Question de Mme HARRIBEY Laurence (Gironde - SOCR) publiée le 12/12/2019

Mme Laurence Harribey attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur une réforme alternative du dispositif d'aide à la création ou à la reprise d'entreprise (ACRE).

Jusqu'à la fin 2018 les chômeurs, les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et les jeunes issus des quartiers prioritaires bénéficiaient, et ce depuis plusieurs années, d'un régime d'exonération temporaire de charges sociales en créant leurs entreprises : l'aide aux chômeurs créateurs d'entreprises (ACCRE). Ce régime réservé aux populations les plus fragiles prévoyait pour les auto-entrepreneurs, qui représentent environ la moitié des créations d'entreprise dans ces populations, un abattement de 75 % l'année de la création, de 50 % en n+1 et de 25 % en n+2.

Depuis janvier 2019, l'ACCRE a été étendue à l'ensemble des créateurs d'entreprise, quelle que soit leur situation, et rebaptisée : aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises (ACRE) dont les taux d'abattements sont réduits à 50 % l'année de la création, 25 % en n+1 et 10 % en n+2. Le coût du nouveau régime s'est avéré beaucoup plus élevé qu'auparavant, d'autant plus que des effets d'aubaines ont été constatés.

Selon l'exposé des motifs de l'article 80 du projet de loi n° 139 (Sénat, 2019-2020), adopté par l'Assemblée nationale, de finances pour 2020 concernant l'ACRE : « Le succès du dispositif de la micro-entreprise peut inciter à déclarer sous ce statut des activités entrant dans le champ du salariat » ; il s'agit donc par cette réforme « de rétablir l'équité entre tous les travailleurs indépendants, l'exonération actuelle étant plus avantageuse pour les micro-entrepreneurs que pour les travailleurs indépendants au réel, sans que cela soit justifié au plan économique ». Cette réforme entend s'appliquer rétroactivement.

Selon les acteurs de l'insertion professionnelle, il faut revenir au public d'origine de cette aide : les personnes en difficulté et éloignées du marché de l'emploi. L'insertion professionnelle par l'entreprenariat individuel est l'une des solutions pour ces personnes d'accéder à la stabilité financière. Les créateurs d'entreprises, que l'association pour le droit à l'initiative économique (ADIE) finance, sont près de 50 % à vivre en-dessous du seuil de pauvreté au moment de la création, et sont issus à 50 % de quartiers politique de la ville ou de zones rurales, pour un montant moyen des projets professionnels de 4 000 € sur les 17 000 accompagnés en 2018, faisant ainsi de l'entreprenariat individuel une solution à la fois efficace et peu couteuse. Par ailleurs, à l'heure où plusieurs grands programmes sociaux (stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, pacte d'ambition pour l'insertion par l'activité économique…) renforcent les mesures d'accompagnement vers l'activité des publics les plus éloignés de l'emploi, cette réforme, dans sa forme actuelle, pose question.

Dès lors, elle lui demande, d'une part, de renoncer à la rétroactivité de la réforme et de respecter la promesse faite aux auto-entrepreneurs déjà entrés dans le dispositif et, d'autre part, d'exclure de la réforme les publics fragiles initialement bénéficiaires de l'ACCRE en leur maintenant le bénéfice du régime d'exonération actuel, en taux et en durée.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance - Comptes publics


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance - Comptes publics publiée le 03/06/2021

L'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise (ACCRE), instituée par la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social, a exonéré temporairement les chômeurs et les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, sous condition de revenus, des cotisations sociales. Afin de promouvoir l'entrepreneuriat et de favoriser la déclaration d'activité, ce dispositif a été généralisé à tous les créateurs et repreneurs d'entreprise en début d'activité, devenant ainsi l'aide à la création ou à la reprise d'entreprise (ACRE). Le décret n° 2019-1215 du 20 novembre 2019 modifiant les modalités d'application de l'aide à la création et à la reprise d'entreprise prévue à l'article L. 131-6-4 du code de la sécurité sociale a modifié ses dispositions applicables aux micro-entrepreneurs, afin de garantir une meilleure équité entre les micro-entrepreneurs et les autres travailleurs indépendants. Le décret a ainsi procédé à un alignement de la durée d'exonération applicable aux micro-entrepreneurs sur celle de douze mois applicable aux travailleurs indépendants au réel. En effet, le dispositif micro-social ne constitue qu'un dispositif simplifié de déclaration et de paiement des cotisations qui, aux termes de la loi, doit garantir un niveau de cotisations et contributions équivalent à celui des travailleurs indépendants non micro-sociaux. Ainsi, l'exonération dégressive sur trois ans des micro-entrepreneurs avait pour conséquence de placer ces derniers dans une situation plus favorable que les autres travailleurs indépendants bénéficiant de cette même exonération, sans que cette différence de traitement procède d'une justification économique. La réduction de la durée de l'exonération pour les micro-entrepreneurs devait, en outre, nécessairement s'accompagner d'une modification du niveau de l'exonération, afin de prendre en compte les évolutions des taux de cotisation applicables aux micro-entrepreneurs intervenues ces dernières années, qui conduisaient les micro-entrepreneurs à bénéficier d'une exonération d'une partie de la CSG (contribution sociale généralisée) -CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale) et des cotisations de retraite complémentaire, dont ne bénéficient pas les travailleurs indépendants cotisant sur une base réelle. La baisse de 75 % à 50 % du taux d'exonération applicable aux micro-entrepreneurs permet de mettre fin à cette différence de traitement. Au-delà de ces modifications qui permettent une meilleure maîtrise des coûts engendrés par ces exonérations de cotisations sociales, l'ACRE reste un dispositif d'encouragement à la création d'entreprise efficace tant pour les micro-entrepreneurs, que pour les travailleurs indépendants au réel. Ainsi, on a constaté une stabilité de la part des micro-entreprises créées qui représentaient toujours 45 % des entreprises créées au premier trimestre 2020. Par ailleurs, dans le cadre des mesures prises pour préserver la santé publique dans le contexte de l'épidémie de Covid-19, l'entrée en vigueur du nouveau dispositif, initialement prévue au 1er janvier 2020, a été reportée au 1er avril 2020. Ainsi, l'ACRE continue pleinement de soutenir les créateurs d'entreprise, quel que soit leur statut, en particulier au moment de la reprise de l'activité économique.

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