Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 05/11/2020

M. Fabien Gay attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, sur l'annonce de lancement d'un marché public pour la ligne 3919.

Le 3919, ligne d'écoute nationale violences femmes info, est propriété de la fédération nationale solidarité femmes (FNSF), qui l'a créée en 1992 et déposée en tant que marque à l'institut national de la propriété intellectuelle (INPI). Elle fonctionne de 9 h à 22 h en semaine et de 9 h à 18 h les week-ends et jours fériés grâce à une équipe formée et expérimentée, qui oriente les femmes vers des dispositifs adaptés à leur situation, et sur la base de relais entre différentes associations.

Le Gouvernement, alors que les violences faites aux femmes sont l'une des grandes causes du quinquennat, a annoncé étudier la possibilité d'étendre l'écoute 24 heures sur 24 ; c'est dans ce contexte que le projet de lancement d'un marché a été annoncé. Pourtant, la FNSF, dont l'expertise a été reconnue et soulignée par le Président de la République et le Gouvernement lors de leur visite sur place, demandait de son côté un nouveau contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens pour parvenir à un tel objectif.

C'est donc par un désengagement et en se défaussant que l'État répond aux violences faites aux femmes, mettant également en péril le travail et l'expertise des associations dont le travail formidable et nécessaire, sur le terrain, au plus près des femmes victimes de ces violences, devrait au contraire être encouragé et soutenu pleinement.

De plus, alors que la FNSF a interpellé le Gouvernement au sujet de ce lancement d'un marché public, aucune réponse satisfaisante sur le plan juridique ne semble lui être parvenue.

Le 3919 n'entre manifestement pas dans le champ de la concurrence, et ne doit surtout pas y entrer ; il s'agit d'un outil au service de l'intérêt général et non d'une activité économique de marché. Le 3919 n'est en aucun cas un potentiel objet de concurrence et de profits ; il s'agit d'un numéro sans aucun doute essentiel, voire vital, pour des femmes victimes de violences. Ce manque de respect envers elles, et envers les associations qui leur apportent écoute, information et soutien est inadmissible. Le plein soutien de la puissance publique y est nécessaire.

Il souhaite savoir les raisons du lancement de ce marché public, et demande à ce qu'il ne soit pas mis en œuvre, mais à ce qu'au contraire l'État soutiennent pleinement les associations.

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Réponse du Premier ministre - Égalité entre les femmes et les hommes, diversité et égalité des chances publiée le 10/12/2020

La Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) constitue de longue date un partenaire privilégié de l'État en matière de lutte contre les violences au sein du couple. L'État n'entend nullement remettre en cause cet engagement indéniable, ni la qualité de ses interventions, constamment soutenues. Il a du reste été présent à ses côtés pour soutenir cette action depuis sa création, ainsi que pour accompagner l'évolution du dispositif d'écoute vers un numéro court, plus facilement identifiable auprès des femmes victimes de violences. L'État l'a d'ailleurs soutenu systématiquement par des subventions en constante augmentation. À l'occasion du Grenelle des violences conjugales, le Gouvernement s'est fixé l'objectif ambitieux d'avoir une plateforme téléphonique d'écoute des victimes de violences disponible 24h/24h et 7j/7 et accessible aux femmes sourdes et aphasiques. Les horaires étendus permettront également de répondre aux difficultés rencontrées dans les territoires ultramarins du fait du décalage horaire. L'État entend ainsi mettre la plateforme téléphonique d'écoute et d'orientation des victimes des violences conjugales au cœur des politiques publiques de lutte contre les violences faites aux femmes. Comme indiqué dès fin 2019 à la FNSF, il n'est pas possible juridiquement, au vu des règles de droit de la commande publique, de soutenir ce dispositif par subvention aussi bien dans le cadre d'un appel à projets que par conventionnement. Dès lors que l'État endosse le pilotage et la responsabilité d'un dispositif d'écoute des femmes victimes de violence, qu'il en définit les besoins à satisfaire et les modalités (notamment un fonctionnement 24h/24, l'accessibilité aux personnes sourdes et aphasiques) et qu'il le financera en totalité, le marché public s'impose. Dans le cas contraire, le risque de requalification de la subvention en contrat serait important. Cela emporterait, à la fois pour les pouvoirs publics et l'association, des conséquences lourdes, sur les plans fiscal, pénal et civil. Surtout, la requalification retarderait la mise en service des améliorations recherchées. En l'espèce, le recours au marché public n'est pas un choix mais s'impose comme une conséquence. Plusieurs dispositifs d'écoute téléphoniques dans le domaine des services sociaux relèvent déjà de marchés publics pilotés par l'État. Il s'agit par exemple du marché des numéros 116 000 pour les enfants disparus, 116 006 à destination des victimes ou encore de la plateforme 360 dédiée aux personnes en situation de handicap. Attentif par ailleurs aux inquiétudes relayées par l'honorable parlementaire, l'État entend veiller au contraire à la vocation sociale du projet via un marché réservé aux acteurs de l'économie sociale et solidaire, en excluant les structures à objet purement commercial. Le Ministère et ses services seront ainsi très vigilants sur la qualité des projets présentés, notamment pour la formation des écoutantes et écoutants sur les violences, afin de renforcer l'écoute et l'accompagnement de ce public. La FNSF est parfaitement légitime pour candidater dans le cadre de la consultation qui sera lancée à cet effet. Il est enfin signalé que l'État est interpellé sur les modalités de fonctionnement de ce dispositif et, tout récemment, lorsque la plateforme d'écoute a cessé son activité pendant quelques jours lors de la crise sanitaire et y a répondu en apportant une contribution financière complémentaire répondant aux besoins de la plateforme pendant cette période. Dans ce contexte, les pouvoirs publics n'entendent donc pas se défausser de leurs responsabilités mais au contraire accroitre leur soutien à l'écoute des femmes victimes de violences.

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