Question de Mme TAILLÉ-POLIAN Sophie (Val-de-Marne - SOCR-A) publiée le 10/10/2019

Mme Sophie Taillé-Polian attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation des sapeurs-pompiers et la grève qu'ils mènent depuis le 26 juin 2019. Celle-ci, initialement prévue jusqu'au 31 août, a été reconduite jusqu'au 31 octobre 2019.

Ce mouvement prend une ampleur considérable, puisqu'il concerne sept des neufs syndicats existants, qui représentent 85 % des sapeurs-pompiers professionnels.

Leurs revendications, qu'ils peinent à faire entendre depuis des mois, sont légitimes : ils demandent un recentrage de leurs missions, l'augmentation du nombre de sapeurs pompiers professionnels, une réévaluation de la « prime de feu » à 28 %, la fin des faits de violences contre les pompiers et une meilleure organisation avec le service d'aide médicale urgente (SAMU), les ambulanciers, la police et la gendarmerie pour que les interventions soient mieux organisées.

La situation actuelle des sapeurs-pompiers est devenue intenable : en 2017, 79 % des pompiers étaient volontaires, le nombre de pompiers professionnels n'ayant presque pas augmenté depuis 2012 . En parallèle, le nombre d'interventions est en hausse : entre 2012 et 2017, elles ont augmenté de 10 % soit 40 000 interventions de plus. Il arrive souvent que les interventions pour lesquelles ils se déplacent ne soient pas de leur ressort.
Les sapeurs-pompiers, outre un métier stressant et dangereux, sont victimes de violences dans les interventions qu'ils mènent : en 2018, cent vingt faits de violence ont été recensés chaque mois contre les pompiers.
La prime de feu, qui est censée prendre en compte la prise de risque intrinsèque au métier de pompier est ainsi perçue comme trop faible : elle est de 19 % alors que celle des policiers est de 26 %, par exemple.

Les syndicats de sapeurs-pompiers ont rencontré le ministre de l'intérieur le 14 mars 2019 pour lui présenter leurs revendications, mais ils ont dénoncé un « déni de dialogue » lors de leurs échanges avec lui. Ils déplorent en effet qu'il n'ait pas écouté leurs revendications et qu'il ne leur propose aucune discussion ou négociation pour régler les problèmes apparents du système.

Ainsi, elle lui demande s'il compte prendre des mesures concrètes pour accéder aux revendications légitimes et urgentes des sapeurs pompiers, en proposant par exemple un projet de loi pour moderniser la sécurité civile et les conditions d'exercice de ses acteurs.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 21/11/2019

