Question de Mme DUMAS Catherine (Paris - Les Républicains) publiée le 18/06/2020

Mme Catherine Dumas interroge Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur le charnier de la faculté de médecine de l'université de Paris-Descartes.

Elle rappelle que la presse a divulgué cette affaire en novembre 2019, dévoilant les conditions indignes dans lesquelles les dépouilles léguées à la science auraient été conservées depuis vingt ou trente ans dans les chambres froides insalubres et non hermétiques du centre du don des corps (CDC), le plus grand centre anatomique de France (plus de 600 dépouilles accueillies par an jusqu'en 2018), créé en 1953 et rattaché à l'université de Paris-Descartes, et l'un des vingt-huit centres de don du corps agréés en France.

Elle mesure le désarroi des proches de ces personnes ayant fait don de leur corps à la science dans une démarche humaniste pour aider les futurs médecins, pour la recherche médicale, face à la découverte de ce charnier : odeurs de putréfaction, corps démembrés et inutilisés, pannes d'électricité, incinération de masse, prolifération de mouches, de vers et de rats. L'enquête journalistique a révélé que l'université aurait fait payer les chirurgiens, mais également les entreprises privées qui souhaitaient utiliser des pièces anatomiques pour effectuer des recherches, comme des crash-tests pour les habitacles de voitures.

Elle note que depuis ces révélations, une enquête judiciaire a été diligentée pour « atteinte à l'intégrité de cadavres » et 67 familles de victimes se sont constituées en association pour ester en justice.

Elle souhaite savoir si les faits énoncés sont avérés et demande, le cas échéant, quelles sanctions seront prises à l'encontre des potentiels responsables.

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Transmise au Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation


Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation publiée le 31/12/2020

À la suite d'un article paru le 27 novembre 2019 dans le journal L'Express faisant état de manquements graves, notamment au plan éthique, dans le fonctionnement du centre du don des corps de l'université Paris-Descartes mettant en jeu à la fois les conditions de conservation des corps et leur possible « marchandisation »,  la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, a aussitôt décidé de fermer le centre du don des corps. Dans le même temps, les ministres de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation d'une part et des solidarités et de la santé d'autre part ont diligenté une mission conjointe de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche et de l'inspection générale des affaires sociales. Les inspections générales ont transmis leurs conclusions aux deux ministres le 12 juin 2020, lesquels ont décidé de rendre publique la synthèse de ce rapport. Il ressort des investigations menées par la mission que des conditions indignes de conservation des corps ont été signalées dès 2012 et documentées à l'automne 2016 puis en février 2018. La mission a fait le constat que ces alertes ont été parfois entendues, mais que les mesures prises n'ont jamais été à la hauteur des graves dysfonctionnements constatés, tout au moins jusqu'en 2018. Le projet de rénovation matérielle du centre a, de manière constante, toujours été présenté, comme la seule réponse aux dysfonctionnements. Il a ainsi été, de fait, le prétexte de l'inaction sur les autres difficultés et notamment sur les problèmes de management, d'organisation et de pratiques inacceptables qui sont à l'origine des dérives éthiques relevées. La mission précise que le financement de la rénovation des locaux du centre de don des corps est aujourd'hui sécurisé mais que les travaux ne sont pas encore engagés. Même si ces derniers étaient lancés sans délai, les chambres froides rénovées ne seraient disponibles au mieux que fin 2021, voire en 2022. La mission a enfin relevé une présentation impropre par l'université des conditions économiques de mise à disposition des corps à des structures externes à des fins de formation et/ou de recherche. Elle a notamment conclu qu'il ne s'agissait en aucun cas d'une marchandisation des corps mais d'une participation aux frais de conservation et de préparation de ces derniers, destinée à couvrir les frais de fonctionnement de la structure sans réaliser de marge bénéficiaire. En outre, la mission n'a pu apporter aucune preuve de l'existence des trafics évoqués par la presse. La mission considère que la responsabilité de l'université est établie car des faits graves ont bien eu lieu, les alertes ont été adressées aux différentes autorités de l'université et il ne leur a pas été durablement apporté de correction avant 2018. Au plan judiciaire, une enquête a été ouverte par le Parquet de Paris pour « atteinte à l'intégrité du cadavre ». Dans ce cadre, et pour faciliter les investigations, la ministre de l'enseignement supérieur de la recherche et de l'innovation a transmis sans délai au Parquet le rapport de la mission conjointe. Au plan individuel, la mission n'a identifié, au-delà de la gravité incontestable des faits, ni intention, ni volonté de nuire ou de porter atteinte aux cadavres, en dehors du cas particulier de certains préparateurs qui aurait dû être traité au niveau disciplinaire. Les responsabilités individuelles qui pourraient être recherchées tiennent davantage, selon elle, à un défaut d'action, imputable à la direction de l'université et du CDC. La mission rappelle toutefois qu'elle ne dispose pas de pouvoirs d'investigation comparables à ceux de l'autorité judiciaire à qui il appartiendra, en tout état de cause, d'engager d'éventuelles poursuites pénales. A cet égard et afin de faciliter le déroulement de l'enquête ouverte par le Parquet de Paris pour « atteinte à l'intégrité du cadavre », la ministre de l'enseignement supérieur de la recherche et de l'innovation a transmis sans délai au Parquet le rapport de la mission. Les conclusions du rapport ayant précisé qu'une intervention du législateur est nécessaire pour préciser le cadre juridique et éthique des dons de corps à la science et pour permettre la poursuite des activités de formation et de recherche, la ministre a formulé des propositions en ce sens dans le cadre de l'examen de la loi de Bioéthique, pour garantir notamment la nécessaire exigence éthique qui doit accompagner au quotidien le fonctionnement des centres de don des corps. Elle a également demandé la mise en place d'un groupe de travail piloté par le MESRI sur le sujet spécifique de l'éthique autour des dons de corps.

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