Question de M. PATIENT Georges (Guyane - LaREM) publiée le 06/02/2020

M. Georges Patient interroge Mme la ministre des outre-mer sur les possibilités de faire baisser les prix des carburants en vente en Guyane. En effet, la population guyanaise est celle qui paie le carburant le plus cher de France alors même que les indicateurs économiques montrent qu'elle est l'une des plus défavorisées. De plus, ce prix élevé pèse sur le développement des réseaux de transport en commun en augmentant les coûts de fonctionnement et donc en alourdissant les budgets des collectivités locales et en renchérissant le prix pour l'usager. Le décret n° 2013-1314 du 27 décembre 2013 destiné à faire la transparence sur les marges des prix des carburants n'a finalement pas eu l'effet escompté. La société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA), unique fournisseur des départements et régions d'outre-mer (DROM) des Antilles et de Guyane, profite toujours d'une situation monopolistique de fait. Or la Guyane se trouve dans un environnement riche de pétrole. En payant le carburant le plus cher de France les Guyanais sont victimes d'une double peine quand on sait que les espoirs de voir la Guyane devenir un pays producteur se sont éteints avec la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement, qui interdit tous les forages pétroliers offshore sur le territoire national. Cependant, les voisins directs de la Guyane, Suriname, Guyana et Brésil, ont mis à jour des réserves importantes de pétrole et produisent des carburants aux dernières normes européennes. Ces éléments nous amènent tout naturellement à penser que la Guyane pourrait s'approvisionner directement auprès d'eux, au moins du Suriname dont la raffinerie vient d'être modernisée. Cette opération pourrait se faire dans le cadre d'une convention de coopération régionale entre la collectivité territoriale de Guyane et l'État surinamais. Aussi, il lui demande si elle est prête à faire expertiser cette solution qui en cassant le monopole de la SARA permettrait de tirer les prix de vente des carburants vers le bas.

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Réponse du Ministère des outre-mer publiée le 19/02/2020

Réponse apportée en séance publique le 18/02/2020

M. Georges Patient. Madame la ministre, la population guyanaise est celle qui paie le carburant routier le plus cher de France, alors même que les indicateurs économiques montrent qu'elle est l'une des plus défavorisées.

Parmi les nombreuses conséquences de ce prix élevé, il y a bien sûr le renchérissement du coût des déplacements pour les véhicules privés professionnels, mais aussi un alourdissement des charges des collectivités locales pour le soutien et le développement des réseaux de transport en commun et de transport scolaire, lesquels, vous le savez, constituent des besoins croissants dans notre territoire.

Plus généralement, c'est toute l'économie de la Guyane qui pâtit de ce prix élevé.

Le problème n'est pas nouveau et des mesures ont été prises à la suite d'événements qui ont secoué tout le pays, tel le décret du 27 décembre 2013 destiné à faire la transparence sur les marges sur les prix des carburants. Depuis, tous les prix sont administrés puisqu'ils sont fixés par le préfet. Force est néanmoins de constater que ce mode de fonctionnement n'a finalement pas eu l'effet escompté puisque les Guyanais continuent de payer le carburant le plus cher de France. Ils sont même désormais victimes d'une double peine !

Première peine : tout en étant dans un environnement riche en pétrole, ils n'ont pas espoir de voir la Guyane devenir un pays producteur, la loi Hulot, laquelle a mis fin à la recherche et à l'exploitation des hydrocarbures, interdisant tous les forages pétroliers en Guyane.

Deuxième peine : ils ne peuvent s'approvisionner auprès de leurs voisins directs, le Suriname et le Guyana, qui ont mis au jour des réserves importantes de pétrole et sont bien sûr producteurs.

Madame la ministre, pourquoi la Guyane ne peut-elle pas s'approvisionner directement auprès d'eux, au moins du Suriname, dont la raffinerie vient d'être modernisée ? Cette opération ne pourrait-elle pas se faire dans le cadre d'une convention de coopération régionale entre la collectivité territoriale de Guyane et l'État surinamais ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Georges Patient, je rappelle que les prix des carburants sont plus élevés en Guyane que dans les deux autres départements français d'Amérique que sont la Guadeloupe et la Martinique.

En Guyane, les supercarburants coûtent près de 9 % de plus qu'aux Antilles et près de 6 % de plus que dans l'Hexagone. Il en est de même du gazole, qui coûte 10 % plus cher en Guyane qu'aux Antilles et 3 % de plus que dans l'Hexagone. Il est important de rappeler ces différences.

C'est la fiscalité locale appliquée aux produits pétroliers qui explique principalement ces différences de prix en Guyane. En effet, le prix affiché à la sortie de la raffinerie est le même dans les trois départements – Martinique, Guadeloupe, Guyane. La fiscalité appliquée aux supercarburants et au gazole en Guyane est nettement plus élevée qu'aux Antilles – de 25 % pour les supercarburants et de 39 % pour le gazole –, même si elle reste inférieure à celle qui est appliquée dans l'Hexagone, où elle est inférieure de 24 % sur les supercarburants et de 39 % sur le gazole.

Vous évoquez ensuite, monsieur le sénateur, la situation monopolistique de la société anonyme de la raffinerie des Antilles, la SARA. Dans les faits, le monopole de la SARA ne porte que sur l'activité de raffinage, non sur la distribution. La Guyane compte en effet trois grossistes, bientôt quatre. L'effet de ce monopole est limité sur les prix, qui sont contrôlés par chaque préfet.

D'un point de vue économique, l'activité de la SARA dans les trois départements présente des avantages. Elle permet : de réaliser des économies d'échelle, la SARA important les produits pétroliers pour les trois collectivités ; de mutualiser les coûts ; enfin de garantir aux consommateurs des carburants de qualité, aux normes de l'Union européenne (UE). Telles sont les raisons qui justifient un marché unique pour les trois collectivités.

Vous évoquez la difficulté de s'approvisionner auprès de pays tiers de la zone Amériques-Caraïbes. Effectivement, la SARA importe principalement des produits pétroliers de la mer du Nord, car peu de producteurs de la zone produisent des carburants aux normes UE.

Les carburants du Venezuela et du Suriname comportent des taux de soufre élevés, comme l'ont encore démontré de récents contrôles. Les pétroles de schiste en provenance de la zone Amérique du Nord ont été pour le moment écartés en raison de leur forte teneur en particules fines et de leur faible indice d'octane.

Je pense, monsieur le sénateur, qu'il nous faut accélérer encore davantage la transition énergétique en Guyane, dont le potentiel est considérable, afin de permettre aux Guyanais de disposer d'une énergie moins coûteuse, comme vous le souhaitez.

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient, pour la réplique.

M. Georges Patient. Madame la ministre, je précise que notre unique distributeur importe déjà du pétrole raffiné du Suriname. Le pétrole de la Guyane provient pour partie du Suriname, avant d'aller en Martinique et de revenir en Guyane, alors que, entre la Guyane et le Suriname, il y a juste un fleuve à traverser !

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