Question de Mme MÉLOT Colette (Seine-et-Marne - Les Indépendants) publiée le 21/06/2019

Question posée en séance publique le 20/06/2019

Mme Colette Mélot. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, « le monde a besoin d'une devise numérique mondiale qui combine les attributs des meilleures devises du monde : elle doit être stable, soumise à une inflation faible, acceptée partout dans le monde et fongible » : c'est ainsi que Facebook présente une nouvelle monnaie destinée à payer des services en ligne, mais aussi son loyer ou son café.

Croire à une démarche philanthropique serait oublier bien vite que toutes nos données sont conservées et utilisées par les géants du numérique pour, aujourd'hui, nous envoyer des publicités ciblées, et peut-être, demain, les utiliser à des fins moins louables.

Ce projet de cryptomonnaie, dont le lancement est prévu pour 2020, doit nous conduire à nous interroger fortement. Dix ans après le pionnier bitcoin, les vingt-sept membres fondateurs espèrent séduire les masses en garantissant la stabilité de cette monnaie électronique et en confiant la supervision du système à une association basée en Suisse, Calibra.

Comment croire que les données financières seront bien séparées des données sociales, alors même que les fuites et les mauvais usages de données sont déjà récurrents ? Libra n'est-elle pas l'arbre qui cache la forêt ? En effet, les Gafam – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – s'intéressent de près à d'autres secteurs : la banque, bien sûr, mais aussi les assurances, les transports, l'énergie et la santé.

Comment être convaincu des bonnes intentions de ces grandes sociétés ? Les Gafam cachent à peine leurs ambitions : Google gérera bientôt une ville dans la métropole de Toronto et se propose de régler la crise du logement à San Francisco.

Monsieur le ministre, cette nouvelle monnaie suscite de nombreuses inquiétudes, et vous avez déjà fait à son propos des déclarations qui se veulent rassurantes. Devant un risque de remise en cause de l'État, que comptez-vous faire pour anticiper au mieux ces évolutions et protéger les Français ? Ce combat sera-t-il mené au niveau européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

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Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée le 21/06/2019

Réponse apportée en séance publique le 20/06/2019

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice Mélot, la société Facebook a effectivement annoncé la création d'une monnaie numérique. Elle est libre de créer un instrument de transaction ; en revanche, elle ne peut pas et elle ne doit pas mettre en place une monnaie souveraine : seuls les États ont la capacité et la légitimité de le faire. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)

Les banques centrales, je le rappelle, sont les seuls prêteurs en dernier ressort en cas de difficultés financières ou monétaires. C'est pourquoi, en tant que président du G7 Finances qui se tiendra à la mi-juillet en France, j'ai demandé aux gouverneurs des banques centrales des États membres du G7 de nous remettre un rapport sur les garanties qui devront encadrer la mise en place de cet instrument de transaction : celui-ci ne devra pas pouvoir servir à financer le terrorisme ou à blanchir de l'argent et toutes les protections nécessaires à la sécurisation des transactions des consommateurs devront être fournies. C'est sur la base des propositions des gouverneurs des banques centrales des États membres du G7 que nous prendrons les décisions nécessaires.

Je rappelle enfin que cet instrument de transaction permettra à Facebook, comme à d'autres géants du numérique dans l'avenir, d'accumuler de nouveau des millions et des millions de données, qui pourront être monétisées et utilisées pour faire des profits supplémentaires. Cela renforce notre détermination à réguler les géants du numérique et à leur imposer une juste taxation, comme celle que supportent aujourd'hui l'ensemble des entreprises européennes. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)

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