Question de Mme PHINERA-HORTH Marie-Laure (Guyane - RDPI) publiée le 13/11/2020

Question posée en séance publique le 12/11/2020

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Ma question s'adresse au ministre de l'intérieur et porte sur l'immigration clandestine en Guyane.

La semaine dernière, une embarcation de fortune transportant une vingtaine de passagers clandestins a chaviré au large de Cayenne. Si certains d'entre eux ont pu regagner le rivage par leurs propres moyens avant de disparaître dans la nature, il a fallu l'intervention de l'armée, de la Marine nationale et des pompiers pour porter secours aux autres occupants de l'embarcation, parfois très jeunes. Je tiens d'abord à saluer l'intervention rapide des militaires et des pompiers, qui ont permis d'éviter un véritable drame ; mais pour combien de temps encore ?

Personne ne peut ignorer que la Guyane est victime d'une forte immigration, en raison de ses 378 kilomètres de littoral et de ses frontières fluviales avec le Suriname et le Brésil. À l'instar de ceux qui tentent de traverser la Méditerranée, beaucoup de clandestins entrent en Guyane au péril de leur vie. Nous avons déjà connu des drames.

Bien qu'attachés à notre tradition d'accueil, nous ne pouvons plus absorber cet afflux massif. En effet, les structures d'accueil, comme les écoles, déjà en nombre insuffisant pour nos compatriotes, ne peuvent plus faire face. Les squats et bidonvilles, dans lesquels cohabitent l'insalubrité, la violence et souvent la mort, ne peuvent être le quotidien de nos compatriotes exaspérés.

Monsieur le ministre, nous avons bien compris que les différentes mesures prises jusqu'à présent pour juguler l'immigration en Guyane n'ont pu pleinement porter leurs fruits et que les moyens mis en œuvre pour garantir l'éloignement des personnes expulsées sont d'une portée limitée face à l'étendue de ces flux. C'est pourquoi je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, comment le Gouvernement entend réaffirmer les pouvoirs régaliens de l'État en Guyane et ainsi mieux y contrôler l'immigration clandestine. Je vous remercie.


Réponse du Ministère des outre-mer publiée le 13/11/2020

Réponse apportée en séance publique le 12/11/2020

M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.

M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice, vous avez rappelé les faits terribles du 3 novembre dernier. À mon tour, au nom du Gouvernement, de rendre hommage aux forces armées, aux forces de sécurité intérieure, aux pompiers et aux services de secours qui se sont déployés avec beaucoup d'efficacité. J'informe également le Sénat que le procureur de la République de Cayenne a ouvert une information judiciaire et qu'une personne a été placée en garde à vue, puis en détention provisoire. Je l'affirme ici, au Sénat : la réponse de l'État de droit, c'est aussi que justice sera faite contre ces passeurs, qui, malheureusement et encore trop souvent – vous l'avez rappel頖, monnayent leurs services.

Ces éléments m'amènent à évoquer, de manière plus générale, la réponse de l'État en matière de lutte contre l'immigration en Guyane. Un enjeu, que vous connaissez mieux que quiconque, madame la sénatrice, est celui de l'échelle du territoire : avec pratiquement 1 300 kilomètres de frontières, ce département français est aussi grand que le Portugal. Pour autant, la maîtrise de la frontière est inédite ces derniers mois, et pour cause ! Nous avons fermé la frontière de manière totale, à la suite de la crise du covid-19. Jamais un gouvernement n'avait déployé autant de forces sur ses frontières, expliquant les 2 500 refus d'entrée sur le territoire français au seul premier semestre de cette année, contre 111 en 2018 – retenez ce chiffre ! L'effort est constant et il produit ses effets.

Néanmoins, nous devons, à l'avenir, aller plus loin. Premièrement, il nous faut reprendre l'opération Harpie à haute intensité. L'orpaillage constitue l'un des motifs de l'immigration irrégulière. Depuis maintenant plusieurs semaines, le programme Harpie est de nouveau opérationnel.

Deuxièmement, nous devons améliorer la réponse sur l'action de l'État en mer, puisque lorsque nous tenons bien les frontières terrestres, nous constatons, malheureusement, des tentatives de contournement par le grand large, comme ce fut le cas le 3 novembre dernier. Voilà qui pose aussi la question de la lutte contre la pêche illégale. Sur ce point aussi, les forces armées sont déployées avec des instructions claires, qui ont été données pour organiser des opérations spécifiques, notamment sur les embouchures de l'Oyapock.

La coopération diplomatique avec les États de la zone compte tout autant. J'ai demandé au préfet de Guyane de réunir les maires de votre territoire pour informer l'ensemble des élus municipaux, notamment les nouveaux maires, des actions qui seront entreprises en la matière.

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