Question de Mme GRELET-CERTENAIS Nadine (Sarthe - SOCR) publiée le 16/01/2020

Question posée en séance publique le 15/01/2020

Mme Nadine Grelet-Certenais. À chaque jour un nouveau démenti, un nouveau miroir aux alouettes, une nouvelle proposition du Gouvernement qui contredit la précédente.

Une telle cacophonie démontre que le Gouvernement navigue à vue, et nos concitoyens assistent avec consternation à ce barguignage incessant sans obtenir de réponse fiable quant à cette fameuse réforme des retraites.

On ne modifie pas l'un des piliers de notre contrat social sur un coin de table entre deux concertations. Âge pivot, âge d'équilibre, incitation à la capitalisation pour les hauts revenus, et, depuis hier, contrairement aux engagements, possible modification de l'âge légal par voie d'ordonnance : mais de qui se moque-t-on ?

Les Français ne sont pas seulement inquiets, monsieur le ministre ; ils désapprouvent votre réforme et soutiennent majoritairement les grévistes, car ils ont compris que tout le monde y perdra. Même le seuil minimal de 1 000 euros que vous vous targuez d'instaurer ne serait accessible que pour une carrière continue au SMIC.

Le masque de la bonne gestion et de la justice peine à dissimuler les inégalités profondes que vous vous apprêtez à entériner dans un projet de loi bâclé. Personne n'est dupe : vous rejouez en vérité la réforme de l'assurance chômage en mettant au pied du mur les syndicats.

Après avoir sciemment organisé le définancement des régimes au travers d'exonérations de cotisations et du recul de l'emploi public, vous appelez à une conférence des financeurs orchestrée pour aboutir à un désaccord des partenaires sociaux et passer en force par voie d'ordonnance.

Vous méprisez enfin le Parlement, qui devra se prononcer dans le cadre de la procédure accélérée sur une réforme tronquée de son financement. Il s'agit là d'un coup de force inédit pour le Parlement.

Une majorité de Français vous le demande : quand allez-vous faire preuve de discernement et retirer votre texte au profit d'un véritable dialogue social, le temps de présenter une réforme honnête et juste aux Français et à leurs représentants ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur des travées du groupe CRCE.)


Réponse du Premier ministre publiée le 16/01/2020

Réponse apportée en séance publique le 15/01/2020

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, la tonalité et le sens général de votre question me paraissent assez critiques sur le projet de réforme. (Sourires.) Je peux le comprendre : après tout, cela n'a rien de scandaleux !

Ce qui me semble plus contestable, et je le dis avec beaucoup de respect, ce sont les facilités de langage et les inexactitudes qui émaillent votre question.

Vous évoquez la conférence de financement que j'exige ou que je convoque. Mais en acceptant l'idée d'une telle conférence, j'ai répondu favorablement à une demande formulée par des organisations syndicales que vous connaissez sans doute et avec lesquelles, j'en suis certain, vous dialoguez régulièrement.

Nous avons reconnu que discuter avec les organisations syndicales était une bonne idée. Un grand nombre d'entre elles – plusieurs organisations syndicales représentatives des salariés, les organisations patronales – ont d'ailleurs accepté de participer, de façon à formuler des propositions permettant de revenir à l'équilibre en 2027.

Cette conférence de financement commencera ses travaux à la fin du mois. Elle a pour mission de nous proposer des mesures, qui, si elles permettent de revenir à l'équilibre et respectent les deux bornes que nous avons fixées et qui ont été admises par les organisations syndicales elles-mêmes – la non-diminution des pensions et la non-augmentation du coût du travail –, seront reprises par le Gouvernement et soumises au Parlement pour adoption.

Tel est l'engagement qui a été pris non par le Gouvernement seul, mais par le Gouvernement, les organisations syndicales et les organisations patronales.

Madame la sénatrice, vous vous faites avec raison le défenseur du dialogue social : voilà un exemple concret, pratique, borné dans le temps et dans l'objet d'un tel dialogue social. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Protestations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

Il est vrai qu'un certain nombre d'organisations syndicales vont participer à cette conférence, mais sont opposées par principe soit à un système universel, soit à un système par points.

Elles en ont parfaitement le droit, mais nous nous sommes engagés à créer un système universel par répartition et par points. Nous ne nous départirons pas de cet objectif, et nous allons l'atteindre.

Une deuxième inexactitude porte sur l'habilitation qui permettra au Gouvernement de tirer les conséquences des propositions qui seront formulées par la conférence de financement, notamment sur l'âge légal.

Vous le savez, la jurisprudence impose désormais que les habilitations à légiférer par ordonnances, pour être conformes à la Constitution, soient beaucoup plus précises qu'elles ne l'étaient il y a quelques années – le président du Sénat s'en fait régulièrement l'écho.

Autrement dit, si nous voulons les inscrire dans la loi, il faut que l'ensemble des mesures qui seront proposées par la conférence de financement soient mentionnées dans l'habilitation.

Les partenaires sociaux doivent donc disposer de la totalité des instruments disponibles, charge à eux de déterminer lesquels ils souhaitent retenir.

Madame la sénatrice, en proposant la rédaction de l'article d'habilitation la plus large possible, nous ne fermons pas le débat, au contraire, nous l'ouvrons. Je suis surpris que vous ne le compreniez pas, d'autant que les organisations syndicales elles-mêmes ont demandé de disposer du maximum de possibilités pour formuler les mesures qui nous permettront de revenir à l'équilibre en 2027 ce qui, convenons-en, est un objectif tout à fait respectable. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Nadine Grelet-Certenais, pour la réplique.

Mme Nadine Grelet-Certenais. Sur le fond, vous savez bien que nous sommes en profond désaccord.

Sur la forme, vous appelez à ne pas aller plus vite que la musique. Certes, mais nous avons des interrogations sur la partition et son timing.

Vous planchez sur cette réforme depuis un certain temps. Nous avons demandé en préalable à tout examen du texte une étude d'impact et des précisions en termes de financement, et c'est seulement maintenant que vous allez commencer à étudier ces questions alors que la réforme est déjà en cours ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

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