Question de M. LECONTE Jean-Yves (Français établis hors de France - SER) publiée le 18/02/2021

M. Jean-Yves Leconte attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la présence de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) sur la liste des organismes divers d'administration centrale (ODAC) ayant interdiction de contracter auprès d'un établissement de crédit un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois ou d'émettre un titre de créance dont le terme excède cette durée (cette liste est fixée par un arrêté du 4 septembre 2018).

L'inscription de l'AEFE sur cette liste l'empêche d'accompagner la croissance du réseau des établissements d'enseignement français à l'étranger, alors que celui-ci prévoit de doubler, d'ici 2030, le nombre des élèves qu'il scolarise. En effet, de nombreux établissements en gestion directe (EGD) sont bloqués dans leurs projets immobiliers faute de capacité d'emprunt. Pourtant ils sont largement financés par les frais de scolarité payés par les familles. Les emprunts contractés seraient donc remboursés par l'augmentation des effectifs consécutifs à l'ouverture de nouveaux bâtiments par les établissements en gestion directe. Rendre à l'AEFE la capacité d'emprunt permettrait aussi de mieux étaler dans le temps les augmentations des frais de scolarité des EGD lors d'un projet immobilier, évitant les hauses brutales. Cette capacité d'emprunt a été demandée par le directeur de l'AEFE lors du conseil d'orientation interministériel pour l'enseignement français à l'étranger de janvier 2021. Elle faisait aussi partie des principales recommandations du rapport conjoint des inspections des affaires étrangères et de l'éducation nationale remis au Gouvernement au printemps 2019, en amont de l'annonce du plan de développement de l'enseignement français à l'étranger. Ce rapport rappelait d'ailleurs que plusieurs établissements publics avaient été radiés de cette liste des organismes divers d'administration centrale, comme Mines Paris Tech, la société du Grand Paris, l'institut géographique national, le centre national d'enseignement à distance, le domaine national de Chambord ou encore l'école du Louvre.

Au regard de l'évolution du budget de l'AEFE, il convient de constater qu'elle a des ressources propres largement supérieures à la subvention publique, qui proviennent des frais de scolarité, de la facturation de personnels mis à disposition des établissements scolaires et des services rendus aux établissements conventionnés. En 2016, la Cour des comptes établissait que les ressources propres de l'agence étaient passées de 52 % en 2012 à 59 % en 2015. Les documents budgétaires établissent aujourd'hui une part de ressources propres supérieure à 61 %. Cette constatation devrait conduire à constater que l'AEFE n'est pas majoritairement financée par l'État. La position du Gouvernement sur l'application des aides d'Etat à l'Enseignement français de l'étranger lors de la discussion budgétaire pour 2021, devrait permettre de déduire que, selon celui-ci, l'activité de l'agence est principalement marchande. Tant la nécessité de croissance de l'AEFE que la nature de son financement plaident pour retirer celle-ci de la liste des ODAC.

Il l'interroge donc sur la raison du maintien de l'AEFE sur cette liste.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance - Industrie publiée le 14/04/2021

Réponse apportée en séance publique le 13/04/2021

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, auteur de la question n° 1516, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance.

M. Jean-Yves Leconte. Je souhaite interroger le Gouvernement sur la présence de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger sur la liste des organismes divers d'administration centrale, dits ODAC, ayant interdiction de contracter auprès d'un établissement de crédit un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois.

L'inscription de l'AEFE sur cette liste l'empêche d'accompagner la croissance du réseau des établissements d'enseignement français à l'étranger, alors que celui-ci prévoit de doubler le nombre des élèves qu'il scolarise d'ici à 2030.

De nombreux établissements scolaires en gestion directe sont bloqués dans leurs projets immobiliers, faute pour l'AEFE d'une capacité d'emprunt. Pourtant, ces EGD sont largement financés par les frais de scolarité payés par les familles ; les emprunts qui pourraient être contractés seraient donc remboursés grâce à l'augmentation des recettes engendrée par les investissements qu'ils auront rendus possibles.

Rendre à l'AEFE sa capacité d'emprunt permettrait aussi de mieux étaler dans le temps les augmentations de frais de scolarité des EGD provoquées par les investissements immobiliers, celles-ci étant aujourd'hui brutales puisque l'investissement doit être très vite remboursé.

