Question de Mme PRÉVILLE Angèle (Lot - SER) publiée le 11/03/2021

Mme Angèle Préville interroge Mme la ministre des armées sur les raisons du retard pris dans la publication du décret d'application attribuant la médaille de la défense de la Nation avec agrafe « essais nucléaires » aux travailleurs et vétérans des centres des expérimentations nucléaires pour les périodes fixées par la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010.
L'attribution de cette médaille serait le symbole de la reconnaissance par l'État français du tribut payé par les vétérans ayant contribué à l'indépendance stratégique de la France en participant aux essais nucléaires sur les sites d'expérimentation du Sahara et de Polynésie.
Elle souhaite connaître les freins qui demeurent à leur exprimer la gratitude de l'État et à acter leur engagement sans faille.

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Réponse du Ministère auprès de la ministre des armées - Mémoire et anciens combattants publiée le 29/09/2021

Réponse apportée en séance publique le 28/09/2021

Mme le président. La parole est à Mme Angèle Préville, auteure de la question n° 1583, adressée à Mme la ministre des armées.

Mme Angèle Préville. Madame la ministre, environ 300 000 vétérans, civils et militaires, ont participé aux essais nucléaires français, à la fois dans le Sahara algérien et en Polynésie française.

En janvier dernier, vous preniez un décret créant une nouvelle agrafe « essais nucléaires », destinée à récompenser ces personnels par la médaille de la défense nationale.

S'il s'agit d'une bonne nouvelle, c'est loin d'être suffisant, qu'il s'agisse des vétérans ou de leurs descendants. Les vétérans ne devraient-ils pas pouvoir bénéficier du statut d'ancien combattant ? N'ont-ils pas été exposés aux radiations nocives pour la santé en assurant l'indépendance stratégique de la France ? La demande qu'ils vous ont adressée à ce sujet, sauf erreur, n'a toujours pas obtenu de réponse. Ils sont nombreux à souffrir de lourdes séquelles dues à l'exposition aux rayonnements ionisants et à un environnement contaminé.

Que leurs enfants et petits-enfants soient également touchés était également prévisible. Le lien entre l'exposition des vétérans et les conséquences néfastes sur leurs descendants a été démontré, et il est documenté depuis déjà un certain temps. Depuis Hiroshima et Nagasaki, on sait que l'irradiation des parents entraîne des conséquences irréversibles sur le génome : stérilité, malformations, cancers et autres pathologies apparaissent de génération en génération, ce qu'on observe également dans la lignée des vétérans des essais nucléaires français.

Face à ce lourd tribut que payent les vétérans des essais nucléaires et leurs familles, le Gouvernement ne doit-il pas accorder aux descendants un suivi médical pris en charge par l'État ? N'y a-t-il pas là comme un devoir moral ? N'est-il pas de notre responsabilité d'assumer les conséquences des décisions prises dans le passé ?

Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quand les demandes des vétérans seront prises en compte et dans quel délai ? La France n'a-t-elle pas suffisamment attendu pour accorder à ceux qui l'ont servie la reconnaissance de la Nation ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Madame la sénatrice, vous avez rappelé l'avancée que constitue le décret du 29 janvier 2021 créant une nouvelle agrafe « essais nucléaires », destinée à honorer les vétérans des essais nucléaires par la médaille de la défense nationale. Cette distinction permet de récompenser les militaires d'active et de réserve, les anciens militaires ainsi que les civils qui justifient par tous moyens avoir participé aux missions liées au développement de la force dissuasive nucléaire.

La mise en place de ce dispositif est très satisfaisante. Fin août, 1 145 médailles avec agrafe ont été décernées, et ce chiffre sera porté à 1 415 dans les prochaines semaines. L'État reconnaît ainsi ce qu'il doit à ces femmes et à ces hommes, qui se sont dévoués pour bâtir notre dissuasion nucléaire, pilier majeur de notre défense.

En ce qui concerne le suivi sanitaire, je tiens d'abord à rappeler, en tant que médecin, toutes les précautions dont il faut s'entourer lorsqu'on aborde des données épidémiologiques. Plutôt que de brandir des comparaisons catastrophistes et hasardeuses, ce qui peut être trop engageant et difficile à entendre, il faut se fonder sur des analyses solides.

Justement, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a rendu publique en 2021 l'expertise collective sur les effets sanitaires des essais nucléaires en Polynésie française. S'agissant des effets transgénérationnels ou héritables, cette expertise conclut que les études actuellement disponibles chez l'homme ne mettent pas en évidence d'effet décelable, c'est-à-dire que des conséquences transgénérationnelles des rayonnements n'ont pu être attestées aujourd'hui chez l'homme, et recommande une veille attentive et rigoureuse de la littérature publiée à ce sujet.

La commission internationale de protection radiologique a programmé une expertise sur les effets héritables des radiations, qui doit rendre ses conclusions en 2025. Celles du comité scientifique des Nations unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants sont attendues pour 2028. Des experts de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire contribuent à ces travaux.

Tout cela a été expliqué au cours des tables rondes que nous avons tenues les 1er et 2 juillet 2021, à la demande du Président de la République, avec nos amis polynésiens. Le président-directeur général de l'Inserm et les experts de cette institution ont ainsi pu apporter toutes les précisions.

Mme le président. Il faut conclure, madame la ministre déléguée.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Nous portons beaucoup d'attention à ces questions, et menons de front la surveillance et la reconnaissance.

Mme le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.

Mme Angèle Préville. Merci, madame la ministre, pour votre réponse. J'attire toutefois votre attention sur la spécificité de ces essais nucléaires, qui devrait nous inviter à revoir la notion même d'ancien combattant, puisque l'exposition aux rayonnements a été très concrète pour ceux qui étaient présents.

Pour assumer notre responsabilité pleine et entière, il nous faut trouver la juste réponse.

Mme le président. Je vous demande, chers collègues, de bien porter votre masque sur le nez : les micros sont utilisés par d'autres et on ne les nettoie pas forcément juste après vous.

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