Question de M. BOCQUET Éric (Nord - CRCE) publiée le 07/01/2021

M. Éric Bocquet attire l'attention de Mme la ministre des armées sur la guerre au Yémen et la vente d'armes françaises à l'Arabie saoudite.
Depuis 2014, une guerre civile secoue le Yémen. Ce conflit s'est internationalisé depuis 2015 et oppose les rebelles chiites Houthis et la coalition dirigée par l'Arabie saoudite. Un conflit armé violent, qui s'éternise et qui a fait 233 000 victimes, selon l'organisation des Nations unies, dont plus de 140 000 enfants, fin 2019. C'est particulièrement dramatique.
De plus, 5 millions de Yéménites ont été déplacés et trois quarts des 30 millions d'habitants souffrent de la famine. Une misère jamais vue. Les Nations unies énoncent que cette famine est en passe de devenir la plus grave que l'humanité ait connue en un siècle.
La France, elle, a vendu du matériel de guerre à l'Arabie saoudite pour près d'1 milliard 400 millions d'euros et des armes françaises sont régulièrement trouvées au Yémen.
La France est donc engagée dans ce terrible conflit en fournissant un soutien de premier plan à l'Arabie saoudite. Or, au regard de la profonde crise humanitaire qu'engendre cette guerre meurtrière, la France devrait suspendre ces ventes, à l'image de 12 pays européens dont l'Allemagne, la Belgique, l'Italie et le Royaume-Uni qui ont annoncé des mesures visant à suspendre ou à limiter les ventes d'armes à l'Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis.
Il lui demande donc si la France compte suspendre ses ventes d'armes en direction de l'Arabie saoudite qui est un acteur majeur dans le conflit meurtrier au Yémen.

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Réponse du Ministère des armées publiée le 09/09/2021

La politique menée par la France en matière d'exportation d'armement repose sur un principe de prohibition, énoncé à l'article L. 2335-2 du code de la défense, en vertu duquel toute demande d'exportation de matériels de guerre et matériels assimilés est soumise à autorisation ou licence signée par le Premier ministre après avis de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre. La délivrance de ces autorisations repose sur un ensemble de considérations liées au respect de nos engagements internationaux, aux enjeux de stabilité et de sécurité régionale ou internationale, à la lutte contre la prolifération, et à la protection de nos forces et celles de nos alliés. Elle prend en compte par ailleurs les enjeux économiques, industriels et de renforcement de notre base industrielle et technologique de défense, qui sont l'une des conditions de notre autonomie stratégique et de notre souveraineté. Le respect de la position commune de l'Union européenne 2008/944/PESC du Conseil du 8 décembre 2008 modifiée par la décision (PESC) 2019/1560 du Conseil du 16 septembre 2019, définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologies et d'équipements militaires, et du Traité sur le commerce des armes (TCA) est systématiquement observé dans la mise en œuvre de la réglementation relative aux exportations d'armement. À ce titre, le TCA rappelle dans son préambule, le principe du « respect de l'intérêt légitime reconnu à tout État d'acquérir des armes classiques pour exercer son droit de légitime défense et contribuer à des opérations de maintien de la paix, et de produire, exporter, importer et transférer des armes classiques ». À l'issue d'une évaluation in concreto qui permet notamment d'apprécier s'il existe un risque manifeste ou prépondérant que les matériels de guerre soient utilisés pour commettre, notamment, des violations graves des droits de l'Homme ou du droit international humanitaire, seules sont accordées les demandes relatives à la satisfaction des besoins légitimes des pays concernés, et ne contrevenant pas aux engagements internationaux de la France ni aux embargos décidés par les organisations internationales. Cette appréciation, qui est propre à chaque État, peut différer en fonction de sa connaissance de la situation comme des liens qu'il entretient avec l'État client (exemple : accord de défense entre l'État exportateur et l'État client constituant un engagement international). Dans le cas de la guerre au Yémen, l'Arabie saoudite est contrainte de défendre son territoire face à des agressions territoriales et contre sa population civile. Ces agressions sont régulièrement condamnées par la communauté internationale. Dans ce contexte, Riyad bénéficie du soutien de pays occidentaux. L'Arabie saoudite ne fait d'ailleurs l'objet d'aucune mesure d'embargo sur les armes de la part des organisations internationales. Il apparaît donc tout à fait légitime d'autoriser certaines exportations et de considérer, le cas échéant, des mesures de remédiation des risques d'utilisation inappropriée, conformément aux règles et principes fixés par le droit international applicable. Comme pour chaque crise régionale, une attention particulière est donc portée pour discerner, lors de l'instruction de toute demande d'autorisation, l'ensemble des risques et leurs conséquences potentiellement négatives, en conformité avec ces engagements internationaux. La France exerce ainsi une vigilance renforcée à l'égard de chaque demande d'exportation à destination des pays de la Coalition arabe engagés dans ce conflit. Grâce à une instruction exigeante, reposant sur une analyse au cas par cas systématique des demandes de licence, elle peut cibler spécifiquement les matériels susceptibles d'appuyer l'Arabie saoudite dans son combat contre le terrorisme et pour la sécurité de son territoire. Cette politique de vigilance exercée par la France a ainsi entraîné une baisse sensible du nombre de licences accordées pour des exportations d'armement à destination de ce pays (cf. rapport au parlement 2020 sur les exportations d'armement de la France). En outre, si les conditions d'utilisation envisagées lors de l'octroi de l'autorisation d'exportation évoluent, la France s'efforce alors de transmettre des messages adéquats à ses partenaires et d'agir de toutes les manières possibles pour conduire à une désescalade, conformément à son rôle de membre permanent du Conseil de sécurité et aux principes fondamentaux de sa diplomatie. Les mesures restrictives annoncées par certains États européens concernant les exportations d'armement vers les pays de la Coalition arabe intervenant au Yémen ne se traduisent pas en pratique par une interdiction complète des flux à destination de ces pays mais sur des prohibitions généralement circonscrites dans le temps ainsi qu'en termes de catégories de matériels et de conditions d'emploi. Enfin, la France reste mobilisée pour mettre un terme au conflit au Yémen, qui passe par la cessation des hostilités et la relance des discussions sous l'égide des Nations unies, en vue d'un accord politique global et inclusif. 

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