L'attribution de cette capacité d'emprunt a été demandée par le directeur de l'AEFE lors d'un comité interministériel en janvier 2021. Elle faisait aussi partie des principales recommandations du rapport conjoint des inspections des affaires étrangères et de l'éducation nationale remis au Gouvernement au printemps 2019. Ce rapport rappelait d'ailleurs que plusieurs établissements publics avaient été radiés de la liste des ODAC, comme Mines ParisTech, le CNED ou l'IGN.

Il convient aussi de constater que la subvention publique est de plus en plus minoritaire dans les recettes de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. En effet, ses ressources propres, qui proviennent, d'une part, des frais de scolarité payés par les familles dans les établissements en gestion directe et, d'autre part, de la facturation des personnels et des services rendus aux établissements conventionnés, sont en constante augmentation depuis plusieurs années.

Le Gouvernement envisage-t-il vraiment de donner à l'AEFE la capacité de participer à la croissance du réseau de l'enseignement français à l'étranger ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie. Monsieur le sénateur Leconte, vous m'interrogez sur l'inscription de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger sur la liste des organismes divers d'administration centrale, les fameux ODAC, qui ne l'autorise pas à s'endetter auprès d'un établissement de crédit sur une durée supérieure à douze mois ou d'émettre un titre de créance dont le terme excéderait cette durée. Cette interdiction, décidée par le législateur, vise à mieux maîtriser la dette publique et les dépenses associées à sa charge et à mieux maîtriser la dissémination de l'endettement public entre les différents organismes.

La qualification en ODAC est établie tous les ans par l'Insee de manière indépendante à la suite d'une étude approfondie de chaque entité. Cela ne se décrète donc pas. Plusieurs critères sont pris en compte lors de cette étude, tels que le poids de l'État dans la gouvernance et les modalités de financement de l'organisme, en particulier sa part respective des ressources propres et des financements publics.

Ces éléments sont pris en compte de manière globale. Une seule variation ne conduit pas à remettre en question cette classification. Le ministère chargé des comptes publics adopte un arrêté qui ne fait que reprendre, en pratique, les classifications opérées par le comptable national. C'est une question de crédibilité, notamment à l'endroit de nos financeurs.

Toutefois, l'attention de l'Insee pourra être attirée sur une éventuelle révision de la qualification de l'AEFE, décidée chaque année. Toute évolution ne pourra résulter que de changements significatifs et objectifs dans le modèle économique de l'AEFE par rapport à la situation antérieure qui avait conduit à sa qualification en ODAC.

Indépendamment d'une éventuelle requalification, des solutions substitutives à l'endettement, qui reposeraient en particulier sur la trésorerie abondante de l'AEFE, peuvent être mises en œuvre pour répondre à l'objectif, parfaitement légitime, de lui donner les moyens de son développement. Cette trésorerie atteint, en 2020, environ 300 millions d'euros, dont environ 150 millions d'euros pour les établissements en gestion directe. Mis en commun, ces montants permettraient d'absorber largement les besoins d'investissement immobilier du réseau de ces établissements en gestion directe.

Le nouveau contrat d'objectifs et de moyens, en cours d'élaboration, doit être l'occasion de normaliser les modalités de financement de l'immobilier des établissements en gestion directe en mettant fin aux avances dérogatoires de l'Agence France Trésor et en actant une évolution dans le sens d'une mise en commun de la trésorerie de ces établissements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour la réplique.

M. Jean-Yves Leconte. Il est totalement inexact de dire que l'AEFE a aujourd'hui les moyens de financer les investissements immobiliers des établissements en gestion directe. Des investissements sont bloqués, des projets sont arrêtés, faute de financement.

En outre, depuis une dizaine d'années, l'Agence voit progressivement la part de ses ressources propres augmenter structurellement et dépasser largement les 50 %.

Si une baisse a pu être constatée en 2020, elle est conjoncturelle, liée à la crise sanitaire mondiale. L'évolution depuis dix ou quinze ans va dans le sens d'une autonomisation progressive et d'une baisse de la part de l'État, qui atteint maintenant largement moins de 50 % de ces recettes.

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