Question de Mme GRÉAUME Michelle (Nord - CRCE) publiée le 12/11/2020

Mme Michelle Gréaume attire l'attention de Mme la ministre des armées sur le contrôle par le Parlement des exportations d'armes par la France.

La France qui fait partie des cinq principaux pays exportateurs d'armes et de matériel militaire dans le monde a ratifié en 2014 le traité sur le commerce des armes (TCA).

Le TCA réglemente le commerce international des armes interdisant leur exportation vers des pays ou des zones de conflit où sont commises des violations graves au droit international humanitaire ou aux droits humains.

Or les comparaisons des déclarations des différents pays exportateurs et importateurs d'armes comme les enquêtes menées par plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) tendent à démontrer que certaines exportations d'armes françaises sont réalisées en violation de ce traité. Sont en cause des ventes d'armes à l'Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, impliqués dans le conflit au Yémen et suspectés par l'organisation des Nations unies de plusieurs crimes de guerre.

Cette situation pose la question de l'information et du contrôle par le Parlement des ventes d'armes par notre pays, qui reste le domaine réservé de l'exécutif, uniquement contraint à la présentation d'un rapport annuel succinct et incomplet.

En conséquence, elle lui demande quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour garantir l'information complète et sincère du Parlement sur les ventes d'armes, lui permettant de veiller au respect du traité sur les commerces des armes dont la France est signataire.

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Réponse du Ministère auprès de la ministre des armées - Mémoire et anciens combattants publiée le 21/07/2021

Réponse apportée en séance publique le 20/07/2021

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, auteure de la question n° 1357, adressée à Mme la ministre des armées.

Mme Michelle Gréaume. Madame la ministre, alors que 78 % des Français estiment que le commerce des armes manque de transparence et devrait être mieux contrôlé, et que 72 % d'entre eux jugent qu'il devrait faire l'objet d'un débat public, la France reste l'un des pays occidentaux les plus en retard en la matière.

Cette situation est d'autant plus douloureuse que notre pays est le troisième exportateur mondial d'armes, ce qui lui confère une responsabilité particulière.

Les interrogations et les doutes sur les ventes d'armes à des pays suspectés de crimes de guerre, en violation totale avec le traité sur le commerce des armes, dont nous sommes signataires, renforcent encore plus cette exigence démocratique.

Comment justifier que des contrats d'armement qui alimentent des conflits internationaux auxquels prennent parfois part nos compatriotes ne fassent jamais l'objet d'un examen par les représentants de la Nation, ou d'une discussion avec eux ? C'est une anomalie démocratique difficilement justifiable.

Le récent décret prévoyant la présentation du rapport annuel sur les exportations d'armements devant le Parlement est un pas en avant, mais il faut aller beaucoup plus loin pour rompre avec une opacité qui jette le discrédit sur un domaine secret et réservé, dont la devise pourrait être : « Qu'importe l'éthique, pourvu qu'il y ait la vente ! »

C'est ce que quatorze organisations non gouvernementales dénonçaient en novembre dernier; regrettant que la France fasse « passer les intérêts financiers avant la protection des vies humaines » et se prononçant pour que « le Parlement puisse enfin remplir son devoir de contrôle sur l'action du Gouvernement en termes de ventes d'armes à l'étranger ».

Madame la ministre, depuis plusieurs mois, différentes propositions ont été formulées en ce sens dans nos deux assemblées comme dans l'espace public. Toutes ces pistes de réflexion méritent d'être étudiées et de faire l'objet de débats. Comptez-vous y donner suite ?

Plus largement, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour renforcer les prérogatives du Parlement, en matière non seulement de contrôle, mais aussi de définition des politiques d'exportation d'armement ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Madame la sénatrice, comme vous le savez, les décisions sur les autorisations d'exportation de matériels de guerre sont prises à la suite d'un examen interministériel rigoureux.

Le récent rapport parlementaire des députés Jacques Maire et Michèle Tabarot confirme ainsi l'efficacité et la rigueur de ce processus d'attribution des licences d'exportation par la commission interministérielle pour l'étude des exportations des matériels de guerre.

Les rapporteurs ont rappelé à ce titre que ce processus garantit le strict respect de nos engagements internationaux sur le commerce des armes.

Depuis 1998, le ministère des armées remet à la représentation nationale chaque année, au 1er juin, un rapport détaillant les exportations d'armement de la France. Depuis trois ans, le format et le contenu de ce rapport ont largement évolué pour offrir davantage de clarté et de lisibilité, et ainsi répondre à l'exigence de transparence.

Ce rapport illustre par ailleurs le rôle majeur que jouent les exportations pour l'équilibre et la pérennité de notre base industrielle et technologique de défense, ainsi que pour le maintien de notre autonomie stratégique, en lien avec la politique étrangère de la France.

Il aborde également la place occupée par les exportations de matériels de guerre dans la réponse apportée au besoin légitime de certains États partenaires de renforcer leur sécurité dans un contexte lourd de menaces.

Par ailleurs, dans ce souci constant de rigueur, le Premier ministre a récemment annoncé les suites que le Gouvernement entendait donner au rapport parlementaire que j'ai évoqué ; il s'agit notamment de rendre plus complète l'information donnée au Parlement.

Est ainsi prévue la publication, à partir de 2022, d'un rapport sur les exportations des biens à double usage, qui viendra compléter l'actuel rapport remis à la représentation nationale.

Est également prévue la présentation périodique devant le Parlement, par les ministres disposant de voix délibératives à la commission interministérielle pour l'étude des exportations des matériels de guerre, des résultats en matière d'exportation d'armements et de biens à double usage.

Je ne pense donc pas, madame la sénatrice, que l'on puisse parler d'opacité en la matière : des rapports éclairants peuvent être lus tous les ans sur ce sujet par les parlementaires.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour la réplique.

Mme Michelle Gréaume. Je vous remercie, madame la ministre, des éléments de réponse que vous venez de nous offrir, mais un rapport n'est pas suffisant : il faut un débat !

Tenir le Parlement à l'écart des processus de vente d'armes est une anomalie démocratique qui doit être corrigée.

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