Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 28/03/2019

M. Jean Louis Masson attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la décision pour le moins surprenante du conseil supérieur des programmes scolaires (CSP) de ne plus enseigner dans les lycées la bataille de Verdun. Verdun appartient à la mémoire collective de la France et de l'Europe et symbolise à la fois les conflits franco-allemands du passé et la grande réconciliation mise en œuvre actuellement. Avec cet arbitrage le CSP s'incruste dans une dérive engagée sous les deux précédents présidents de la République. En effet, depuis une dizaine d'années, cet organisme qui n'a aucune légitimité démocratique s'acharne à remplacer l'histoire de France par une vision très orientée de l'histoire des peuples. Comment peut-on enseigner l'histoire des peuples si on ignore l'histoire de son propre pays ? De la sorte, le CSP coupe des générations de lycéens de nos racines alors qu'on aurait pourtant bien besoin de s'y raccrocher. Certes, l'histoire telle qu'on l'avait conçue à la fin du 19ème siècle reposait sur une vision narrative à sens unique, c'est-à-dire d'un point de vue purement franco-français. Il convenait de rééquilibrer cette vision de manière un peu plus critique. Cependant de là à supprimer tout enseignement cohérent de l'histoire de France, il y a un gouffre que le CSP a franchi allégrement. Alésia, Poitiers, Marignan, Austerlitz, Verdun… sont des marqueurs qui ont forgé l'identité de notre pays. Le fait d'empêcher les jeunes lycéens de comprendre la chronologie de la formation de notre identité nationale est ainsi une aberration. Il lui demande donc s'il envisage de revoir les orientations fixées par le CSP pour l'enseignement de l'histoire.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 05/09/2019

L'enseignement de l'histoire au lycée vise plusieurs objectifs : la construction d'une réflexion sur le temps, l'initiation au raisonnement historique, le développement d'une aptitude à replacer les actions humaines et les faits dans leur contexte et dans leur époque. Il doit aussi permettre la prise de conscience par l'élève de son appartenance à l'histoire de la nation, de l'Europe et du monde, ainsi que des valeurs, des connaissances et des repères qui contribuent au développement de sa responsabilité et de sa formation civique. Le nouveau programme de la classe de première publié au Bulletin officiel spécial n° 1 du 22 janvier 2019 entrera en application à la rentrée prochaine. Il est centré sur la France de la Révolution de 1789 à la Première Guerre mondiale. Il vise à montrer comment, dans une Europe dominée par les monarchies et les Empires multinationaux, le pays, avec la Révolution française, pose les bases d'une conception nouvelle de la nation. Comme l'indique le préambule du programme, la France « connaît à la fois une modernisation progressive de sa société et de grandes oscillations politiques, qui cessent avec l'instauration de la Troisième République. Le programme se clôt par l'étude de la Première Guerre mondiale, qui, avec la victoire des Alliés, débouche sur une tentative d'application générale du principe des nationalités ». La partie du programme dédiée à la Première guerre mondiale permet de présenter les caractéristiques de la guerre, la fin des empires ainsi que la difficile construction de la paix. Le professeur doit mettre en avant les caractéristiques du conflit, les différents aspects de la mondialisation du conflit, le caractère particulièrement meurtrier pour les combattants et les civils, les traités de paix et la fin des empires multinationaux européens. Dans une approche résolument chronologique, l'étude de la guerre de position inclut bien entendu la bataille de Verdun. Si le programme cite, au titre des « points de passage et d'ouverture », Tannenberg et la Marne ainsi que l'offensive des Dardanelles, la mention de la bataille de la Somme fait nécessairement référence à la bataille de Verdun puisque l'une et l'autre sont fortement liées. Comme le rappellent tous les historiens éminents de cette période, les Allemands ont abandonné l'offensive sur Verdun dès lors que le bombardement allié sur la Somme a commencé, à la fin juin 1916. La bataille de la Somme avait bien pour objectif de relancer l'offensive anglo-française et la guerre de mouvement en repoussant l'ennemi par un « Big Push », pour reprendre l'expression britannique. De manière plus générale, il est inenvisageable que les professeurs de lycée traitent la Première guerre mondiale sans aborder la bataille de Verdun. Les programmes précédents, conçus en 2010 et toujours en vigueur cette année, ne donnaient aucune précision en ce sens, mentionnant simplement « La Première Guerre mondiale : l'expérience combattante dans une guerre totale ». S'agissant de la place de l'histoire de France dans les programmes scolaires, plusieurs éléments doivent être mis en avant. L'histoire de France fait l'objet d'un enseignement explicite tout au long de la scolarité. Comme l'indique le programme de cycle 3 (classes de CM1-CM2 et 6e), l'enseignement de l'histoire « a d'abord pour intention de créer une culture commune et de donner une place à chaque élève dans notre société et notre présent. Il interroge des moments historiques qui construisent l'histoire de France et la confrontent à d'autres histoires, puis l'insèrent dans la longue histoire de l'humanité ». Ainsi, dès l'école primaire, au CM1, les thèmes d'étude sont centrés sur la France. Au cycle 4 du collège (5e, 4e et 3e), le programme précise que "les élèves abordent largement l'histoire de la France, qu'ils découvrent désormais dans sa plus longue durée, sa richesse et sa complexités".   À titre d'exemples, en 5e, les élèves étudient l'affirmation de l'État monarchique dans le Royaume des Capétiens et des Valois ainsi que "l'étude de l'évolution de la figure royale du XVIe au XVIIe siècles" à travers l'exemple français ; en 4e la Révolution française et l'Empire puis « Société, culture et politique dans la France du XIXe siècle » tandis que le programme de 3e s'étend de 1914 aux années 1980. Au lycée général et technologique, le programme de la classe de seconde, intitulé "Grandes étapes de la formation du monde moderne" revient sur des périodes abordées à l'école primaire et au collège. Il couvre un temps long qui permet d'initier les élèves à une réflexion sur la notion de période historique et de leur donner des repères chronologiques. Il approfondit également la connaissance de l'époque moderne et de ses mutations profondes. L'étude de la Révolution française ouvre le programme de première, lequel mène aux lendemains de la Première Guerre mondiale. Les deux axes directeurs du programme de la voie générale sont l'affirmation des nations en Europe aux dépens des empires et la transformation politique et sociale de la France entre la Révolution et la Grande Guerre. Dans la voie technologique, le programme de première, intitulé « Construire une nation démocratique dans l'Europe des monarchies et des empires : la France de 1789 aux lendemains de la Première Guerre mondiale » est centré sur l'histoire nationale. Il en va de même pour les programmes de l'enseignement professionnel. Dans les classes préparant au CAP, le premier thème, intitulé « La France de la Révolution française à la Ve République : l'affirmation démocratique », est consacré à l'évolution politique et sociale de la France de 1789, marquée par l'avènement d'une société démocratique. Il convient enfin de rappeler que le Conseil supérieur des programmes (CSP) a toute légitimité démocratique. Institué par la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013, placé auprès du ministre chargé de l'éducation nationale, le CSP comprend trois députés, trois sénateurs, désignés, respectivement, par les commissions permanentes compétentes en matière d'éducation de l'Assemblée nationale et du Sénat, deux membres du Conseil économique, social et environnemental, désignés par son président, et huit personnalités qualifiées nommées par le ministre pour leur excellence dans leur domaine et leur connaissance du système éducatif. Le CSP travaille sur saisine du ministre et propose des projets de programmes qui peuvent faire l'objet d'ajustements, notamment au regard de la consultation des professeurs. Les textes réglementaires sont ensuite arrêtés par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

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