Question de M. SAVOLDELLI Pascal (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 30/04/2020

Question posée en séance publique le 29/04/2020

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le Premier ministre, une question mérite d'être posée : si personne – ni le Président de la République, ni votre gouvernement, ni le Parlement, ni les élus locaux, ni les Françaises et les Français – ne souhaite vivre une deuxième vague d'épidémie et en porter la responsabilité, pour autant, l'état d'urgence sanitaire peut-il justifier un confinement de la démocratie ?

Dès le 20 mars, nous avons exprimé nos plus vives réserves sur le transfert massif des prérogatives du Parlement à l'exécutif. Notre inquiétude était malheureusement fondée : depuis cette date, le Parlement est réduit au rôle de figurant. De visioconférence en visioconférence, notre pouvoir de contrôle est mis en scène pour tenter de masquer la réalité : le Président a décidé, le Parlement est écarté du débat.

Des ordonnances sont prises, en lieu et place de multiples lois ; elles sont immédiatement adoptées. Quand nous questionnons, quand nous proposons, c'est : « Cause toujours ! » Précisions que, par « nous », je n'entends pas exclusivement mon groupe !

Emmanuel Macron, bien seul – c'est lui qui a fait ce choix –, a décidé d'un processus de sortie du confinement le 11 mai, « quoi qu'il en coûte ». En revanche, il n'a pas décidé, seul, de prendre des mesures d'ampleur pour produire les masques, les tests et les médicaments nécessaires ni d'assurer le suivi de telles mesures.

Mon groupe et moi-même vous demandons, monsieur le Premier ministre, de rendre le pouvoir au Parlement.

L'épisode d'hier à l'Assemblée nationale n'est pas acceptable. La mission de la représentation nationale n'est pas seulement de formuler un accord ou un désaccord avec le Gouvernement, sauf à poser la question de confiance. Alors, confiance ou défiance ? Pour la prise en compte de propositions exprimées ici, sur toutes nos travées, y a-t-il confiance ou défiance ?

Monsieur le Premier ministre, nous vous demandons de considérer la démocratie comme une ordonnance à respecter, face à l'épidémie et jusqu'à la fin de celle-ci : il faut accepter que le débat se tienne avant que les décisions soient prises. Vous ne pouvez pas ainsi proroger vos pleins pouvoirs jusqu'à la fin du mois de juillet.

C'est avec la démocratie et grâce à elle que nous gagnerons, tous ensemble, la bataille contre le Covid-19.


Réponse du Premier ministre publiée le 30/04/2020

Réponse apportée en séance publique le 29/04/2020

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. (M. le Premier ministre pousse un long soupir.) Monsieur le sénateur, selon vous, nous aurions renoncé à la démocratie. Le Gouvernement ne serait pas présent quand les parlementaires lui posent des questions ; il ne répondrait pas présent lorsque les commissions permanentes de l'Assemblée nationale ou du Sénat lui demandent de venir leur expliquer ceci ou cela, de travailler et d'exposer des hypothèses qui, parfois, ne sont pas retenues. Le Premier ministre et les membres du Gouvernement ne répondraient pas aux demandes des missions d'information constituées dans telle ou telle assemblée.

Mme Éliane Assassi. Ce n'est pas ce que nous disons !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. La vérité, monsieur le sénateur, c'est que, depuis le début de cette crise sanitaire, le Gouvernement a répondu à toutes les demandes formulées par le Sénat et l'Assemblée nationale.

M. François Patriat. C'est vrai !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous transmettons toutes les mesures prises dans le cadre de l'application de l'état d'urgence sanitaire, y compris celles qui ne relèvent nullement du domaine législatif, aux deux assemblées, de sorte – c'est bien naturel – que l'information soit complète ; M. le président du Sénat le répète souvent et je tiens à l'en remercier.

L'instauration de l'état d'urgence sanitaire n'est pas le fait du Gouvernement : elle résulte d'une loi, qui a été débattue et approuvée par le Parlement. Vous aviez parfaitement le droit, monsieur le sénateur, de voter contre – c'est très respectable –, mais votre vote particulier ne commande pas celui des deux assemblées, celui de l'ensemble de la représentation nationale.

Or l'Assemblée nationale comme le Sénat ont considéré que cet état d'urgence était nécessaire : ils en ont débattu et ont d'ailleurs ajouté un certain nombre de dispositions au texte du Gouvernement.

Je trouve d'ailleurs que c'est un peu curieux pour un sénateur – je me permets de vous le dire très franchement – d'avoir formulé de la sorte la question que vous venez de me poser : le projet de loi qui instaurait l'état d'urgence sanitaire a été très largement débattu dans cet hémicycle, très largement corrigé, amélioré – je veux bien employer tous les mots que vous voudrez ! Il l'a été, justement, afin de limiter au plus près les compétences du Gouvernement pendant cette période. Vous vous en souvenez parfaitement : il s'agissait non pas de lui offrir une habilitation générale, mais d'énumérer précisément l'ensemble des compétences dont le Parlement acceptait que le Gouvernement fasse usage.

Monsieur le sénateur, de deux choses l'une : soit ce que vous faites ne sert à rien, soit cela sert à quelque chose. Or ce que vous faites sert ! (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

M. Pascal Savoldelli. Franchement, cela est suffisant !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Mais je vous réponds, monsieur le sénateur !

L'état d'urgence sanitaire a été amélioré grâce au travail du Parlement. Ensuite, c'est nous qui appliquons la loi : je trouve cela parfaitement naturel.

Cela dit, nous viendrons devant le Parlement discuter des mesures nécessaires au déconfinement et de la prolongation éventuelle de l'état d'urgence sanitaire ; il s'agira de vérifier sous quelles conditions il devrait l'être et avec quel type de contrôle.

Nous ne vivons pas des temps normaux, monsieur le sénateur. Si l'on pense que l'arsenal juridique préexistant aurait permis de régler la question de l'état d'urgence sanitaire, il faut le dire. Cependant, je constate que le Parlement et le Gouvernement ont fait un choix différent. Pour ma part, en tant que Premier ministre, je respecte la loi, tout ce que dit le Parlement. Vous ne pouvez pas nous demander d'aller au-delà. Nous respectons la loi et nous respectons scrupuleusement la Constitution.

Quand je me suis exprimé hier devant l'Assemblée nationale, j'ai fait usage des dispositions de l'article 50-1 de la Constitution. J'aurais parfaitement pu – je ne dis pas que cela aurait été mieux, je pense au contraire que cela aurait été pire – faire cette déclaration sous la forme d'une conférence de presse à la télévision : j'aurais mis des cartes et des chiffres derrière moi, cela aurait peut-être été plus clair pour les Français.

J'ai choisi de m'exprimer à l'Assemblée nationale, parce que celle-ci, comme le Sénat, bien entendu, est le lieu où l'on débat des sujets d'intérêt national, le lieu où l'on peut prendre une position. Je l'ai déjà indiqué hier, monsieur le sénateur : les parlementaires ne sont pas des commentateurs de l'action publique ; ils prennent une position politique. Ils sont pour – c'est respectable ; ils sont contre – c'est respectable aussi ; ils s'abstiennent – c'est tout aussi respectable. En tout cas, ils ne commentent pas : ils votent ! C'est une mesure de respect à l'égard de l'Assemblée nationale et du Parlement tout entier : je l'assume, je la défends ; pour vous le dire franchement, monsieur le sénateur, je suis même certain que nous pourrions nous retrouver sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

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