Question de M. MÉDEVIELLE Pierre (Haute-Garonne - UC) publiée le 27/02/2020

M. Pierre Médevielle attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le traitement des listes électorales par l'État en Nouvelle-Calédonie.

La Nouvelle-Calédonie est engagée depuis vingt-deux ans dans le processus de l'accord de Nouméa qui se conclue par trois référendum d'autodétermination dont le premier a eu lieu le 4 novembre 2019, et a donné une majorité claire pour le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France.

Lors de ce premier scrutin, les personnes de statut coutumier et les personnes de droit commun nées en Nouvelle-Calédonie avaient été traitées de la même manière, à savoir inscrites de manière automatique sur les listes électorales. Cette disposition respecte le choix fait par les Calédoniens, depuis 1983 à Ninville-les-Roches, de considérer sur un même plan le « peuple premier » et les « victimes de l'histoire ».

Cependant, pour le deuxième scrutin, cette disposition n'est plus valable et seules les personnes de statut coutumier, c'est-à-dire les kanak, pourront être inscrits automatiquement, les natifs de droit commun devant effectuer des démarches complexes pour s'inscrire.

Lors du comité des signataires du 10 octobre 2019, devant l'opposition de l'ensemble des partis loyalistes, le Gouvernement s'est engagé à faire le nécessaire pour que 100 % des natifs soient inscrits afin qu'il n'y ait pas de différence avec les inscriptions automatiques de kanak.

À la date limite d'inscription du 31 décembre 2019, l'objectif des 100 % était loin d'être atteint. Cette situation est préoccupante car les électeurs sont traités de manière différente selon leur ethnie (puisque 100 % des personnes de statut coutumier sont kanak, et que 98 % des kanak sont de statut coutumier) !

Cette situation a été dénoncée publiquement par les présidents de groupes majoritaires du congrès de la Nouvelle Calédonie, par la présidente de l'Assemblée de la Province Sud et par le président du gouvernement local.

Il lui demande quelles mesures sont envisagées pour lutter contre cette discrimination qui ouvre à un risque de résultat favorable à l'indépendance en raison d'un traitement inéquitable des listes électorales par l'État et à une contestation du résultat.

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Transmise au Ministère des outre-mer


Réponse du Ministère des outre-mer publiée le 17/06/2020

Réponse apportée en séance publique le 16/06/2020

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, auteur de la question n° 1148, transmise à Mme la ministre des outre-mer.

M. Pierre Médevielle. Madame la ministre, ma question porte sur le traitement des listes électorales par l'État en Nouvelle-Calédonie.

La Nouvelle-Calédonie est engagée depuis vingt-deux ans dans le processus de l'accord de Nouméa, qui se conclut par trois référendums d'autodétermination, dont le premier a eu lieu le 4 novembre 2019 et a donné une majorité claire pour le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France.

Lors de ce premier scrutin, les personnes de statut coutumier et les personnes de droit commun nées en Nouvelle-Calédonie avaient été traitées de la même manière, à savoir qu'elles avaient été inscrites de manière automatique sur les listes électorales.

Cependant, pour le deuxième scrutin, cette disposition n'est plus valable et seules les personnes de statut coutumier, c'est-à-dire les Kanaks, pourront être inscrites automatiquement, les natifs de droit commun devant effectuer des démarches complexes et fastidieuses pour s'inscrire.

Lors du comité des signataires du 10 octobre 2019, devant l'opposition de l'ensemble des partis loyalistes, le Gouvernement s'est engagé à faire le nécessaire pour que 100 % des natifs soient inscrits afin qu'il n'y ait pas de différence avec les inscriptions automatiques de Kanaks.

À la date limite d'inscription du 31 décembre 2019, l'objectif des 100 % était loin d'être atteint. Cette situation était dénoncée publiquement par les présidents de groupe majoritaire du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, par la présidente de l'Assemblée de la province Sud et par le président du gouvernement local.

