnelle de bactériophages « sous forme de matières premières à usage pharmaceutique pour préparations magistrales », par les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé. Ces utilisations ont été rendues possibles grâce à l'accompagnement personnalisé de l'ANSM pour chacun de ces cas. En ce qui concerne la recherche clinique, une équipe française de l'hôpital Percy, avec le financement de la Commission Européenne, est la première équipe mondiale à avoir évalué l'efficacité de bactériophages (essai clinique Phagoburn 2013-2017 ; dans les infections à Pseudomonas aeruginosa chez les grands brûlés). Toutefois, les données sur l'efficacité des bactériophages restent à démontrer et il apparaît nécessaire d'organiser et de sécuriser le circuit de recherche et de production de cette stratégie thérapeutique. Ainsi, en 2016, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a mis en place un Comité Scientifique Spécialisé Temporaire (CSST) « Phagothérapie ». Parallèlement, plusieurs bactériophages ont été mises à disposition à titre compassionnel. De plus, après l'essai clinique Phagoburn, deux Programmes Hospitaliers de Recherche Clinique (PHRC) avec essais cliniques multicentriques vont être réalisés en France prochainement. Ils seront très utiles pour apporter des éléments probants d'efficacité de la phagothérapie, basés sur des études à haut niveau de preuve, , qui manquent à ce jour. Le Programme Prioritaire de Recherche sur l'Antibiorésistance, annoncé fin 2018, permettra également de financer des études de recherche sur le sujet. Enfin, de nouvelles préparations de bactériophages anti-Pseudomonas et anti-Staphylococcus devraient être mises à disposition par le biais d'ATU nominatives également courant 2019. L'ANSM a jugé nécessaire de mettre en place un nouveau CSST pour échanger sur l'expérience clinique des équipes hospitalières ayant pratiqué l'usage de phages en traitement compassionnel depuis 2016 et pour évoquer les perspectives d'essais cliniques et d'ATU. Il apparaît d'ores-et-déjà essentiel de mettre en place un réseau de recherche et d'expertise ainsi que de production répondant aux Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF) afin de permettre une collaboration européenne et internationale sur ce défi de santé.

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