Les organisations syndicales représentant les sapeurs-pompiers professionnels ont exprimé le souhait que la profession de sapeurs-pompiers soit davantage valorisée. Le Gouvernement a parfaitement conscience de l'importance de notre modèle de sécurité civile et du rôle déterminant qu'y jouent les sapeurs-pompiers, parfois au péril de leur vie. Les événements récents suffisent à prendre la pleine mesure des risques qu'ils encourent pour sauver la vie des autres. Concernant la pression opérationnelle, les sapeurs-pompiers sont au cœur de la société et en vivent, directement, tous les changements et bouleversements : le vieillissement de la population, le manque de médecins, la disparition des solidarités de proximité. Ils prennent donc une part croissante de la gestion des conséquences de ces phénomènes sociétaux. Dans ce contexte, le ministère de l'intérieur et le ministère des solidarités et de la santé ont engagé, il y a un an, un cycle de travail, qui s'est traduit par l'adoption de 6 mesures, initiées à l'automne 2018 et complétées par une nouvelle vague décidée en juillet 2019, à savoir : tendre vers la généralisation des coordonnateurs ambulanciers au sein des services d'aide médicale d'urgence (SAMU) ; réduire l'attente des sapeurs-pompiers aux services d'urgence ; étudier la possibilité d'effectuer certaines missions à deux sapeurs-pompiers ; dynamiser la concertation entre les services d'incendie et de secours (SIS), les SAMU et les agences régionales de santé ; se tenir mutuellement informés des évolutions de moyens en place sur le territoire, notamment en ce qui concerne l'évolution de la cartographie hospitalière ; étendre le champ des gestes techniques de secourisme autorisés aux sapeurs-pompiers. Parmi ces mesures, la généralisation des coordonnateurs ambulanciers devrait permettre une meilleure gestion des transports sanitaires urgents et diminuer le recours aux sapeurs-pompiers pour ce type de mission. En parallèle, des travaux de révision du référentiel secours d'urgence aux personnes – aide médicale urgente du 25 juin 2008 sont engagés, en débutant par l'évaluation de la mise en œuvre des départs réflexes et des protocoles infirmiers de soins d'urgence ainsi que la gestion des carences ambulancières. Concernant les agressions dont les sapeurs-pompiers sont victimes, le Gouvernement apporte une réponse ferme face à ces violences visant les femmes et les hommes qui garantissent, chaque jour et sur l'ensemble du territoire, la continuité opérationnelle du service public de protection et de secours à la population. En ciblant les sapeurs-pompiers, qui font vivre au quotidien les valeurs et les principes républicains fondés sur la solidarité et l'entraide, c'est la République que l'on atteint. C'est donc à la République de répondre fermement et de défendre ceux qui exposent chaque jour leur vie pour sauver celle des autres. Dans ce cadre, le Gouvernement déploie une série de mesures. Le renforcement des protocoles opérationnels, qui permettent dans chaque département : une meilleure coordination entre policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers, pour l'intervention dans les secteurs urbains sensibles (points de regroupement, itinéraires sécurisés et règles d'engagement adaptées, avec notamment l'appui éventuel de la police ou de la gendarmerie) ; la mise en place d'un système d'évaluation régulière et partagée ; la formation des sapeurs-pompiers à la négociation et aux techniques de défense simple (évitement, esquive, dégagement) face à une personne agressive. Désormais, tous les départements disposent d'un protocole opérationnel renouvelé et renforcé. L'expérimentation du port des caméras individuelles par les sapeurs-pompiers, est entrée dans sa phase concrète. Dix SIS ainsi que la brigade des sapeurs-pompiers de Paris se sont engagés dans cette expérimentation qui a un double objectif : prévenir les agressions par le caractère dissuasif du port de caméras, et constituer des éléments de preuve. Le dépôt de plainte est systématique et facilité. Face à ces agressions, la main de l'Etat ne tremblera pas pour rechercher les auteurs de ces agressions, les soumettre à la justice et les sanctionner pénalement : la réponse pénale doit être ferme et exemplaire. La France s'en donne tous les moyens en renforçant son cadre juridique qui aggrave les sanctions pénales à l'encontre des auteurs de violences contre les sapeurs-pompiers. Enfin, le caractère dangereux du métier et des missions qu'exercent les sapeurs-pompiers est notamment reconnu par le classement en catégorie active des emplois de sapeurs-pompiers professionnels et par un régime indemnitaire spécifique qui leur est alloué. Ainsi, le fait d'occuper un emploi de catégorie active ouvre droit, pour les sapeurs-pompiers professionnels, à un départ anticipé à la retraite par rapport à l'âge normal et à une bonification, pour la liquidation de leur pension, égale à un cinquième du temps passé en catégorie active. De même, les sapeurs-pompiers professionnels perçoivent une indemnité de feu de 19 % du traitement soumis à retenue pour pension, dont le montant est entièrement pris en compte dans le calcul de la pension de retraite, à la différence des éléments de régime indemnitaire des autres fonctionnaires. La demande de revalorisation de cette indemnité de feu, portée par les organisations syndicales, aurait un impact budgétaire significatif. Elle ne pourra se faire sans l'accord des principaux financeurs que sont les départements et les communes. C'est pourquoi un dialogue entre les employeurs des sapeurs-pompiers et les organisations syndicales a été engagé, notamment sur ce point. Le Gouvernement prendra acte des propositions que porteront les représentants des présidents des conseils d'administration des SIS et des principaux financeurs de ces établissements publics (conseils départementaux, communes et établissements publics de coopération intercommunale) et déclinera dans les textes réglementaires nécessaires les éléments issus des négociations en cours.

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