Question de Mme MICOULEAU Brigitte (Haute-Garonne - Les Républicains) publiée le 29/10/2020

Mme Brigitte Micouleau attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité de créer une neuvième juridiction inter-régionale spécialisée (JIRS) à Toulouse.
Lors de la venue du garde des sceaux, ministre de la justice, à Toulouse le 9 octobre 2020, le maire de la ville, président de la métropole, a eu l'occasion d'intervenir sur le manque de moyens humains de la justice, notamment en magistrats et greffiers, du parquet et du siège, et sur leur nécessaire renforcement. Il a plaidé également en faveur de la création d'une juridiction inter-régionale spécialisée à Toulouse.
Créées par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, les JIRS regroupent des magistrats du parquet et de l'instruction disposant d'une compétence et d'une expérience particulières en matière de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière. Leurs moyens techniques renforcés leur permettent de mener à bien leurs enquêtes, notamment en matière de trafic de stupéfiants et d'infractions commises en bandes organisées.
Elles sont toujours aujourd'hui au nombre de huit : Paris, Lyon, Marseille, Lille, Rennes, Bordeaux, Nancy et Fort-de-France. Concernant la région Occitanie, les juridictions des ressorts des cours d'appel de Toulouse, Agen, Pau, Montpellier et Nîmes relèvent actuellement des JIRS soit de Bordeaux, soit de Marseille.
À ce jour, Toulouse, quatrième ville de France, voit son parquet dessaisi au profit de la JIRS de Bordeaux.
Elle s'est déjà adressée à la garde des sceaux, ministre de la justice, il y a plus de deux années, insistant sur la nécessité de la création d'une juridiction inter-régionale spécialisée à Toulouse. Depuis cette date, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a été votée et, malgré l'annonce faite d'une large réflexion au sein du ministère de la justice sur lutte contre la criminalité organisée, aucune traduction n'a vu sa concrétisation dans la loi concernant l'implantation d'une JIRS à Toulouse.
La rapport remis à la garde des sceaux en juillet 2019 préconisait également une réforme et une évolution des huit juridictions interrégionales spécialisées, pour plus d'efficacité.
En volume d'affaires, la justice toulousaine traite une masse de travail équivalente à celle de Marseille ou d'un tribunal de la première couronne parisienne ! Elle est néanmoins le seul tribunal du premier groupe à ne pas avoir de juridiction interrégionale spécialisée.
Alors que Toulouse connaît une montée des violences et de la délinquance et que la criminalité organisée y sévit, elle lui demande à quelle échéance le Gouvernement sera prêt à s'engager pour la création d'une JIRS à Toulouse.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité publiée le 06/11/2020

Réponse apportée en séance publique le 05/11/2020

Mme le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, auteure de la question n° 1335, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Brigitte Micouleau. Je regrette que le garde des sceaux ne soit pas là aujourd'hui pour me répondre. Le sujet que je vais aborder est en effet éloigné de la ruralité, monsieur le secrétaire d'État.

Lors de la venue du ministre de la justice à Toulouse le 9 octobre dernier, Jean-Luc Moudenc, maire de la ville et président de la métropole, a souligné le manque de moyens humains de la justice, notamment en magistrats et en greffiers, du parquet et du siège, ainsi que le besoin de son nécessaire renforcement. Il a également plaidé en faveur de la création, à Toulouse, d'une juridiction interrégionale spécialisée – la neuvième en France.

Créées par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, les JIRS regroupent des magistrats du parquet et de l'instruction disposant d'une compétence et d'une expérience particulières en matière de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière. Or Toulouse, quatrième ville de France, voit son parquet dessaisi au profit de la JIRS de Bordeaux, dont les délais de jugement sont, de plus, excessivement longs.

Malgré le vote de la dernière loi de réforme pour la justice et l'annonce faite par le précédent garde des sceaux d'une large réflexion au sein du ministère de la justice sur la lutte contre la criminalité organisée, rien ne s'est concrétisé pour Toulouse. En volume d'affaires, la justice toulousaine traite pourtant une masse de travail équivalente à celle de Marseille ou d'un tribunal de la première couronne parisienne.

Alors que Toulouse connaît une montée des violences et de la délinquance et que la criminalité organisée y sévit, à quelle échéance le Gouvernement sera-t-il prêt à s'engager pour la création d'une JIRS à Toulouse ?

Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice Micouleau, sachez que je comptais vous présenter les excuses de M. le garde des sceaux, comme je l'ai fait précédemment au sénateur Menonville. La réponse que je vais vous faire est celle du Gouvernement, qui a une unicité, quel que soit le secrétaire d'État ou le ministre au banc.

La question de l'organisation et du fonctionnement des juridictions interrégionales spécialisées dans la lutte contre la criminalité organisée est au cœur des préoccupations du garde des sceaux.

Depuis la création des JIRS en 2004, la JIRS de Bordeaux a traité quatre-vingt-dix-huit dossiers provenant des tribunaux du ressort de la cour d'appel de Toulouse, soit une moyenne de six dossiers par an. La Junalco, la juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée, créée par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, dispose, pour sa part, d'une compétence nationale concurrente pour traiter les affaires de « très grande complexité », correspondant au « haut du spectre » de la criminalité organisée. À ce titre, elle s'est saisie d'un dossier sur dessaisissement du parquet de Toulouse.

Il apparaît ainsi que les affaires relevant d'une très grande complexité et justifiant la saisine de la JIRS de Bordeaux ou de la Junalco demeurent d'un volume contenu, qui ne plaide pas en faveur de la création d'une JIRS dédiée à Toulouse, et ce indépendamment de la forte activité que cette juridiction connaît par ailleurs. Au demeurant, les échanges entre la juridiction toulousaine et la JIRS de Bordeaux semblent fluides et ont vocation à être renforcés par la création, sur l'initiative des deux parquets généraux concernés, d'une instance de coordination permettant aux magistrats de ces deux juridictions d'évoquer spécifiquement les affaires de règlements de compte.

Le parquet de Toulouse, dans le traitement judiciaire des affaires de grande criminalité, bénéficie par ailleurs de dispositifs orientés vers la lutte contre les trafics de stupéfiants. À ce titre, il s'appuie, par exemple, sur la cellule de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (Cross) mise en œuvre depuis le mois de septembre dernier, et dont l'objectif est d'analyser et de partager les renseignements opérationnels recueillis par l'ensemble des services de police judiciaire, afin d'ouvrir ou d'enrichir les enquêtes relatives aux trafics de stupéfiants.

Le parquet de Toulouse participe également à la cellule de lutte contre les trafics, qui a pour mission, dans le quartier de reconquête républicaine des Izards à Toulouse, de coordonner les actions administratives et judiciaires, afin d'apporter une réponse globale à la situation de ce quartier.

La juridiction toulousaine a ainsi su se doter de moyens efficaces et pertinents dans la lutte contre la criminalité organisée et se coordonner efficacement avec la JIRS de Bordeaux, de telle sorte que la création d'une juridiction interrégionale spécialisée sur son ressort n'apparaît pas nécessaire. Le ministère de la justice reste toutefois particulièrement vigilant à l'évolution de la criminalité sur le bassin toulousain.

Mme le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour la réplique.

Mme Brigitte Micouleau. J'entends votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, mais il faut savoir qu'entre la délinquance, les trafics de stupéfiants, les saisies de drogue et les grosses affaires criminelles Toulouse n'est pas épargnée ! La ville a vraiment besoin de la mise en place de cette JIRS, laquelle désencombrerait d'ailleurs celle de Bordeaux.

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