Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 06/02/2020

M. Fabien Gay attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les conséquences de la surpêche sur la vie marine et particulièrement sur les espèces protégées.
Ces conséquences interviennent à plusieurs niveaux : en vidant l'océan de ses ressources et en consommant plus qu'il n'est soutenable, c'est toute la survie de la planète qui est mise en jeu. La mise en danger des écosystèmes marins a des conséquences sur leur capacité à produire de l'oxygène et absorber du dioxyde de carbone. Or, les océans sont les premiers puits de carbone. Ce modèle économique de surpêche n'est donc pas viable.
Par ailleurs, les techniques de pêche de masse, notamment à l'aide de filets, pratiquées par les chalutiers, entraînent la mort par asphyxie, extrêmement douloureuse, des mammifères marins et notamment de nombreuses espèces protégées, qui se prennent dans les filets, la pêche intervenant, logiquement, sur leur territoire de chasse.
L'exemple du dauphin est particulièrement révélateur en France, puisque les dauphins sont très présents non seulement en Méditerranée mais également dans le golfe de Gascogne. Selon l'observatoire Pelagis, environ six mille dauphins seraient tués de la sorte chaque année, menaçant davantage encore l'espèce.
Il n'existe aujourd'hui que très peu de contrôles et la législation est, au mieux, lacunaire.
Il souhaite donc savoir si le Gouvernement envisage de mettre en œuvre une meilleure protection non seulement de la vie marine en général, garante de la survie de la planète, mais également plus particulièrement des espèces protégées, en termes législatifs et en termes de contrôles et de sanctions.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 18/06/2020

La lutte contre la surpêche est un enjeu majeur au niveau mondial, promu et mis en œuvre par des organisations internationales et de nombreux États, dont la France, depuis plusieurs décennies. Cet enjeu est déterminant non seulement pour la préservation biologique des espèces, mais aussi pour la durabilité des secteurs économiques qui dépendent directement de la mer. Pour atteindre ces objectifs, les ressources halieutiques pêchées par les navires battant pavillon français et européen font l'objet d'une gestion rigoureuse qui mobilise non seulement les services de l'État et ceux de l'Union européenne (UE), mais également les organisations professionnelles de pêcheurs, les organismes scientifiques et les organisations non gouvernementales. Cette gestion se fonde notamment sur le principe du rendement maximal durable (RMD) qui vise à maximiser les captures à long terme tout en assurant le renouvellement des stocks. Du fait du cadre normatif strict imposé par la politique commune de la pêche (PCP), la pêche ne saurait être considérée comme la principale cause de la situation dégradée de certains stocks halieutiques, qui résulte bien davantage des pollutions d'origine diverse, de l'aménagement des zones côtières, du réchauffement climatique ou encore de l'acidification des océans. La PCP constitue au contraire un cadre réglementaire qui permet la mise en œuvre d'une pêche durable dans les eaux de l'UE ainsi que dans les eaux extérieures à l'UE où pêchent des navires européens. Ces standards sont parmi les plus élevés au plan international. Ainsi, chaque année, le conseil des ministres de l'UE chargés de la pêche fixe les totaux admissibles de capture (TAC) et les quotas entre les États membres. Ces limites de prélèvement des stocks de poissons sont fondées sur des avis scientifiques (notamment ceux du conseil international pour l'exploration de la mer et du comité scientifique, technique et économique de la pêche) afin d'assurer la durabilité environnementale, économique et sociale des pêcheries. Un tel système de gestion des pêches a été mis en place afin d'éviter l'épuisement de la ressource et la faillite de la filière économique de la pêche. La diminution générale de la pression de pêche, par la pratique de captures sélectives et de l'exploitation au RMD, a ainsi permis une forte augmentation de la biomasse dans l'Atlantique Nord-Est, qui s'est accrue de 40 % depuis 2010 selon le rapport du conseil scientifique, technique et économique des pêches de 2018. Ces chiffres encourageants reflètent bien entendu une situation moyenne, et des efforts restent à fournir dans certaines zones ou pour certaines espèces, notamment le cabillaud. Le non-respect des standards de réglementation et de déclarations des captures auxquelles sont assujettis les navires constituant une menace pour la durabilité des ressources halieutiques, l'application de ce cadre réglementaire est soumise à un strict contrôle de la part des autorités maritimes. Les navires ayant commis des activités de pêche illégale, non documentée et non réglementée (dite pêche INN), qui contribue significativement au phénomène de la surpêche, sont inscrits sur des « listes de navires INN » et font ensuite l'objet de mesures de sanction, l'accès aux ports pouvant leur être refusé. Concernant plus particulièrement les espèces protégées et les écosystèmes marins, à ce jour, plus de 22 % des eaux françaises sont couvertes par au moins une catégorie d'aire marine protégée selon l'office français de la biodiversité qui met en œuvre leur politique de création et de gestion. Les objectifs de développement durable, de protection de la biodiversité et de conciliation des usages y sont respectés. Les professionnels de la pêche sont impliqués dans la gouvernance de ces zones protégées pour y limiter l'impact de leur activité tant sur les habitats que sur les espèces d'intérêt communautaire. Face aux interactions entre les navires de pêche et les mammifères marins et face aux forts échouages hivernaux, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, conjointement avec le ministère de la transition écologique et solidaire, est pleinement mobilisé à travers le groupe de travail national dédié à cette problématique, créé en avril 2017. Cette enceinte a pour objectifs d'améliorer les connaissances sur les interactions entre la pêche et les mammifères marins, de sensibiliser les professionnels de la pêche et de définir collectivement des mesures pour limiter ces interactions. Pour prévenir les captures de mammifères marins, les navires de la flottille de chalut pélagique du golfe de Gascogne, depuis le 1er décembre 2018, sont tous équipés de dissuasifs acoustiques (« ?pingers? ») visant à limiter l'entrée des cétacés dans les chaluts. Les premières expérimentations menées dans le cadre du projet « ?PIC? », porté par l'organisation de producteurs « ?Les Pêcheurs de Bretagne? », indiquent en effet une diminution de 65 % des captures accidentelles avec ce dispositif, sans diminuer les captures des espèces économiques ciblées. Tous les professionnels de la pêche ont en outre pour obligation de déclarer les captures accidentelles de mammifères marins depuis le 1er janvier 2019 (arrêté du 6 septembre 2018). Un guide d'accompagnement a été distribué aux pêcheurs pour identifier les espèces de mammifères marins et les déclarer. À l'échelle européenne, une approche concertée entre États membres est par ailleurs indispensable pour mettre en place des mesures efficaces et équitables. La France a ainsi élaboré dans le cadre du processus de régionalisation un projet de recommandation conjointe pour porter deux mesures réglementaires nationales et deux mesures de connaissance scientifique au niveau européen. Tous les États membres présents dans le golfe de Gascogne devront appliquer ces mesures. Enfin, la France est engagée dans différentes démarches de réflexion et de négociation internationales afin d'établir des objectifs communs pour une meilleure protection de la vie marine. La France est ainsi partie prenante aux négociations sur la création d'un instrument international juridiquement contraignant portant sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (résolution 72/259 de l'AGNU). Cet instrument permettrait d'établir un socle normatif contraignant dans les zones de haute mer.

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