Question de M. GREMILLET Daniel (Vosges - Les Républicains) publiée le 27/02/2020

M. Daniel Gremillet interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les conséquences des mesures de protection des riverains lors de l'utilisation des produits phytosanitaires en termes de risques de neutralisation des terres agricoles cultivées ainsi que sur l'organisation de la concertation des chartes locales.

L'article 83 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous subordonne, à compter du 1er janvier 2020, l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d'habitation à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux. L'ensemble des mesures doit être formalisé par les utilisateurs dans une charte d'engagements arrêtée au niveau départemental.

Le Conseil d'État, dans son arrêté du 26 juin 2019, a partiellement annulé l'arrêté du 4 mai 2017 notamment pour absence de dispositions relatives à la protection des riverains. Et demandé au Gouvernement d'adopter les dispositions nécessaires. Elles sont dorénavant traduites dans le décret du 27 décembre 2019 et dans l'arrêté du 27 décembre 2019, modifiant celui du 4 mai 2017, et reprenant les recommandations de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), exprimées dans son avis du 14 juin 2019. Il est à noter que les distances de sécurité définies par l'ANSES dans les autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques prévalent sur les distances de sécurité fixées administrativement par décret.

S'agissant de la concertation des chartes locales, elles doivent être élaborées dans un délai compatible avec les premiers traitements de 2020. Il est également indiqué que les chartes préexistantes « peuvent être conservées » dès lors qu'elles contiennent « les mesures minimales de protection conformes à la réglementation ». Elles devraient avoir pour éventuelle conséquence de « réduire les distances de sécurité ». En effet, à l'heure actuelle, seul l'usage « des matériels et équipements homologués par le ministère de l'agriculture pour leur efficacité à réduire la dérive des pulvérisations » peuvent permettre de réduire les distances de sécurité. Dans le cadre de la concertation, pourra être étudié « l'usage des barrières physiques telles que haies ou filets ». Doté d'un budget de 25 millions d'euros, un appel à projets sera lancé au printemps 2020 pour les filières viticulture, arboriculture et maraîchage afin de soutenir les investissements dans des matériels plus performants.

Le décret précise que « les maires des communes concernées ainsi que l'association des maires du département doivent être associés à la concertation ».

Au demeurant, plusieurs questions restent en suspens. Ainsi, les maires du monde rural pourraient, à l'occasion de la délivrance des permis de construire, se retrouver dans des situations ingérables face à leurs administrés et face aux agriculteurs présents sur le ban communal. Ils pourraient, à leur insu, être exposés alors même qu'ils ne pourront pas avoir connaissance des produits utilisés pour le traitement. En fonction de la pression foncière des territoires, une moins-value pourrait être constatée selon que les terres seront situées partiellement ou en totalité dans les zones de non traitement (ZNT). Y compris lors des négociations des fermages, le risque existe de tendre les relations entre propriétaires et fermiers. Dans la mesure où la distance à respecter sera calculée depuis les limites de propriété et non depuis la maison d'habitation, il pourrait se créer une iniquité entre les propriétaires. Enfin, les terrains à bâtir ne seront-ils pas, à tort, soit dépréciés, soit réévalués. Il remercie le Gouvernement de bien vouloir lui apporter une réponse à ces différentes questions.

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Transmise au Ministère de l'agriculture et de l'alimentation


Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 06/08/2020

L'arrêté du 4 mai 2017 modifié impose le respect de distances réglementaires de sécurité lors de la réalisation de traitements phytopharmaceutiques à proximité des bâtiments habités, lorsque les produits utilisés ne comportent pas de telles distances de sécurité dans leur autorisation de mise sur le marché (AMM). Les produits phytopharmaceutiques de biocontrôle, les produits utilisables en agriculture biologique, dont les produits à base de cuivre, les produits à faible risque ainsi que les substances de base sont exemptés de ces distances réglementaires. Ainsi, les zones adjacentes aux habitations peuvent continuer à être entretenues et cultivées, par des moyens non chimiques ou en recourant aux produits exemptés de distances de sécurité. Les distances réglementaires de sécurité peuvent être adaptées selon les modalités prévues par l'arrêté du 4 mai 2017 modifié, lorsque le traitement est réalisé conformément à une charte d'engagements départementale approuvée. Afin de laisser le temps nécessaire à l'élaboration des chartes, la circulaire du 3 février 2020 (circulaire du 3 février 2020 sur le renforcement de la protection des riverains susceptibles d'être exposés aux produits phytopharmaceutiques) a donné la possibilité aux utilisateurs engagés dans un projet de charte soumis à concertation du public, d'adapter jusqu'au 30 juin les distances de sécurité dans les conditions définies à l'annexe 4 de l'arrêté du 4 mai 2017 modifié. De plus, une flexibilité temporaire a été octroyée en raison du confinement liée à la pandémie SARS-CoV-2 : du 30 mars au 11 mai 2020, la possibilité a été donnée aux utilisateurs engagés dans un projet de charte, dans l'attente de pouvoir mener la concertation publique, d'appliquer les réductions de distance selon les mêmes modalités. Depuis le 1er juillet 2020, l'engagement de l'utilisateur dans une charte approuvée et la mise en œuvre des modalités qu'elle prévoit sont nécessaires pour adapter les distances réglementaires de sécurité. En absence de charte approuvée ou lorsque les modalités prévues par la charte ne peuvent être déployées, les distances de sécurité de l'arrêté du 4 mai 2017 modifié s'appliquent sans adaptation possible. Les distances de sécurité fixées par l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail dans les AMM, quel que soit le produit concerné, doivent être respectées sans exemption ni adaptation possible. Des mesures spécifiques d'accompagnement des agriculteurs sont prévues. Un appel à projet « Investissements et réduction d'intrants » doté de 30 millions d'euros a été lancé par FranceAgriMer le 29 juillet 2020. Il permettra de faciliter les investissements pour l'acquisition de matériels permettant de réduire significativement la dérive de pulvérisation ou la dose de pulvérisation de produits phytopharmaceutiques, et d'acquérir certains matériels de substitution à l'usage de ces produits. De plus, les acteurs de la recherche et de l'innovation sont mobilisés pour développer d'autres moyens de protection, tels que les filets ou les haies, en vue d'en mesurer l'efficacité et définir les conditions dans lesquels ils pourraient également contribuer à sécuriser les applications de produits phytopharmaceutiques à proximité des bâtiments habités.

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