Question de M. MORISSET Jean-Marie (Deux-Sèvres - Les Républicains) publiée le 05/03/2020

M. Jean-Marie Morisset attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur au sujet de l'établissement d'un numéro d'appel d'urgence unique et gratuit. En France, la multiplicité des numéros d'appels d'urgence (le 15, le 17, le 18, le 112 et le 115…) est une source de confusion. Or, contrairement à d'autres États membres de l'Union européenne, le 112, adopté en 1991 au niveau européen et qui permet d'offrir une réponse lisible, rapide et efficace aux situations de détresse rencontrées par la population, n'est pas mis en avant auprès du grand public en France. Par ailleurs, les performances du 15 sont loin d'atteindre les minimas exigés pour la réponse aux situations d'urgence immédiate (délais de décroché et accès à un médecin notamment) et par conséquent, le nombre d'appels reçus au 18 augmentent alors qu'ils ne relèvent pas toujours d'une situation de secours d'urgence mais plutôt d'une demande d'assistance ou de soins non programmés. De même, les centres opérationnels des acteurs de l'urgence demeurent disjoints, dans 80 % des départements français, ce qui rend la coordination des services inefficace. Le constat est clair : une nouvelle articulation des numéros d'appels d'urgence, à la fois lisible, réaliste et efficiente, doit être mise en place. La ministre de la santé avait confié une mission nationale à un député et au président du conseil national de l'urgence hospitalière (CNUH) qui préconisent, dans le pacte de refondation des urgences, d'introduire un nouveau numéro d'appel d'urgence, le 113. Cette préconisation ne satisfait pas les acteurs opérationnels de l'urgence car elle vient rajouter de la confusion à la confusion. Les sapeurs-pompiers, l'assemblée des départements de France et les syndicats de médecins généralistes, demandent de distinguer, d'une part, l'ensemble des situations d'urgence appelant l'intervention immédiate d'une réponse opérationnelle avec le 112 et d'autre part, les demandes de soins non programmés qui doivent trouver une réponse avec le 116 117, le numéro européen d'assistance médicale. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer la suite que le Gouvernement entendra réserver à la demande des acteurs de l'urgence.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 17/09/2020

En raison du nombre élevé de numéros d'urgence sur le territoire national, les acteurs de l'urgence sont confrontés à des problématiques fortes aux niveaux opérationnels (maillage du territoire, continuum zones urbaines / rurales), de la gouvernance, technologiques (prise en charge des nouveaux moyens de communication) et financières (recherches d'économies). Pour y faire face, le Président de la République a affirmé la nécessité de moderniser le système actuel de gestion des appels d'urgence lors de son discours du 6 octobre 2017. Afin de donner un service plus lisible, plus simple et plus efficace pour le citoyen, la création de plateformes communes de gestion des appels d'urgence apparaît comme une réponse appropriée et nous permettrait d'être en phase avec les standards européens et internationaux. La directive européenne 2018/1972 refondant le code européen des communications électroniques réaffirme le rôle central du 112 comme numéro commun européen pour joindre les services d'urgence. Sa transposition en cours permettra de donner une visibilité accrue au 112, qui s'il est mis en œuvre sur l'ensemble du territoire, est renvoyé actuellement vers les services départementaux d'incendie et de secours dans 80 % des cas (plateformes communes comprises) et dans 20 % au sein des services d'aide médicale urgente. À la demande du cabinet du Premier ministre, des travaux ont été engagés par la mission interministérielle de modernisation des appels d'urgence pilotée par deux personnalités qualifiées désignées par le ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l'intérieur. La vocation du programme MARCUS (modernisation de l'accessibilité et de la réception des communications d'urgence pour la sécurité, la santé et les secours) initiée au mois de juillet 2019 est d'apporter une réponse à la décision présidentielle supra. Avant de recourir au 112 comme numéro unique d'appel d'urgence, il convient de réaliser, au préalable, un inventaire précis des questions organisationnelles, opérationnelles, techniques et juridiques que pose cette mise en commun. L'unification des plates-formes de réception des appels d'urgence constitue en effet un enjeu structurant, qui sous-tend un examen des évolutions techniques nécessaires, des interrogations concernant l'organisation future de l'ensemble des services de secours, des problématiques de partage de responsabilité et des questionnements relatifs à la rencontre de cultures professionnelles différentes. L'équipe intégrée MARCUS, associant l'ensemble des acteurs concernés, a procédé à l'étude de ces questions nécessitant aujourd'hui d'être confirmée par une phase d'expérimentation. Indépendamment du modus operandi restant à arbitrer par le Gouvernement, des dénominateurs communs pour répondre à l'amélioration du traitement des communications d'urgence ont été recommandés. Ainsi, les travaux MARCUS ont objectivé la nécessité d'instaurer un premier niveau de décroché des appels afin de répondre à l'impératif d'accessibilité de la population dans des délais compatibles avec l'urgence. Les objectifs opérationnels sont d'assurer un décroché de l'appel conforme aux objectifs de performance, un filtrage et une orientation priorisée vers un deuxième niveau constitué des forces de sécurité ou de secours dans un délai moyen de traitement de 30 secondes pour les appels justifiant d'une instruction. Le traitement bi-niveau est un facteur d'amélioration de la performance. Il prouve particulièrement son efficacité dans les situations nécessitant le traitement de gros volumes d'appels. Il est cependant nécessaire de souligner que la performance d'un tel dispositif est conditionnée par la fluidité du premier niveau qu'il convient de piloter à l'échelle supra-départementale. Ce modèle est respectueux des plateformes actuelles 15-18 ainsi que des reconcentrations en projet. Pour être précisé, il devrait faire l'objet d'une expérimentation en raison des profonds impacts qu'il suppose en termes de gouvernance, de territorialité, de doctrine, de processus métiers, de systèmes d'information, etc., qui concerneront tous les services concourant à la gestion des appels d'urgence et leurs interlocuteurs (citoyens, élus, représentants de l'État, etc.). En conséquence, il est désormais souhaitable que des expérimentations soient menées sur un ou deux territoires. Elles permettront de préciser le modèle d'organisation qui sera définitivement retenu grâce à une confrontation aux réalités opérationnelles. Cette phase expérimentale permettra de mesurer les améliorations et les gains observés aussi bien en termes de qualité de service, de réponse à l'urgence que de coordination inter-services métiers, particulièrement avec la santé. Le découpage territorial de la réception des appels est un point de vigilance particulier de l'expérimentation, afin qu'elle s'adapte aux contingences du terrain. En conclusion, à l'issue d'un arbitrage interministériel, qui était initialement attendu juste avant la crise du covid-19, le modèle opérationnel d'une gestion commune des appels d'urgence s'orientant vers un 112 unique doit être confirmé et précisé dans sa mise en oeuvre par la voie de l'expérimentation. Cette décision permettra de mobiliser les différents acteurs de l'urgence au travers d'une organisation de tous les maillons qui soit la plus efficiente possible dans l'intérêt du citoyen. Cette organisation n'est bien sûr pas exclusive d'un numéro pour l'accès aux soins non urgents (SAS), comme le 116 117 testé sur quelques territoires actuellement.

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