Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 14/05/2020

M. Fabien Gay attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le nouvel accord de libre-échange conclu entre le Mexique et l'Union européenne.
Si ces relations commerciales poursuivent des liens déjà établis dans un accord pré-existant, l'ajout de nouvelles dispositions soulève néanmoins de nombreuses problématiques d'ordres sanitaire, agricole, politique et environnementales.
L'abaissement des droits de douane sur les importations de viande bovine est un premier facteur d'inquiétude ; les divergences de normes sanitaires entre les productions européennes et mexicaines posent de sérieuses questions de sécurité alimentaire des consommateurs. Sont notamment en cause l'utilisation de farines animales, et d'activateurs de croissance interdits en Europe, ainsi qu'une faible traçabilité des animaux.
À ces risques sanitaires s'ajoute le constat d'une situation économique défavorable aux agriculteurs français, que le contexte actuel de pandémie mondiale a contraints à vendre leurs animaux à un prix inférieur au coût de production. Alors qu'il apparaît nécessaire de penser une sortie de crise favorable à la production agricole européenne, l'annonce de l'importation de 20 000 tonnes de viande bovine mexicaine semble au contraire présager un accroissement de la compétition qui contrevient à cet objectif.
En plus de compromettre la nécessaire relance de l'économie agricole européenne, cet accord entre en contradiction directe avec le caractère impératif d'œuvrer à une transition écologique qui, pour être effective, ne saurait exclure les politiques commerciales. Loin de répondre à cette nécessité, l'accord conclu promet une libéralisation des matières premières, de l'énergie et de l'agriculture, présageant ainsi une intensification des productions dont les conséquences sur la biodiversité sont alarmantes. Le Mexique, engagé dans de nombreux contrats de libre-échange, fait ainsi face à une pollution des sols et des eaux que l'accord récemment signé avec l'Union européenne promet d'aggraver. Ce dernier pose également des questions de cohérence puisqu'il permettra aux transnationales européennes d'y externaliser les conséquences négatives de leur activité, celles-ci étant limitées en Europe du fait de standards écologiques plus élevés. Plus encore, et en dépit d'un engagement des deux parties à promouvoir le développement durable, l'accord est exempt de toute contrainte à caractère obligatoire relative à l'environnement.
Cette absence est d'autant plus inquiétante alors qu'un chapitre sur la protection des investissements prévoit la mise en place de tribunaux d'arbitrage dont l'existence pourra permettre à des entreprises transnationales de contester les normes établies par certaines collectivités s'il leur apparaît que celles-ci limitent leurs activités de production. De telles dispositions font redouter que certaines garanties environnementales, sanitaires ou sociales puissent être apparentées à ce type de limitations et doivent ainsi être revues à la baisse ou supprimées.
Il souhaite donc savoir quelles mesures seront mises en place afin de garantir la sécurité alimentaire des consommateurs et quelles garanties seront apportées aux agriculteurs afin que ces importations ne compromettent pas la revitalisation de l'économie agricole française. Il demande également si des modalités seront prévues afin de limiter l'impact écologique et social des entreprises françaises au Mexique.

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Transmise au Ministère de l'agriculture et de l'alimentation


Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 06/08/2020

L'ouverture de marchés dans les pays tiers offre des débouchés supplémentaires aux filières et constitue un relais de croissance important. La France est donc favorable à la conclusion d'accords commerciaux, pour autant que les accords signés soient équilibrés, respectent les filières sensibles et contribuent à la cohérence des politiques de l'Union européenne (UE). La conclusion des négociations visant à moderniser l'accord de libre-échange liant l'UE et le Mexique depuis 1997 offre ainsi des opportunités aux producteurs et exportateurs français de fromages, poudre de lait, produits à base de porc, viande de volaille, pommes, préparations alimentaires. Elle assure la protection de 75 indications géographiques françaises en plus des 55 spiritueux déjà protégés par l'accord antérieur. Pour ce qui concerne le volet sanitaire de cet accord, le principe selon lequel tout produit qui entre dans l'UE doit respecter les règles du marché intérieur, en particulier les normes sanitaires et phytosanitaires, est non-négociable. L'ensemble des importations de viande mexicaine doit respecter les préférences collectives européennes pour entrer sur le marché européen : les viandes issues d'animaux traités avec des hormones de croissance ou toute autre substance anabolisante non autorisée dans l'UE comme facteur de croissance sont strictement interdites. En outre, ces importations devront également être conformes aux dispositions pertinentes du règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires, qui entérine l'interdiction d'importation de tous les types de viandes issues d'animaux ayant reçu des antibiotiques comme activateurs de croissance ou des antibiotiques critiques, et ce dès son entrée en application en janvier 2022. Cette règle s'appliquera également au Mexique. De même, les farines de viande et d'os de ruminants, quelle que soit leur origine, sont strictement interdites pour le bétail dans l'UE. La protection et l'information des consommateurs sont par ailleurs renforcées par la mention obligatoire de l'origine des viandes bovines dans l'UE, qu'il s'agisse de la viande fraîche ou dans les produits transformés. Le Gouvernement a bien identifié que les préoccupations exprimées, à la fois par les éleveurs et les consommateurs, ne portent pas seulement sur la qualité sanitaire des importations, mais également sur l'équivalence des modes de production pour assurer une concurrence équitable. C'est prioritairement au niveau européen que les standards de production applicables aux produits issus de pays tiers doivent être fixés. La France est à l'initiative de l'introduction dans la réglementation sanitaire de l'UE d'éléments de réciprocité envers les produits issus de pays tiers, comme en témoigne le règlement sur les médicaments vétérinaires. Le Gouvernement porte auprès de la Commission européenne l'objectif d'une meilleure cohérence entre la politique commerciale et la politique agricole de l'UE, conformément aux engagements de l'axe 3 de son plan d'action relatif à l'accord économique et commercial global. Le Gouvernement français a ainsi présenté début mai à l'UE, conjointement avec le Gouvernement des Pays-Bas, un document de position sur le commerce et le développement durable, qui prévoit notamment de renforcer le chapitre développement durable des accords commerciaux conclus par l'UE, de conditionner les préférences tarifaires octroyées dans ces accords au respect de standards environnementaux et sociaux, et de porter à l'organisation mondiale du commerce la question du développement durable, du climat et de la biodiversité. Le Gouvernement porte également cet objectif de cohérence dans la réforme de la politique agricole commune (PAC), en affirmant que la nouvelle PAC doit accompagner le projet européen au service d'une agriculture répondant à des standards exigeants et ne peut se concevoir sans une régulation sociale, environnementale et sanitaire des échanges avec les autres pays. C'est une priorité stratégique pour la France.

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