Question de M. FICHET Jean-Luc (Finistère - SER) publiée le 06/05/2021

Question posée en séance publique le 05/05/2021

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Luc Fichet. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, le monde traverse la plus grande crise sanitaire de la période moderne. Si nous disposons aujourd'hui de vaccins contre le covid-19, nous faisons face à une vague plus violente encore que les précédentes.

Nous devons accélérer le rythme de vaccination partout, à l'échelle de la planète, y compris en France. Nous ne sommes toutefois pas convaincus que la stratégie européenne et mondiale se donne tous les moyens d'y parvenir.

Plus de cent gouvernements nationaux, dont l'Inde et l'Afrique du Sud, avec le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, et de nombreux experts de santé, plaident pour une dérogation temporaire aux règles de propriété intellectuelle, afin de permettre une couverture vaccinale la plus large possible.

Alors que cette demande est de nouveau discutée aujourd'hui même à l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, l'opposition de l'Union européenne et de la France à cette levée temporaire est incompréhensible.

Selon The Economist, la plupart des habitants des pays africains ne seront pas vaccinés avant 2023, et il faudra attendre 2022 pour ceux de nombreux pays émergents. Combien de nouveaux variants d'ici là ? Combien de morts supplémentaires ? Combien d'économies à terre ?

Monsieur le Premier ministre, les vaccins contre le covid-19 doivent devenir un bien commun de l'humanité. Ma question est donc simple : la France va-t-elle porter la levée temporaire des règles de propriété intellectuelle pour ces vaccins en Europe et dans le monde ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)


Réponse du Secrétariat d'État auprès des ministres de l'économie, des finances et de la relance, et de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques publiée le 06/05/2021

Réponse apportée en séance publique le 05/05/2021

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur Jean-Luc Fichet, il y a un point sur lequel nous nous rejoignons complètement, c'est la nécessité de vacciner, le plus vite possible, le plus de monde possible à l'échelle de la planète, pour des raisons de solidarité et humanitaires que l'on comprend évidemment, mais aussi pour des raisons d'efficacité.

En effet, la crise nous a appris que, même si l'Europe devait être complètement vaccinée, tant que le virus continuera à évoluer et à produire des variants ailleurs dans le monde, nous réimporterons systématiquement ces derniers. Nous avons donc besoin que tout le monde soit vacciné.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la France a pris la tête d'un certain nombre de pays développés, qui sont de grands acheteurs de vaccins, pour fournir, notamment aux pays du Sud, des doses de vaccin.

Je pense aux centaines de milliers de doses qui ont été données unilatéralement par la France dans le cadre de l'initiative Covax. Je pense aussi à l'engagement du Président de la République d'offrir 5 % des doses françaises à destination des pays du Sud, ce qui, je le crois, est assez unique parmi les pays développés.

Par ailleurs, est-ce qu'une levée temporaire des brevets serait de nature à répondre au défi que vous évoquez ? Je n'en suis pas sûr. Il est même possible que ce soit une fausse bonne idée, pour les raisons suivantes.

Tout d'abord, parce que ce n'est pas un problème de brevet. Même si tous les brevets étaient en accès libre, il n'y aurait pas de production supplémentaire pour les pays du Sud avant la fin de 2022, compte tenu de la complexité industrielle que cela représente. Il faut en effet dix-huit mois pour « valider » une usine.

Ensuite, il est nécessaire que les industriels continuent à investir dans la recherche pour développer des réponses aux nouveaux variants. Si nous leur retirons la propriété intellectuelle, ils risquent d'être désincités à investir dans ce domaine. (Mme Laurence Cohen proteste.)

Enfin, même si l'argument est moins valide s'agissant d'une autorisation temporaire, il faut prendre conscience que transférer de manière unilatérale et sur une longue durée un brevet, donc la recherche qui lui est liée, entraîne un risque de délocalisation. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. Fabien Gay. Délocalisation de quoi ? Nous n'arrivons même pas à produire un vaccin !

M. Cédric O, secrétaire d'État. Le sujet que vous avez soulevé doit être étudié, monsieur le sénateur. Il faut transférer des doses, mais la question des licences libres est infiniment plus compliquée.

M. David Assouline. Vive le libéralisme, quoi qu'il en coûte !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour la réplique.

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le secrétaire d'État, vous imaginez bien que votre réponse n'est pas satisfaisante. Vous rétorquez avant même que l'on ait évoqué l'hypothèse que les vaccins soient dans le domaine public.

Il faut tout de même rappeler que la recherche est financée en très grande partie par l'État, donc par l'argent public. Il faut avancer très vite sur la question de la vaccination contre le covid. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

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