Question de Mme LOISIER Anne-Catherine (Côte-d'Or - UC-R) publiée le 15/10/2020

Mme Anne-Catherine Loisier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la nécessité de faciliter la création de réserves en eau par les agriculteurs, et ce afin de ne pas subir les tensions sur l'alimentation en eau et l'abreuvement du bétail, rencontrées ces dernières années.

De fait, après un nouvel été particulièrement sec, le manque de réserves en eau pour abreuver les animaux d'élevage s'intensifie.

En conséquence de la loi sur la continuité écologique qui condamne systématiquement toutes les retenues et de réglementations trop restrictives, les éleveurs sont désormais contraints de faire des kilomètres pour remplir des citernes ou pire, de ponctionner sur le réseau d'eau potable déjà en tension, ce qui est un non-sens écologique, très onéreux !

Elle lui demande donc ce qu'il envisage pour aménager ces contraintes et permettre aux agriculteurs des zones les plus impactées par les sécheresses successives, de créer des réserves en eau afin de s'adapter aux conditions climatiques à venir.

- page 4649

Transmise au Ministère de la transition écologique


Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargé de la biodiversité publiée le 06/11/2020

Réponse apportée en séance publique le 05/11/2020

Mme le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la question n° 1313, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.

Mme Anne-Catherine Loisier. Depuis trois ans, la France connaît de longues périodes de sécheresse, lourdes de conséquences pour les populations, les animaux et les végétaux, sans qu'aucune action ait été réellement mise en place pour anticiper le manque d'eau de l'été suivant. Pis, nous continuons à détruire, parfois à des coûts phénoménaux, des ouvrages construits avec science et réflexion par nos aînés, voilà plusieurs siècles, pour se préserver des caprices de la nature et des privations d'eau.

Depuis 2006, nous subissons des lois sur l'eau et la continuité écologique. Elles pourraient être vertueuses si elles étaient appliquées avec discernement et pragmatisme. Ne condamnez pas systématiquement toute retenue d'eau existante !

Voici le résultat : depuis trois ans, les éleveurs sont contraints de faire chaque jour des kilomètres pour trouver des points d'eau, remplir des citernes et abreuver leur troupeau. Ils n'ont parfois d'autre choix que de ponctionner les réseaux d'eau potable, répercutant ainsi les tensions d'approvisionnement sur l'alimentation humaine. Et que dire de la faune aquatique décimée dans des rivières à sec, de la faune sauvage qui cherche en vain à s'abreuver !

Face à ces réalités, alors que le remède offert par cette législation dogmatique est pire que le mal, le Gouvernement persiste dans cette obsession destructrice. Le 30 juin dernier, un décret est venu accélérer la destruction des barrages des moulins, en permettant l'arasement des seuils sur simple déclaration de travaux, sans aucune considération du droit d'antériorité de ces ouvrages. Là où il faudrait plus de réflexion sur les usages sociétaux et l'adaptation au changement climatique, on expédie : finies les autorisations, aucune étude d'impact environnemental et social, aucune enquête publique, aucune information aux riverains !

Madame la secrétaire d'État, alors que tous les pays frappés par des sécheresses récurrentes facilitent la réouverture et la création de réserves d'eaux, pensez-vous toujours que ce sera en détruisant les retenues et les ouvrages existants que nous pourrons faire face aux besoins de proximité qui ressurgiront d'ici à quelques mois ? Nous sommes au début de novembre : quelles solutions préconisez-vous aux éleveurs afin qu'ils assurent l'abreuvement de leur bétail en mars-avril ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Loisier, vous nous interrogez sur les tensions actuelles relatives au partage de l'eau, qui nous rappellent plus que jamais que nous devons collectivement lutter contre le changement climatique et réviser la gestion de cette ressource.

La recherche de l'équilibre entre ressources et besoins en eau devient particulièrement difficile quand les ressources disponibles s'avèrent insuffisantes pour répondre à l'ensemble des besoins, notamment ceux des agriculteurs. Les projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE) appellent à rechercher et à formaliser deux voies pour permettre une telle conciliation : d'une part, faire évoluer les systèmes d'exploitation agricoles pour les adapter à la disponibilité de la ressource en eau ; d'autre part, adapter celle-ci aux besoins de l'agriculture, notamment par le stockage de l'eau lorsqu'elle est disponible et son déstockage en période sèche pour irriguer les cultures.

Actuellement, soixante PTGE ont été adoptés et validés par une instance locale, vingt-cinq sont en cours de concertation et seize sont engagés. Toutefois, sur les 156 ouvrages de stockage ou de transfert dénombrés au niveau national au sein de ces soixante PTGE, 62 retenues ou projets de retenues font l'objet d'un contentieux ; parmi elles, 14 ont fait l'objet d'une annulation d'autorisation.

Afin de limiter les blocages actuellement constatés, le ministère de la transition écologique a réuni un groupe de travail issu du Comité national de l'eau. Il comprend les services des trois bassins les plus concernés ainsi que l'APCA, la FNE et les associations représentant les collectivités et les élus de bassin. Des experts y sont aussi associés, issus du BRGM ou de OFB, ainsi que des représentants des ministères chargés de l'écologie et de l'agriculture.

Les principales difficultés portent sur l'identification d'un maître d'ouvrage pour le projet, la justification parfois insuffisante des besoins en eau actuels et futurs, ou encore l'acceptabilité sociale du projet. Autre difficulté : les autorisations pour les ouvrages de stockage et pour les prélèvements sont parfois disjointes. Enfin, il est parfois difficile de déterminer les volumes prélevables et de mener des études approfondies ; les études d'impact ne sont pas toujours complètes.

Les travaux menés actuellement, notamment une analyse fine de la jurisprudence, analyse nécessaire pour renforcer la solidité des dossiers déposés, devraient permettre d'améliorer la mise en place de ces PTGE et de retenues pertinentes et justifiées.

Mme le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.

Mme Anne-Catherine Loisier. Je vous remercie pour ces éléments de réponse, madame la secrétaire d'État. Je sais que les services sont mobilisés, mais ils ne le sont pas suffisamment : c'est encore trop long !

Nous sommes au début de novembre ; si l'on veut que les réserves en eau soient opérationnelles en avril ou en mai, c'est maintenant qu'il faut les constituer. Il faut donc accélérer les processus administratifs et les délivrances d'autorisation ; sinon, nous nous retrouverons confrontés aux mêmes problèmes que les années précédentes, et même à pire encore, dans la mesure où la situation se détériore d'année en année.

« Adapter les élevages », dites-vous, mais vous qui êtes issue de la ruralité savez aussi bien que moi que, dans une zone d'élevage, on ne peut faire que de l'élevage !

Mme le président. Merci !

Mme Anne-Catherine Loisier. Il y a des solutions à trouver en fonction des réalités locales ; je vous invite à vous pencher sur le décret du 30 juin dernier, qui n'est plus du tout adapté aux réalités que nous vivons.

- page 8315

Page mise à jour le