Question de M. KAROUTCHI Roger (Hauts-de-Seine - Les Républicains) publiée le 17/09/2020

M. Roger Karoutchi interroge M. le ministre de l'intérieur sur les sources qui seront utilisées par le Gouvernement pour la communication des chiffres de la délinquance. Le 13 septembre 2020, le Gouvernement a annoncé que les chiffres de la délinquance seront communiqués mensuellement à partir d'octobre 2020. Ces chiffres concerneront notamment la lutte contre les stupéfiants, les violences conjugales, les dérives sectaires, l'action de la police, l'immigration et l'asile. En octobre 2019, le Gouvernement avait confirmé sa volonté de supprimer l'institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) et par conséquent l'observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) qui dépend de l'INHESJ. Or, depuis sa création en 2003, l'ONDRP fournit les chiffres les plus fiables concernant la délinquance, notamment grâce à l'indépendance de son conseil d'orientation vis-à-vis du ministère de l'intérieur. Il lui demande donc de préciser les sources qui seront utilisées pour fournir les chiffres qui seront communiqués mensuellement et les mesures prises pour garantir la fiabilité et la transparence de ces données.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 26/08/2021

Le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) a pour mission de produire et de mettre à la disposition du grand public des statistiques et des analyses sur la sécurité intérieure et la délinquance. Avec l'INSEE et 15 autres services statistiques ministériels, il compose le service statistique public. Il respecte à ce titre un certain nombre de règles visant à garantir la confiance dans les informations produites et diffusées (indépendance professionnelle, fiabilité, neutralité, qualité des processus, méthodologie, accessibilité, etc.), conformément aux prescriptions du code des bonnes pratiques de la statistique européenne entériné en 2005 par la Commission européenne et reconnu par un règlement du 11 mars 2009. Comme les autres membres du service statistique public, le programme de travail du SSMSI fait l'objet d'une concertation avec l'ensemble des utilisateurs au sein du Conseil national de l'information statistique et son activité est évaluée par l'Autorité de la statistique publique. Dans un délibéré du 17 octobre 2019, l'Autorité de la statistique publique a réaffirmé l'indépendance professionnelle de la statistique publique en matière de sécurité intérieure, et donc celle du SSMSI. S'agissant des outils de mesure statistique de la délinquance, il peut être indiqué la publication le 17 octobre 2019 d'un article du SSMSI dans AJ Pénal (« La mesure statistique de la délinquance »), qui fournit des éléments de perspective historique, décrit la mise en place de l'état 4001 dans les années 1970, évoque les polémiques des années 2000 sur la présentation des chiffres de la délinquance, puis la création du SSMSI en 2014 (au terme de différentes réflexions, notamment parlementaires), qui a permis d'intégrer la production des statistiques de la délinquance dans le champ labellisé de la statistique publique. L'article décrit ensuite les dispositifs actuels de suivi statistique de la délinquance, qui reposent sur deux piliers : les fichiers administratifs d'activité des services de police et de gendarmerie, d'une part, et les enquêtes de victimation, d'autre part. L'état 4001 est un outil de suivi statistique des crimes et délits mis en place par la direction centrale de la police judiciaire en 1972. Il comptabilise chaque mois les faits constatés (et les faits élucidés), ventilés par type d'infractions selon une nomenclature composée de 107 codes (index). Les données sont issues de l'enregistrement des plaintes par les services de police et de gendarmerie. L'état 4001 est établi chaque mois. Les statistiques sont diffusées sur le site internet data.gouv.fr par département, et, une fois par an, par services d'enregistrement. Elles servent également de base à la construction de la plupart des indicateurs de la délinquance publiés chaque mois dans la note de conjoncture du service statistique ministériel de la sécurité intérieure. Les données de l'état 4001 ont l'avantage, en particulier, de permettre un suivi de la délinquance sur une longue période. Il n'en demeure pas moins que cette nomenclature présente des limites. En premier lieu parce que les outils d'enregistrement des plaintes ont été, à plusieurs reprises, modernisés, ce qui a engendré des ruptures de séries. Par ailleurs, la nomenclature des index, ancienne, ne permet pas d'identifier certaines catégories de délinquance apparues récemment ou dont la perception sociale a évolué : cybercriminalité, violences conjugales, etc. Les crimes et délits sont en effet répartis dans différents index du 4001 (escroqueries, coups et blessures volontaires, etc.) mais ne peuvent être isolés pour être quantifiés séparément. Enfin, l'état 4001 n'appréhende qu'une partie de la délinquance. Il est, en effet, diverses situations dans lesquelles les informations ne remontent pas dans le cadre des outils d'enregistrement des plaintes. C'est le cas, par exemple, lorsque les victimes ne déposent pas plainte, ce qui est fréquent pour certaines formes de délinquance (escroqueries, etc.), ou lorsque les faits sont enregistrés par d'autres administrations (établissements scolaires, douanes, etc.). En outre, l'état 4001 ne comptabilise que les crimes et délits, pas les contraventions. Afin de s'affranchir des limites imposées par la nomenclature des index du 4001, le SSMSI exploite d'autres informations contenues dans les procédures enregistrées par la police et la gendarmerie. Il s'appuie ainsi sur la nomenclature détaillée des infractions du ministère de la justice, à partir de laquelle policiers et gendarmes qualifient les