Question de M. REICHARDT André (Bas-Rhin - Les Républicains) publiée le 16/01/2020

Question posée en séance publique le 15/01/2020

M. André Reichardt. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Je souhaite à mon tour interroger le Gouvernement sur le premier djihadiste français condamné à son retour de Syrie puis libéré ce lundi de la prison de Condé-sur-Sarthe. Cet individu avait été condamné en novembre 2014 à sept ans de prison fermes.

Monsieur le Premier ministre, à n'en pas douter, cette première sortie va constituer aux yeux de beaucoup de nos concitoyens un véritable test de notre capacité de suivi et de contrôle des djihadistes rentrés dans notre pays, détenus puis libérés après avoir purgé leur peine.

Rappelons que 224 djihadistes sont actuellement détenus dans les prisons françaises et vont sortir progressivement dès cette année.

Mme la garde des sceaux nous a indiqué à l'instant que cet ancien détenu, comme les prochains djihadistes libérés, fera l'objet d'un suivi judiciaire par un juge spécialisé, ainsi que d'un suivi administratif – elle a cité l'obligation de pointage, l'interdiction de quitter son domicile…

Pensez-vous vraiment, monsieur le Premier ministre, que ce dispositif prévu pour des détenus de droit commun suffira à rassurer les Français et à assurer leur sécurité ? A-t-on vraiment les moyens d'être efficace, quand on sait que 20 agents sont nécessaires pour surveiller une personne 24 heures sur 24 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)


Réponse du Ministère de la justice publiée le 16/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 15/01/2020

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Reichardt, j'ai déjà répondu à une question similaire, mais je vais m'efforcer d'articuler ma nouvelle réponse autour de quatre points.

Premièrement, les condamnations pénales dont font l'objet les personnes qui sont allées sur les terrains de combat sont des condamnations sévères. Depuis 2015, notamment avec l'ancien procureur François Molins, nous avons criminalisé l'association de malfaiteurs terroriste, afin d'accentuer les peines.

Deuxièmement, les individus concernés font l'objet, lors de leur détention, d'un traitement adapté à la singularité de leur parcours et à ce qu'ils ont vécu.

Troisièmement, pour préparer leur procès, nous essayons d'améliorer la détention des preuves que nous avons de leur action sur les terrains de combat. Avec le concours de la DGSI (direction générale de la sécurité intérieure) et des personnes qui, aux États-Unis, vont recueillir les preuves sur les terrains de combat, nous sommes en mesure de mettre l'ensemble des éléments à la disposition des juges.

Quatrièmement, vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, à leur sortie de prison – dans un État de droit, les peines ont une fin –, les personnes libérées font l'objet d'un suivi extrêmement rigoureux par un juge d'application des peines antiterroriste – il s'agit bien d'un juge spécialisé, et non d'un juge de droit commun.

À ce suivi judiciaire peut s'ajouter un suivi administratif, notamment par le biais des Micas (mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance) créées par la loi SILT (loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme).

Enfin, les services de renseignement sont extrêmement présents.

L'ensemble de ces dispositifs forme des mailles extrêmement serrées permettant de garantir la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour la réplique.

M. André Reichardt. Madame la garde des sceaux, vous ne m'avez pas convaincu.

Ainsi, l'individu qui rentrait de Syrie dont il est question, condamné à sept ans de prison, a été libéré au bout de six ans : du point de vue de la gravité des peines, c'est peu !

Par ailleurs, la vraie question est celle du repentir. Les prisons françaises, vous le savez, ne sont pas à l'heure actuelle des centres de déradicalisation : ce sont au contraire des centres de radicalisation.

Or nous ne disposons pas d'outils permettant d'évaluer la dangerosité des individus qui sortent de prison, sinon, cela se saurait ! Le personnel de la prison de Condé-sur-Sarthe a d'ailleurs exprimé des inquiétudes en apprenant la nouvelle de la libération de ce détenu.

Et vous avez annoncé il y a deux jours le rapatriement des individus détenus en Syrie…

M. le président. Il faut conclure !

M. André Reichardt. Nous ne pourrons pas les recevoir ; même si nous le voulions, nous n'en avons pas les moyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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