Question de M. JOMIER Bernard (Paris - SER) publiée le 01/04/2021

Question posée en séance publique le 31/03/2021

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Bernard Jomier. Monsieur le Premier ministre, l'heure du choix entre les patients est arrivée dans les premiers hôpitaux. Je ne citerai que les propos du chef du service de réanimation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nancy, qui annonçait hier plusieurs décès de patients dont les interventions avaient été déprogrammées.

Le tri va s'accélérer, et pour la première fois dans l'histoire récente de notre pays, cette situation n'est pas la conséquence d'un événement imprévu, mais celle de la décision d'un homme prise avec une volonté de concentration à l'excès de ses prérogatives constitutionnelles : le chef de l'État. Votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, l'applique en laissant le virus circuler à un niveau élevé depuis deux mois.

Monsieur le Premier ministre, avez-vous des regrets, des remords ou des excuses à présenter aux Français et à leurs proches victimes de cette obstination ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Alain Houpert applaudit également.)


Réponse du Ministère auprès du ministre des solidarités et de la santé - Autonomie publiée le 01/04/2021

Réponse apportée en séance publique le 31/03/2021

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie. (Protestations sur diverses travées.)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie. Monsieur le sénateur Bernard Jomier, permettez-moi tout d'abord de vous dire qu'il n'y a pas de tri, et que ce mot devrait être banni de notre vocabulaire à ce stade de la crise.

Mme Éliane Assassi. Dites-le aux familles de disparus !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. La crise sanitaire mondiale que nous traversons nous mobilise maintenant depuis un an et demi, en France comme ailleurs. Nous avons eu à développer des réponses mesurées et évolutives face à la situation que nous connaissons, mais nous avons aussi un devoir de transparence vis-à-vis des Français.

La réalité, monsieur le sénateur, c'est que la mobilisation des Français, leur résilience, l'action publique mobilisée, nous permettent d'entrevoir le bout du tunnel, comme c'est le cas dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), où la vaccination ouvre le chemin des retrouvailles.

La réalité, c'est aussi que la situation sanitaire demeure plus que préoccupante : plus de 29 000 Français sont hospitalisés en raison du covid et les patients atteints du virus occupent 89 % des lits de réanimation, malgré toute notre action visant, comme dans les autres pays, à repousser les murs de nos hôpitaux.

M. Philippe Pemezec. Il fallait commander des vaccins !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Pour y faire face, nous sommes dans l'action, sans relâche. Cette action, vous la connaissez, elle s'appuie sur la gestion quotidienne de l'ensemble des ressources dont nous disposons au regard de l'évolution de la situation sanitaire.

Concrètement, elle permet de déployer des outils – masques, gels, vaccins – dont nous avons besoin, de nous assurer que ceux-ci aillent où il faut, quand il le faut, grâce à une logistique d'ampleur. Notre réponse est territorialisée, concertée, en fonction de la situation vécue dans chaque région.

Nous rendons compte en toute transparence, en temps réel, chaque semaine, nous échangeons dans cet hémicycle ; quand la situation l'exige, M. le Président de la République s'adresse à nos concitoyens, ce qu'il entend faire ce soir.

Vous comprendrez qu'il ne m'appartient pas de préjuger de ses propos ; néanmoins, en complément des temps dédiés, le Premier ministre a fait le choix d'ouvrir un débat parlementaire dès demain pour que nous puissions échanger plus largement, en toute transparence, sur la réponse la plus adaptée à la situation que nous connaissons.

Monsieur le sénateur, les Français attendent mieux que de vaines polémiques. Hissons-nous à la hauteur de l'enjeu pour sortir collectivement plus forts de cette crise.

Mme Éliane Assassi. Pas un mot sur les personnes décédées !

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour la réplique.

M. Bernard Jomier. Madame la ministre, vous pouvez bannir un mot du vocabulaire, mais vous ne le bannirez pas de la réalité !

En déprogrammant plus de 80 % des interventions dans les hôpitaux, à quoi contraignez-vous les soignants, sinon à choisir, à prendre certains patients et non d'autres ?

Voyez-vous, ce qui m'inquiète dans vos propos, c'est ce déni persistant de la réalité, auquel vous ajoutez une gestion de la crise par un homme seul, fût-il chef de l'État, qui, encore une fois, ne consultera pas le Parlement avant ses décisions, lesquelles nous seront soumises comme si nous étions une chambre d'enregistrement. C'est scandaleux ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

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