Question de Mme IMBERT Corinne (Charente-Maritime - Les Républicains-R) publiée le 24/10/2019

Mme Corinne Imbert attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique, sur la question des abus de faiblesse liés à la généralisation de la signature électronique à distance. Le démarchage téléphonique conduit souvent bon nombre de personnes âgées à souscrire à des achats non désirés. Cependant, le fait que ces contrats soient signés dans un format papier permet parfois aux familles de les résilier dans le délai légal de quatorze jours. Aujourd'hui, la signature électronique permet aux démarcheurs de faire souscrire certaines personnes âgées sans qu'il n'y ait de documents papiers. Ainsi, les familles se retrouvent souvent devant le fait accompli et ne peuvent espérer formuler un recours car le délai légal est déjà dépassé lors de la réception des nouveaux contrats. Aussi lui demande-t-elle si le Gouvernement entend mener une action afin de renforcer la protection des personnes âgées vis-à-vis du démarchage commercial.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'économie et des finances publiée le 15/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 14/01/2020

Mme Corinne Imbert. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question concerne les abus de faiblesse liés à la généralisation de la signature électronique à distance.

Ce phénomène est principalement constaté dans le secteur des assurances. En effet, un contrat d'assurance peut être souscrit en quelques minutes par téléphone après la simple expression du consentement.

Ce dernier se matérialise généralement par un code reçu par SMS qu'il faut répéter à voix haute au courtier ou encore par une touche de téléphone sur laquelle il faut appuyer. Nous en conviendrons tous, cette spécificité accordée aux assurances est pratique lorsqu'il s'agit d'assurer dans l'urgence sa nouvelle voiture. Mais force est de le constater, elle est bien souvent utilisée à mauvais escient. Ce type de vente est souvent expéditif, afin que le client n'ait pas le temps de prendre la mesure de la situation.

Les personnes isolées, en particulier les personnes âgées et les personnes handicapées, sont bien souvent démunies face à des professionnels de la vente qui n'hésitent pas user de tous les stratagèmes possibles afin de parvenir au plus vite à la signature d'un contrat aux modalités hasardeuses. Bien souvent, ces personnes ne réalisent pas qu'elles viennent de souscrire à un contrat d'assurance, ce qui rend la tâche des familles qui les accompagnent bien plus difficile que dans le cas d'un simple démarchage, en porte-à-porte.

Ainsi, le délai de rétractation de 14 jours n'est souvent pas suffisant pour débusquer la supercherie. Sur la seule année 2018, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a contrôlé 92 entreprises et en a épinglé 27. Dans la plupart des cas, les démarcheurs recourent à des allégations mensongères, afin de recueillir l'accord verbal du consommateur ou obtenir la signature électronique du contrat.

Ma question sera la suivante, madame la secrétaire d'État : au regard des nombreux cas constatés d'arnaques et de ventes forcées, en particulier auprès des personnes âgées ou handicapées, je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement concernant la lutte contre ce phénomène inquiétant.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice Corinne Imbert, vous avez raison, cette pression téléphonique est insupportable pour nos concitoyens, en particulier pour les personnes âgées.

C'est pourquoi le Gouvernement a manifesté à plusieurs reprises sa volonté de renforcer la protection des consommateurs contre les pratiques de démarchage téléphonique abusif et intrusif.

Il a ainsi demandé au Conseil national de la consommation (CNC) d'établir un état des lieux des pratiques de démarchage téléphonique et de proposer des mesures pour mieux lutter contre les appels téléphoniques non sollicités et la fraude auxquels ils peuvent donner lieu, qu'il s'agisse de numéros surtaxés ou de contrats non souhaités.

Les travaux du CNC, qui se sont déroulés de septembre 2018 à janvier 2019 dans le cadre d'un groupe de travail dédié, ont fait l'objet d'un rapport qui a été diffusé le 22 février 2019. Ce dernier a nourri les travaux sur ce sujet, en particulier la proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux. Ce texte a fait l'objet d'un premier examen par l'Assemblée nationale le 6 décembre 2018, puis par le Sénat le 21 février 2019. Il sera examiné de nouveau par l'Assemblée nationale à la fin du mois.

Parallèlement, nous avons sollicité le CCFS (Comité consultatif du secteur financier) sur le cas particulier des contrats d'assurance, pour lesquels – c'est un élément qui était remonté dans le cadre de l'analyse effectuée avec la DGCCRF et le CNC – le simple démarchage téléphonique permet d'aboutir à la signature d'un contrat.

Le CCFS et, donc, les professionnels des assurances se sont engagés à ce qu'il ne puisse plus y avoir de signatures de contrats d'assurance par le simple enchaînement de décisions non tracées. Ils se sont donc engagés à respecter un minimum de formalisme, par le biais d'un écrit validant la décision de signature d'un contrat d'assurance.

Sur la base de ces éléments, nous poursuivrons le dialogue avec l'Assemblée nationale, en nous assurant que l'engagement pris par la profession est clairement respecté.

Vous avez raison, madame la sénatrice, il n'est pas légitime qu'un accord sur un sujet aussi complexe qu'un contrat d'assurance soit obtenu sans traçabilité écrite permettant de réagir dans le cadre de la protection des consommateurs.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.

Mme Corinne Imbert. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de votre réponse. Je me réjouis que la proposition de loi que vous venez d'évoquer soit examinée de nouveau par l'Assemblée nationale. J'espère que l'engagement pris par les professionnels sera respecté. La traçabilité écrite, qui est indispensable pour la sécurité et le respect des personnes, lesquelles ne doivent pas être abusées à longueur de semaine, doit faire l'objet d'un suivi par vos services.

D'aucuns pourraient dire que les personnes victimes de ces agissements le sont « à l'insu de leur plein gré » ; c'est bien là tout le problème. Il faut vraiment une traçabilité écrite, car le public dont il est question est fragile et les appels téléphoniques incessants deviennent insupportables. Je sais que ma collègue Catherine Deroche s'apprête à vous interpeller sur ce sujet juste après moi.

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