Question de Mme HARRIBEY Laurence (Gironde - SER) publiée le 29/10/2020

Mme Laurence Harribey attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances sur l'annonce de l'ouverture d'une procédure de marché public concernant le 3919, la ligne d'écoute nationale « violences femmes info ».
L'expertise de la fédération nationale solidarité femmes (FNSF) dans l'écoute des femmes victimes de violence est issue d'une expérience sur le terrain de plus de 30 ans et repose sur des professionnels formés et qualifiés. Le Président de la République a lui-même salué la capacité des équipes du 3919 à faire face, avec engagement et professionnalisme, à l'afflux des appels durant la période de confinement.
Suite à cet afflux le Gouvernement envisage d'étendre l'écoute 24h/24h, projet sollicité par la FNSF depuis les années 1990 qui s'est déclarée prête à satisfaire cette proposition sous réserve de l'obtention de subventions supplémentaires via un nouveau contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM).
La FNSF, qui gère cette ligne d'écoute depuis 1992, s'appuie localement sur un réseau de 73 associations en capacité de prendre en charge les femmes victimes de violence de manière efficace et adaptée. C'est toute cette synergie opérante qui risque d'être anéantie par la mise en concurrence liée au marché public.
Dans le cadre de la priorité quinquennale donnée à la lutte contre les violences faites aux femmes, elle lui demande donc d'une part de renoncer à la procédure d'ouverture d'un marché public, d'autre part de revoir le CPOM avec la FNSF en augmentant le montant de la subvention qui lui est allouée.

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Réponse du Premier ministre - Égalité entre les femmes et les hommes, diversité et égalité des chances publiée le 10/12/2020

La Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) constitue depuis plusieurs années un partenaire privilégié de l'État en matière de lutte contre les violences au sein du couple. Il n'entend nullement remettre en cause cet engagement indéniable, ni la qualité de ses interventions, constamment soutenues. Il a du reste été présent à ses côtés pour soutenir cette action depuis sa création, ainsi que pour accompagner l'évolution du dispositif d'écoute vers un numéro court, plus facilement identifiable auprès des femmes victimes de violences, porté par la seule fédération via une plateforme nationale. L'État l'a d'ailleurs soutenu systématiquement par des subventions en constante augmentation. Toutefois, comme indiqué dès fin 2019 à la FNSF, il n'est pas possible juridiquement, au vu des règles de droit de la commande publique et européennes, de soutenir ce dispositif par subvention aussi bien dans le cadre d'un appel à projets que par conventionnement. Dès lors que l'État endosse le pilotage et la responsabilité d'un dispositif d'écoute des femmes victimes de violence, qu'il en définit les besoins à satisfaire et les modalités (notamment un fonctionnement 24 heures sur 24, l'accessibilité aux personnes en situation de handicap) et qu'il le financera en totalité, le marché public est le vecteur de l'action. Dans le cas contraire, le risque de requalification de la subvention en contrat serait important, avec un remboursement de la subvention. Cela emporterait également, à la fois pour les pouvoirs publics et l'association, des conséquences lourdes, sur les plans fiscal, pénal et civil. En l'espèce, le recours au marché public n'est pas un choix mais s'impose comme une conséquence. Cela ne signifie nullement une contestation des droits et propriétés dont l'association est détentrice, s'agissant des aspects matériels ou immatériels. Il serait quelque peu paradoxal d'en conclure que l'État, en se conformant au droit en vigueur, entre dans une logique mercantile quant à la prise en charge des femmes victimes de violences et privatise ce dispositif dont le financement sera assuré à 100 % par l'État. Il est d'ailleurs noté que plusieurs dispositifs d'écoute téléphoniques dans le domaine des services sociaux relèvent déjà de marchés publics pilotés par l'État. Il s'agit par exemple du marché des numéros 116 000 pour les enfants disparus, 116 006 à destination des victimes ou encore de la plateforme 360 dédiée aux personnes en situation de handicap. Attentif par ailleurs aux risques soulevés par l'honorable parlementaire, l'État entend veiller au contraire via ce marché réservé aux acteurs de l'économie sociale et solidaire, à ce que cette future plateforme réponde à des hautes exigences qualitatives en termes de fonctionnement. Le ministère et ses services seront ainsi très vigilants sur la qualité des projets présentés, notamment pour la formation des écoutantes et écoutants sur les violences, afin de renforcer l'écoute et l'accompagnement de ce public. La FNSF peut naturellement candidater dans le cadre de la consultation qui sera lancée à cet effet, au vu en particulier de l'antériorité de son action et des compétences spécifiques développées et capitalisées. Il est enfin signalé que l'État est interpellé sur les modalités de fonctionnement de ce dispositif et, tout récemment, lorsque la plateforme d'écoute a cessé son activité pendant quelques jours lors de la crise sanitaire et y a répondu en apportant une contribution financière complémentaire répondant aux besoins de la plateforme pendant cette période. Dans ce contexte, les pouvoirs publics n'entendent donc pas se défausser de leurs responsabilités mais au contraire accroitre leur soutien à l'écoute des femmes victimes de violences.

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