Question de Mme LIENEMANN Marie-Noëlle (Paris - CRCE-R) publiée le 26/09/2019

Mme Marie-Noëlle Lienemann attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur les retards apparents pris dans l'élaboration du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) et sur l'absence annoncée d'engagements budgétaires significatifs pour la recherche en 2020.
En effet, est constaté depuis plus d'une décennie l'étiolement budgétaire en la matière. Voilà qui plaide pour que le Gouvernement engage dès à présent un « réinvestissement massif » tel qu'annoncé par le président de la République lors de sa « rencontre avec des intellectuels » le 18 mars 2019.

Le diagnostic du comité national de la recherche scientifique a confirmé un niveau trop faible d'investissements dans la recherche publique, des modalités déséquilibrées d'allocation et de répartition des crédits au détriment du financement de base à l'activité scientifique, un soutien insuffisant aux collectifs de recherche, une diminution continue de l'emploi scientifique, des rémunérations insuffisantes et la dégradation importante des conditions de travail. Ces constats sont largement partagés, comme l'atteste l'enquête produite au printemps par de nombreuses sociétés savantes.
Cet affaiblissement, installé dans la durée, de notre capacité nationale de recherche est injustifiable : la richesse nationale augmente plus rapidement que les ressources allouées à sa recherche ; la population s'accroît (la population étudiante et celle des diplômés supérieurs plus rapidement encore). Les comparaisons internationales sont éloquentes sur le sous-investissement public français (comme privé d'ailleurs).

Or les défis en matière d'accroissement des connaissances scientifiques sont considérables. Défis économiques (capacités de production, mutations technologiques et écologiques) mais aussi et surtout en matière de santé, de changements environnementaux et de cohésion des sociétés contemporaines…
Les impératifs d'une nation scientifique et apprenante sont de donner une place centrale au soutien à la recherche fondamentale. Il s'agit de faire avancer le front de la connaissance, de permettre la réalisation des conditions propices à l'expression de la créativité des chercheurs (stabilité, sérénité et indépendance dans le choix des objets de recherche). Ainsi, une nette amélioration du statut des chercheurs (plus stable et correctement rémunéré) s'impose ; c'est indispensable d'ailleurs pour enrayer les nombreux départs à l'étranger. Il est également urgent de fixer des perspectives pluriannuelles en termes de croissance de l'emploi scientifique et du financement de la recherche publique, de rétablir une régulation du système fondée sur la confiance, mise à mal par la multiplication des contraintes administratives et réglementaires et par le développement de formes de plus en plus tatillonnes de contrôle des personnels.

L'élaboration de la LPPR devrait avoir pour ambition de répondre à ces attentes. Le principe même d'une loi de programmation pluriannuelle est en soi positif car il permettrait d'inscrire dans la durée l'effort national. Il semble même indispensable de l'engager dès 2020, permettant d'atteindre au plus vite l'objectif des 3% du produit intérieur brut (PIB), alors que l'élaboration de la LPPR semble connaître un glissement par rapport au calendrier initialement annoncé.

Elle lui demande donc quel est désormais le calendrier précis d'élaboration du projet de loi et si celui-ci permettra sa mise en œuvre au 1er janvier 2021. Elle lui demande également si un effort budgétaire significatif est prévu dès 2020 de manière à enrayer la baisse des effectifs et du financement public de la recherche publique et à inverser la tendance subie depuis trop longtemps.

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Transmise au Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation


Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation publiée le 01/10/2020

Il y a urgence à réinvestir dans notre système de recherche, et ce pour toutes les raisons que vous avez dites. C'est le sens du projet de loi de programmation de la recherche porté par le Gouvernement, et actuellement débattu au Parlement. Il porte un effort budgétaire inédit en faveur de la recherche française. Vous raisonnez en termes de part de la richesse nationale consacrée à la recherche, et rappelez l'objectif de 3% du PIB que le président de la République s'est engagé à atteindre dans le cadre de cette programmation. Là encore, je ne peux que vous suivre, même si la crise que nous traversons montre aussi les limites qu'il peut y avoir à raisonner exclusivement en pourcentage du PIB. En effet, alors que notre économie subit de plein fouet les effets de la crise sanitaire, avec une baisse du PIB sans précédent depuis la seconde guerre mondiale, il était en même temps d'autant plus nécessaire de confirmer le réinvestissement annoncé dans la recherche. Dans le détail, ce projet de loi de programmation porte diverses mesures qui devraient répondre à l'essentiel des préoccupations que vous exprimiez dans votre question, qu'il s'agisse par exemple de la revalorisation des carrières de chercheurs dans la fonction publique, ou bien encore de mesure de simplification visant à leur faciliter la vie au quotidien et leur permettre de consacrer toute leur énergie à leur activité de recherche. Concernant enfin le calendrier d'adoption de cette loi de programmation, qui vous inquiétait déjà fin 2019, je tiens à vous rassurer. Certes ce calendrier a été quelque peu décalé par rapport à celui qui avait été initialement envisagé, du fait notamment de la crise sanitaire, mais sans que cela n'impacte en rien le calendrier de mise en œuvre de la programmation portée par le projet de loi. En effet, nous avions d'emblée proposé une programmation 2021-2030… et le projet de loi de finances pour 2021, bien qu'élaboré avant l'adoption de la loi de programmation, a été évidemment pensé en cohérence avec ladite programmation. Au contraire, le plan de relance qui a été adjoint devrait même nous permettre d'anticiper sur la montée en charge de certains financements prévus dans le cadre de cette programmation, notamment s'agissant des moyens de l'agence nationale de la recherche (ANR).

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