Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 16/07/2020

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'avenir de la filière de la betterave sucrière, victime à venir de nouvelles difficultés, en sus de celles relatives à la fin des quotas.. . Depuis plusieurs mois la filière ne cesse d'alerter le Gouvernement sur le développement important d'insectes ravageurs sur les betteraves sucrières dès les premiers stades de végétation. Le plus redoutable d'entre eux, le puceron vert, vecteur du virus de la jaunisse, a été présent dans des proportions jamais vues depuis l'introduction des néonicotinoïdes au début des années 1990. Dans la région des Hauts de France, les zones contaminées par la jaunisse virale sont apparues dès les premiers jours de juin, et au 23 juin, 70 à 90 % des parcelles picardes présentaient des symptômes de jaunisse virale. Les quelques références des années précédentes donnent des projections de pertes de rendement de près de 30 % pour des symptômes apparus plus tardivement. Les néonicotinoïdes, molécules utilisées sur betteraves en traitement de semences, et qui protégeaient la plante pendant toute sa période de sensibilité, sont interdites en France depuis le 1er septembre 2018. À défaut de dérogation française pour l'utilisation de néonicotinoïdes en enrobage des semences, contrairement à douze des dix-neuf pays européens producteurs de betteraves, les solutions techniques qui se sont imposées aux agriculteurs ont été des traitements insecticides en végétation. Les néonicotinoïdes en enrobage de la semence offraient pourtant, sur betteraves, une protection efficace, économiquement viable et respectueuse des auxiliaires et des pollinisateurs. Ils ont été remplacés par deux autres matières actives d'insecticides applicables en végétation. Le recours à ces traitements insecticides en pulvérisation, abandonnés depuis des années par les betteraviers, bien qu'ils aient été adaptés récemment par le ministère de l'agriculture, est un non-sens technique, économique, social et surtout environnemental, d'autant que ces traitements peu efficaces doivent être multipliés. D'ores et déjà, un grand nombre de planteurs indiquent vouloir baisser leurs surfaces betteravières dès 2021, voire arrêter complètement cette culture, le risque économique engendré par une telle exposition à la jaunisse étant trop grand pour la pérennité de leurs exploitations agricoles. Au-delà de la simple problématique agricole, c'est toute la filière qui va être impactée, la pérennité des sucreries et les emplois des régions rurales. La région des Hauts de France accueille aujourd'hui neuf des vingt et une sucreries françaises et assure la moitié de la production nationale de betteraves. Le temps de trouver des solutions alternatives crédibles à l'utilisation de produits phytosanitaires dans la lutte contre les pucerons, il est donc urgent d'adresser à l'ensemble de la filière un message clair quant à la volonté de l'État de soutenir la filière en autorisant, pour la prochaine campagne et par dérogation, les protections en enrobage de semences pour les prochains semis. Il lui demande de préciser les intentions du Gouvernement et s'il compte condamner in fine la filière betteravière ou lui apporter les moyens d'assurer son avenir, n'étant en aucun façon responsable d'une telle situation, mais bien victime.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 15/10/2020

Dès le début du printemps de cette année, des infestations très importantes de pucerons vecteurs de la jaunisse de la betterave ont été observées dans la plupart des bassins de production. Par les pertes de rendements occasionnées, pouvant atteindre jusqu'à 50 %, cette situation menace la pérennité des exploitations et met en péril l'ensemble du secteur sucrier et des activités issues de la production de betteraves sucrières. Face à cette situation inédite, il a été jugé nécessaire de pouvoir disposer à l'avenir d'une capacité de réaction adéquate, d'ici à ce que des alternatives suffisamment efficaces soient disponibles. À cet effet, le Gouvernement a présenté le 3 septembre un projet de loi donnant la possibilité aux ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement d'octroyer si besoin, pendant les trois prochaines années, des dérogations d'une durée maximale de 120 jours pour l'utilisation de semences enrobées avec une substance de la famille des néonicotinoïdes ou une substance présentant un mode d'action identique. Toute dérogation serait assortie des restrictions nécessaires pour minimiser les risques, pour les insectes pollinisateurs notamment, telles que l'interdiction de planter après les cultures de betteraves concernées une espèce attractive pour les abeilles pendant une durée à déterminer sur la base d'un avis de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Cette mesure fait partie d'un plan d'actions qui comporte une intensification des efforts de recherche pour mettre au point des solutions alternatives pérennes, ainsi que des engagements des professionnels sur la pérennisation de la filière sucrière française et sur la mise en œuvre de mesures de prévention. Un délégué interministériel à la filière betterave-sucre a été nommé pour coordonner la mise en œuvre de ce plan d'actions et rendre compte à un comité de suivi co-présidé par les ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement. La possibilité de déroger temporairement à l'interdiction des néonicotinoïdes pour les cultures de betteraves, afin de répondre à une difficulté inattendue, ne remet pas en question la transition agro-écologique et l'engagement vers une agriculture plus durable. La mise en œuvre du plan d'actions sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides, présenté en avril 2018, reste une priorité. Un plan national de protection des pollinisateurs sera par ailleurs élaboré d'ici la fin de l'année.

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