Question de M. JACQUIN Olivier (Meurthe-et-Moselle - SOCR) publiée le 28/05/2020

M. Olivier Jacquin interroge M. le ministre de l'économie et des finances au sujet des sanctions appliquées à la suite d'un manquement involontaire aux dispositions de déclaration à la cellule de traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins (Tracfin).
Il rappelle que lorsqu'un organisme n'a involontairement pas respecté les dispositions de déclaration à Tracfin par absence d'information, il est soumis au même régime de sanction que s'il avait agi délibérément. Il prend pour exemple le réseau des pépinières d'entreprises de Meurthe-et-Moselle, qui ne se savait pas être concerné par certaines dispositions législatives anti-blanchiment. L'une de ses pépinières s'est vue sanctionnée lors d'un contrôle. Il lui est reproché d'avoir manqué aux obligations des articles L. 561-5 ; R. 561-5 à R. 561-11 ; L. 561-6 ; R. 61-12 ; L. 561-8 et L. 561-33 du code monétaire et financier. Pour autant, dans ce cas précis, le manquement aux dispositions de Tracfin n'avait entraîné aucun préjudice ni enrichissement personnel.
Il lui demande de préciser le sens de la « législation Tracfin » et de son contrôle, lorsque des organismes de bonne foi sont involontairement en état d'infraction et si des aménagements pourraient être proposés dans les sanctions rendues par la commission nationale des sanctions.

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Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de la relance


Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 18/02/2021

Conformément à l'article L. 561-2, les réseaux des pépinières d'entreprises sont assujettis aux obligations prévues par les articles L. 561-4-1, ainsi que par l'article L. 561-15 du code monétaire et financier (CMF). En ce sens, ils leur appartient d'appliquer les mesures de vigilance destinées à mettre en œuvre des dispositifs d'identification et d'évaluation des risques de blanchiment de capitaux et financement du terrorisme. Ils sont également tenus de déclarer à TRACFIN les sommes inscrites dans leurs livres, ou les opérations portant sur des sommes dont ils savent, soupçonnent, ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an, ou sont liées au financement du terrorisme. La déclaration de soupçon doit être faite au service de manière spontanée, sans quoi ils doivent s'abstenir d'effectuer toute opération. Quand bien même l'opération a déjà été réalisée, pour des raisons prévues par l'article L. 561-16 du CMF, ils doivent en informer sans délai TRACFIN. Il s'agit alors de faire une déclaration de soupçon a posteriori. Aux termes de l'article L. 561-22 du CMF, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 ne peuvent être poursuivies pénalement, ou peuvent être exonérées de responsabilité civile et professionnelle dans certains cas précis. Cependant, ces cas d'exonération n'ont vocation à s'appliquer que si le professionnel assujetti a mis en œuvre ses obligations de vigilance et respecté ses obligations de déclaration. Pour bénéficier du fait justificatif prévu au IV de l'article L. 561-22 CMF, et ainsi poursuivre une relation d'affaire, ou exécuter une opération qui aurait dû faire l'objet d'une déclaration de soupçon, il convient alors de distinguer deux situations,  selon que l'opération a été réalisée après ou avant la transmission d'une déclaration de soupçon sur la base de l'article L. 561-15 : si l'opération ne s'est pas encore réalisée, elle peut être poursuivie si TRACFIN n'a pas notifié son opposition au professionnel chargé de l'opération ; si l'opération a été réalisée, la responsabilité du professionnel sera écartée si et seulement si les conditions suivantes sont réunies : l'opération a été poursuivie pour une des raisons suivantes : il était impossible d'y surseoir ; son report aurait pu faire obstacle à des investigations portant sur une opération suspectée de blanchiment, ou de financement du terrorisme ; les éléments justifiant une déclaration de soupçon n'ont été identifiés qu'après la réalisation de l'opération ; dans les meilleurs délais, l'assujetti informe TRACFIN de la réalisation de l'opération. Enfin, les faits justificatifs prévus par l'article L. 561-22 s'appliquent, même si la preuve du caractère délictueux des faits à l'origine de la déclaration ou infirmations transmises à TRACFIN n'est finalement pas rapportée, ou si les poursuites engagées en raison de ces faits ont été closes par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement.  Mais là encore, ces exonérations nécessitent pour être applicables, comme indiqué supra, la mise en œuvre, de bonne foi, par le professionnel, de ses obligations de vigilance et de déclarations. Le caractère non délibéré du manquement n'est pas une cause d'exonération. Au-delà du principe selon lequel nul n'est censé ignoré la loi, la méconnaissance par le professionnel de son assujettissement, et le fait que le non-respect de ses obligations ne soit pas délibéré n'exonère pas l'assujetti de sa responsabilité, qu'elle soit pénale, civile ou disciplinaire. Les manquements ne nécessitent pas la démonstration d'une intentionnalité pour être constitués. En ce sens, quand bien même le manquement aux obligations de l'assujetti n'ait entrainé aucun préjudice, ni enrichissement personnel, les faits justificatifs d'exonération de sa responsabilité n'ont pas vocation à s'appliquer. Concernant le contrôle des obligations et les sanctions pouvant être prononcées, il appartient à l'organisme de contrôle du professionnel en question d'apprécier les suites à donner aux contrôles opérés. Les suites ainsi données et la portée des sanctions éventuellement prononcées ne relèvent pas de l'appréciation de TRACFIN.

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