Question de M. THÉOPHILE Dominique (Guadeloupe - LaREM) publiée le 11/06/2020

M. Dominique Théophile attire l'attention de M. le Premier ministre sur le coût de la vie en Guadeloupe et dans les outre-mer. La crise sanitaire et économique provoquée par la pandémie de covid-19 a pour conséquence une hausse des prix à la consommation. Cette situation est insupportable pour nombre de nos concitoyens ultramarins déjà confrontés à la pauvreté, au chômage et à la faiblesse de nos services publics. Les travaux successifs de l'autorité de la concurrence et de l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) consacrés au coût de la vie et à la concurrence dans les territoires ultramarins ont pointé du doigt un secteur de la grande distribution trop peu concurrentiel ainsi que des écarts de prix importants – et injustifiés – avec l'hexagone. Les articles L. 410-4 et L. 410-5 du code de commerce autorisent en Guadeloupe et dans les territoires mentionnés le Gouvernement « à réglementer (...) le prix de vente de produits ou de familles de produits de première nécessité » et son représentant à y négocier « un accord de modération du prix global d'une liste limitative de produits de consommation courante ». L'article L. 410-2 du code de commerce dispose en outre que le Gouvernement peut arrêter, « contre des hausses ou des baisses excessives de prix, des mesures temporaires motivées par une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé. » Il lui demande ainsi quelles mesures il entend prendre pour contenir une hausse des prix aux effets potentiellement dévastateurs et réduire enfin les écarts de prix constatés avec l'hexagone.

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Transmise au Ministère des outre-mer


Réponse du Ministère des outre-mer publiée le 22/07/2020

Réponse apportée en séance publique le 21/07/2020

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, auteur de la question n° 1216, transmise à M. le ministre des outre-mer.

M. Dominique Théophile. La crise sanitaire et économique que nous traversons participe, partout en France, à l'augmentation des prix à la consommation. C'est vrai dans l'Hexagone. C'est particulièrement visible dans les outre-mer. Cette situation est évidemment difficile à accepter pour nos compatriotes ultramarins.

Tout d'abord, parce que la pauvreté et le chômage y sont plus élevés qu'ailleurs. En Guadeloupe, pour ne prendre que cet exemple, un tiers de la population – c'est-à-dire près de 135 000 personnes – vit au-dessous du seuil de pauvreté.

Ensuite, parce que les écarts de prix constatés avec l'Hexagone sont particulièrement importants, en raison de l'éloignement, bien sûr, et des frais de transport que la distance provoque, en raison aussi d'un manque criant de concurrence dans le secteur de la grande distribution.

Le code de commerce autorise pourtant le Gouvernement, en Guadeloupe et dans certains territoires d'outre-mer, à réglementer, voire à encadrer, le prix de vente de produits de première nécessité et de consommation courante.

L'article L. 410-2 du même code autorise d'ailleurs le Gouvernement à arrêter « des mesures temporaires motivées par une situation de crise, par des circonstances exceptionnelles ou par une calamité publique ».

Ma question, monsieur le ministre, est la suivante : quelles mesures entendez-vous prendre dans les outre-mer pour contenir rapidement une hausse des prix aux effets potentiellement dévastateurs ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Dominique Théophile, je vous remercie de cette question, qui, une fois de plus, marque votre engagement personnel pour la Guadeloupe, mais aussi pour tous les territoires d'outre-mer.

Le sujet de la lutte contre la vie chère en outre-mer est un sujet d'engagement constant de l'État, qui a profondément rénové, ces dix dernières années, le cadre juridique pour disposer d'outils efficaces : avec les lois de régulation économique outre-mer en 2012 et la programmation relative à l'égalité réelle outre-mer en 2017.

Parmi les mesures en place, on peut souligner les accords de modération des prix, ou « bouclier qualité-prix », renforcé en 2020 par la création de trois catégories de produits assorties chacune d'un prix maximal, notamment pour les produits alimentaires, les produits d'hygiène et les produits pour la petite enfance.

On peut également souligner la création des observatoires des prix, des marges et des revenus, dont les moyens ont été doublés en 2019 à 600 000 euros et reconduits pour 2020. Des référents « vie chère » ont également été nommés au sein des directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), pour assister les observatoires en 2020.

Enfin, il faut relever la nomination d'un délégué interministériel à la concurrence outre-mer en décembre 2018.

Pour parfaire le cadre juridique, un pouvoir d'injonction structurelle de l'Autorité de la concurrence a été créé. Il s'agit d'une avancée très attendue.

Il ne serait pas juste de dire que la lutte contre la vie chère a été mise entre parenthèses pendant la crise sanitaire. Plusieurs enquêtes d'observation des prix des fruits et légumes ont été menées par les Direccte sur les marchés de gros et de détail pendant le confinement. Aucune tension inflationniste particulière n'a été constatée.

Différents décrets ont été pris, afin de réglementer les prix des masques et les gels hydroalcooliques en métropole, dans les départements-régions d'outre-mer, les DROM, les trois Saintes et à Wallis-et-Futuna. De plus, les produits nécessaires à la lutte contre la covid-19 ont fait l'objet d'une exonération d'octroi de mer sanitaire.

Enfin, l'enjeu de la lutte contre la vie chère en outre-mer aura toute sa place dans le cadre du plan de relance économique, cela va sans dire. En effet, si le renforcement des mesures de contrôle doit être poursuivi, il est également essentiel d'accompagner la concurrence dans ces marchés et l'arrivée ou le développement de nouveaux acteurs économiques.

Le plan de relance comprendra différentes mesures de financement des entreprises. Je veillerai personnellement, avec le ministre de l'économie, des finances et de la relance, à ce qu'elles renforcent la production locale et la concurrence, qui, parce qu'elles sont parfois défaillantes dans ces territoires, conduisent à des prix très élevés. Les outils d'intervention financiers de Bpifrance devront notamment avoir cet objectif. Je pense que le e-commerce nous offre, à cet égard, des occasions qu'il faut accompagner.

En tout cas, monsieur le sénateur, c'est un sujet auquel j'associerai étroitement les parlementaires.

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour la réplique.

M. Dominique Théophile. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : l'Autorité de la concurrence relevait ainsi en juillet 2019 que les prix à la consommation étaient en moyenne de 7 % à 12,5 % plus élevés dans les départements d'outre-mer, et supérieurs de 19 % à 38 % pour les seuls produits alimentaires.

L'urgence est donc double et l'action du Gouvernement indispensable, qu'il s'agisse de réguler les prix à la consommation des produits de première nécessité et de consommation courante ou de stimuler une concurrence en matière d'importations et de distribution des produits de grande consommation, qui fait aujourd'hui défaut et qui explique en partie les écarts de prix constatés.

Je sais tout ce qui a été mis en œuvre ces deux dernières années, mais il faut être très vigilant : il s'agit d'un domaine où il ne faut rien lâcher !

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