infractions. Cette nomenclature est plus détaillée que celle des index et contient des libellés permettant de repérer par exemple les violences conjugales, la cybercriminalité, les atteintes à caractère raciste, etc. Dans certains cas cependant, les policiers ou gendarmes qualifient l'infraction avec un libellé plus général, ne permettant de repérer des faits spécifiques (ex. : « escroquerie »). Le SSMSI utilise alors, en complément, d'autres informations collectées dans la procédure : le mode opératoire, les marqueurs (ex. : « cybercriminalité »), le type de victime (ex. : « en raison de l'orientation sexuelle », « en raison de la religion »), etc. Au-delà de la question de la mesure de certains phénomènes de délinquance, le champ de la délinquance est en tout état de cause plus large que celui du 4001, qui couvre uniquement les crimes et délits volontaires (hors routiers). Ainsi, pour approfondir la connaissance de la délinquance, le SSMSI exploite les données relatives aux infractions contraventionnelles. Dans le cas des destructions et dégradations volontaires de biens par exemple, la frontière entre délits et contraventions est mince. Aussi a-t-il été construit un indicateur qui englobe à la fois les crimes, les délits et les contraventions. Cet indicateur est publié dans le bilan statistique annuel du SSMSI, et, depuis le mois de juin 2019, dans sa note de conjoncture mensuelle. Divers autres champs de la délinquance relèvent entièrement ou largement du champ contraventionnel : le SSMSI les explore progressivement pour nourrir statistiques et études. La mesure statistique de la délinquance ne saurait donc s'appuyer sur les seules infractions constatées par les services de police et de gendarmerie, notamment parce que les victimes ne déposent pas toujours plainte. Les données ainsi recueillies doivent donc nécessairement être complétées par des enquêtes de victimation (cf. sur cette complémentarité la publication le 9 décembre 2020 d'un article du SSMSI sur le blog de l'INSEE). Il existe ainsi un dispositif permettant de dresser un panorama plus complet de la délinquance : l'enquête « Cadre de vie et sécurité » (CVS), dite de victimation. Elle vise à connaître les faits de délinquance dont les ménages et les individus ont pu être victimes dans les deux années précédant l'enquête, qu'ils aient, ou pas, donné lieu à une déclaration dans les services de police ou de gendarmerie, mais également à analyser le sentiment d'insécurité. Les informations issues de l'enquête CVS sont distinctes et complémentaires des données enregistrées par la police et la gendarmerie nationales. Combinées, elles offrent des outils précieux pour évaluer et analyser tant la délinquance que le sentiment d'insécurité. Le SSMSI publie chaque année sur son site les résultats de cette enquête et en utilise systématiquement les résultats dans ses publications. A compter de cette année, le SSMSI assure, avec l'appui de l'INSEE, la maîtrise d'ouvrage de l'enquête de victimation. D'autres sources administratives permettent également d'appréhender la délinquance : mains courantes, téléservice de pré-plainte en ligne, plates-formes de signalement mises en ligne par le ministère de l'intérieur (plate-forme des violences à caractère sexuel et sexiste, etc.). L'exploitation par le SSMSI des données de ces plates-formes constituera progressivement un complément utile au suivi statistique des plaintes enregistrées. Il y a lieu également de noter que d'autres ministères ou organismes publics disposent de données complémentaires : délinquance en milieu scolaire (ministère de l'éducation nationale), délinquance financière ou trafics de stupéfiants (douanes), délinquance dans les transports en commun (RATP et SNCF). D'ores et déjà, le SSMSI diffuse de nombreuses statistiques et études qui dépassent largement le champ de l'état 4001. S'agissant des données communiquées chaque mois depuis octobre 2020 par le ministre de l'intérieur et la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, dans le cadre d'une conférence de presse, elles s'inscrivent dans une volonté de transparence et relèvent d'une politique du résultat. Les chiffres communiqués portent sur les priorités d'action du ministère, dans le cadre d'un tableau de bord mensuel. Le SSMSI y contribue à travers le calcul d'indicateurs, aux niveaux national et départemental. Une partie de ces indicateurs est déjà publiée par le SSMSI suivant une périodicité annuelle. A ce stade, le SSMSI fournit pour ce tableau de bord cinq indicateurs : nombre d'amendes forfaitaires délictuelles pour usage illicite de stupéfiants, nombre de mis en cause pour trafic de stupéfiants, nombre d'outrages sexistes, nombre de victimes d'atteintes aux biens et nombre de victimes d'atteintes aux personnes dans les transports en commun. S'agissant de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, il a en effet été décidé, dans le cadre de la mise en œuvre de la circulaire du Premier ministre du 5 juin 2019 relative à la transformation des administrations centrales, et notamment à la simplification du paysage administratif, que cet Institut - dont dépendait l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales - n'avait pas vocation à perdurer dans sa forme actuelle au-delà de l'année 2020. Par arrêté du 17 décembre 2020 pris pour l'application du décret n° 2020-1591 du 16 décembre 2020 portant dissolution de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, les activités de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales ont été transférées à l'Etat, et plus précisément au SSMSI, à compter du 1er janvier 2021. Il convient à cet égard de rappeler la fiabilité et la neutralité de ce service statistique ministériel, qui répond aux plus hauts standards de la statistique publique.

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