Madame la ministre, j'aimerais connaître les mesures envisagées pour lutter contre cette discrimination, qui ouvre à un risque de résultat favorable à l'indépendance en raison d'un traitement inéquitable des listes électorales par l'État et à une contestation du résultat.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Pierre Médevielle, notre pays, vous l'avez dit, se prépare à organiser le deuxième référendum d'autodétermination en Nouvelle-Calédonie.

Comme vous l'avez rappelé également, il existe une liste électorale spéciale pour ce référendum. Il a été décidé, lors des comités des signataires du 5 juin 2015 et du 2 novembre 2017, de dispenser certaines catégories d'électeurs de toute démarche pour être inscrits sur la liste « spéciale consultation ».

En effet, cette faculté n'a pas été étendue au deuxième référendum. C'est sur proposition du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, et à la quasi-unanimité – 52 voix sur 54 –, qu'a été adoptée la proposition de réserver ce cas très particulier à la seule première consultation.

C'est donc bien pour tenir compte du consensus exprimé localement par cette assemblée que nous avons modifié notre projet initial.

Toutefois, un compromis a bien sûr pu être trouvé pour ce deuxième référendum lors du comité des signataires d'octobre 2019. Un plan d'action a été mis en place en liaison avec le haut-commissaire du territoire : les « natifs + 3 ans », ainsi qu'on les dénomme, non inscrits d'office, ont été identifiés, sensibilisés à la nécessité de s'inscrire avant le 31 décembre 2019 et accompagnés par les services du haut-commissaire.

Ainsi, 1 994 identités ont été identifiées. J'insiste sur le mot « identité » : il ne s'agit pas de personnes, car l'absence de numéro unique d'identification en Nouvelle-Calédonie rend effectivement délicate l'identification des personnes physiques.

Au final, sur 1 053 identités absentes des listes électorales, mais se retrouvant sur des fichiers sociaux – les données sont croisées –, 751 ont finalement été inscrites, soit 71 % d'entre elles.

Par ailleurs, sur 941 autres identités présentes sur les listes électorales de 2017, seules 228 ont retiré le courrier qui leur avait été envoyé. En définitive, 112 personnes se sont donc inscrites.

La différence entre ces deux chiffres correspond à la part des identités non retrouvées, aux personnes qui sont parties, qui ne sont plus inscrites, qui n'ont plus d'activités sur le territoire. Bref, de toute façon, elles n'auraient pas été enregistrées d'office.

Il n'y a donc pas de discrimination avant ce deuxième référendum, et il ne faut pas le laisser penser. Ce n'est pas vrai ! Nous avons mis en place cette organisation en liaison avec le territoire et en suivant les décisions de la Nouvelle-Calédonie.

Il ne faut pas laisser peser un soupçon d'insécurité et d'insincérité sur ce prochain référendum. Avec le Premier ministre, nous sommes très engagés sur cette question. Nous devons absolument garantir cette sincérité, et je m'y applique totalement.

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.

M. Pierre Médevielle. Madame la ministre, je vous entends, mais les faits sont là : la discrimination existe déjà au regard de la consonance des noms. Vous le savez, actuellement, tout est sujet à tension : par exemple, l'utilisation du drapeau français ou du drapeau kanak sur les documents officiels, de même que les dates font l'objet de polémiques.

S'agissant de l'inscription des loyalistes sur les listes, le compte n'y est pas et il existe un risque de contestation du résultat.

Un traitement réellement égalitaire serait à même d'apaiser les tensions qui pourront survenir lors de ce deuxième scrutin.

Je l'ai dit, c'est une réalité : les démarches sont longues et fastidieuses, alors que l'inscription se fait automatiquement pour les personnes de statut coutumier. C'est une discrimination en soi ! Pourquoi serait-ce plus facile pour les uns et moins facile pour d'autres ?

Vous le voyez bien, il y a des manques sur les listes et j'espère que cela n'aura pas d'incidence sur le résultat du scrutin.

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