Question de M. COURTIAL Édouard (Oise - Les Républicains) publiée le 03/06/2021

Question posée en séance publique le 02/06/2021

M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Édouard Courtial. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Chaque jour apporte son lot de violence : celle-ci est dorénavant partout, aucun territoire n'est épargné. Elle touche tous les citoyens et – c'est nouveau – cible plus particulièrement ceux qui représentent l'autorité. C'est le cas des élus locaux, au premier rang desquels les maires, victimes de violences verbales et de plus en plus souvent physiques, comme il y a quelques jours encore en Côte-d'Or.

Nous ne le dirons jamais assez : agresser un maire ou, plus largement, un élu, c'est attaquer la République.

Ceux qui sont au service des autres deviennent donc une cible. Cette banalisation et cette impunité sont intolérables. Pour nos concitoyens, la lassitude le dispute à l'impuissance, car l'État semble avoir perdu le contrôle de la situation.

Depuis le début du quinquennat d'Emmanuel Macron, les coups et blessures volontaires ont augmenté de près de 20 % malgré le confinement : ce bilan est sans appel.

Pour mettre fin à cette spirale dangereuse, il n'y a qu'une seule réponse possible – vous le savez tous –, c'est la fermeté. Or lorsqu'on regarde ce qu'il est advenu des agresseurs d'élus, nous sommes loin du compte, et c'est révoltant !

Dans l'Isère, un maire frappé au visage et brûlé à une main a vu ses agresseurs condamnés à une peine de prison avec sursis et à quelques travaux d'intérêt général ; dans les Yvelines, un maire dont l'agression s'est traduite par cinq jours d'incapacité totale de travail (ITT) a vu ses agresseurs condamnés à 200 et 300 euros d'amende ; dans le Pas-de-Calais, un maire agressé violemment et hospitalisé a vu ses trois agresseurs écoper d'un avertissement solennel et d'une peine assortie d'un sursis.

Mme Catherine Procaccia. Scandaleux !

M. Édouard Courtial. Monsieur le garde des sceaux, pensez-vous que ces peines qui évitent toute incarcération soient à la hauteur de la gravité des délits commis ? Pensez-vous que c'est ainsi que nous protégerons vraiment nos élus ? Il y a d'un côté les beaux discours et, de l'autre, la triste réalité ; d'un côté l'intransigeance de façade et, de l'autre, la complaisance coupable.

Monsieur le garde des sceaux, vous vous indignez, vous rendez hommage, mais je vous le dis, pour les maires, ce n'est plus suffisant. Ne pensez-vous pas qu'il est temps d'abroger les lois et les circulaires Belloubet qui font tout pour éviter la prison, c'est-à-dire une vraie peine, aux voyous ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)


Réponse du Ministère de la justice publiée le 03/06/2021

Réponse apportée en séance publique le 02/06/2021

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Pour reprendre un mot qui a été utilisé dans cette enceinte il y a de cela quelques semaines, je devrais avoir « honte », monsieur le sénateur ? Il est vrai que lorsque vous étiez au pouvoir, vous avez réglé toutes ces questions de délinquance ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Permettez-moi un aparté : depuis une trentaine d'années, nous déplorons environ 1 000 crimes de sang par an dans notre pays peuplé de 65 millions d'habitants.

Mme Sophie Primas. Donc tout irait bien ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Allez donc voir ce qui se passe à l'étranger ! Avec trois crimes de sang par jour, le filon est inépuisable pour vous. Vous pouvez considérer la justice au seul prisme d'une analyse « fait-diversière ». La question est : qu'avez-vous fait et que proposez-vous ?

S'agissant des élus, je vais vous répondre.

M. Édouard Courtial. Ah oui !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Eh oui. Nous avons fait beaucoup de choses, voyez-vous. Dès le 7 septembre 2020, en concertation avec les associations d'élus – certains d'entre vous le savent –, j'ai signé des instructions claires et précises.

Savez-vous que, entre 2019 et 2020, nous avons doublé le nombre de condamnations dans ce champ infractionnel ? Savez-vous que le taux d'incarcération, en hausse de près de dix points en 2020, s'élevait à 62 % ? Via une circulaire du 15 décembre 2020, j'ai demandé la mise en œuvre de la justice de proximité que nous avons instituée, et j'ai encouragé un dialogue avec les élus locaux.

Dans votre département – vous devez le savoir, monsieur le sénateur –, les parquets de Beauvais, de Senlis et de Compiègne ont mis en place un certain nombre de dispositifs qui n'existaient pas, notamment un référent au parquet qui est à la disposition des élus. Allez donc les rencontrer !

Un protocole entre les maires et les parquets a déjà été signé par près de soixante communes de votre département, et des réunions régulières ont lieu avec les maires.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Ce n'est pas vrai !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Comme je l'avais indiqué à Mme Gatel, j'ai créé un dispositif qui n'existait pas : j'ai demandé le mois dernier que, via les services judiciaires, nous obtenions une remontée semestrielle des violences. Les parquets que j'évoquais tout à l'heure, comme tous les parquets de France, demandent aux forces de l'ordre d'être immédiatement informés pour pouvoir sanctionner. (Marques d'impatiences sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il faut conclure !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J'ai terminé, monsieur le président. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Alain Cazabonne applaudit également.)

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