Question de Mme BOYER Valérie (Bouches-du-Rhône - Les Républicains) publiée le 15/10/2020

Question posée en séance publique le 14/10/2020

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Valérie Boyer. Monsieur le Premier ministre, voilà dix-sept jours que nous sommes les tristes spectateurs de bombardements délibérés des populations civiles d'Artsakh et d'Arménie par l'Azerbaïdjan. Voilà près de trente ans que le Haut-Karabakh tente de protéger ses terres ancestrales, alors que l'Azerbaïdjan s'enfonce dans la dictature – rappelons que le régime d'Aliyev est l'un des plus répressifs de la planète…

Dans ces conditions, on imagine le sort réservé aux Arméniens du Haut-Karabakh, avec la complicité du président Erdogan.

Erdogan qui marchande ses migrants, massacre les Kurdes, que nous avons abandonnés, viole les espaces aérien et maritime grecs, dirige un pays qui occupe depuis 1974 Chypre, État de l'Union européenne, tente de déstabiliser encore plus la Libye et la Syrie, souffre d'amnésie dès que l'on parle du génocide des Arméniens et clame sa volonté de reformer l'Empire ottoman, Erdogan dont le régime va jusqu'à envoyer des djihadistes pour tuer des Arméniens !

On le sait : le président Erdogan cherche, pour masquer ses échecs, à s'offrir comme trophée l'Artsakh, puis l'Arménie, et à poursuivre le génocide culturel et ethnique des Arméniens.

Rester neutre face à l'injustice, c'est choisir son camp ! C'est pourquoi la neutralité et l'impartialité ne sont ni acceptables ni responsables : elles reviendraient à soutenir l'agresseur. Lorsque des innocents sont massacrés par des armes interdites, nous ne pouvons rester neutres.

Non, la France ne peut pas abandonner son allié, sa sœur : l'Arménie. Elle ne peut pas être spectatrice d'un génocide. Abandonner les Arméniens serait nous renier ; les ignorer, nous trahir.

L'indignation est nécessaire, mais ne sauve pas des vies. Il faut agir !

Il est urgent de sanctionner la Turquie et l'Azerbaïdjan, de mettre en place de vraies sanctions économiques, de rappeler nos ambassadeurs à Ankara et à Bakou, de cesser tout processus d'adhésion de l'Union européenne avec la Turquie et de lui dire qu'elle n'a plus sa place dans l'OTAN.

Il faut encore demander aux forces internationales d'intervenir au sol en Artsakh pour garantir la paix et reconnaître enfin l'État indépendant Artsakh, seul à même de protéger sa population.

Un nouveau génocide se met en place, et l'on ne pourra pas dire que l'on ne savait pas. Une partie de l'histoire de l'humanité est en train de s'écrire : faisons en sorte qu'elle ne s'écrive pas sans l'Europe et sans la France ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)


Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 15/10/2020

Réponse apportée en séance publique le 14/10/2020

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Boyer, j'ai déjà répondu sur ce sujet et rappelé, en réponse au sénateur Buis, l'urgence, le devoir et l'exigence qui s'imposaient à la France.

Vous avez parlé de la Turquie : je constate moi aussi que les actions et les provocations de ce pays sont un facteur de déstabilisation de l'ensemble de la région, de la Libye au Haut-Karabakh en passant par la Méditerranée orientale, l'Irak et Varosha. Venant d'un État membre de l'Alliance atlantique, c'est particulièrement grave. Nous n'acceptons pas cette logique globale du fait accompli.

Au Haut-Karabakh, la Turquie a été la seule à ne pas appeler au cessez-le-feu, qui a été conclu, même s'il est difficile à mettre en œuvre. Elle a été la seule à encourager et à soutenir le recours à la force. Le déploiement par Ankara de mercenaires syriens contribue aussi à l'internationalisation du conflit et fait peser une lourde menace sur la région.

Dans cette circonstance, nous devons agir vis-à-vis de la Turquie, en demandant des clarifications et des vérifications. Toutefois, nous devons agir aussi comme membre coprésident du groupe de Minsk pour mettre fin au conflit, par tous les moyens à notre disposition, mais en respectant notre signature.

Je maintiens la position que j'ai affirmée il y a quelques minutes ; nous sommes donc en désaccord, madame Boyer.

Si nous revenions sur nos engagements de responsables des accords de 1994 et du groupe de Minsk, nous créerions les conditions permettant à la Turquie de remettre en cause l'impartialité de ce groupe et de s'insérer dans le règlement diplomatique d'un conflit dont elle est aujourd'hui partie prenante. Il s'agit d'une logique que nous ne souhaitons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Valérie Boyer. Mais votre méthode ne fonctionne pas !

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